descriptionLa taverne du Cheval Blanc
- La taverne du Cheval Blanc
- __ Nord de Gwendalavir, Citadelle des Frontaliers
__ 25/05/2014
Alec Ezilea, Ayden Steredönn & Nirina Sil’Kallian
Le soleil se couchait derrière les sommets de la chaine du Poll. La lumière vive et dorée éclairait les murailles de la citadelle, la forêt ainsi que le village environnant. Néanmoins, on apercevait au loin de lourds nuages noirs et menaçants, chargeant l’air d’humidité et d’électricité. Un orage se préparait.
Les orages du nord étaient plus qu’impressionnants. Suivant les lignes naturelles forgées par les chaines de montagnes, toute dépression nuageuse remontait jusqu’à la chaine du Poll où ils s’entassaient, bloqués dans leur progression par l’imposante chaine de montagnes, jusqu’à ce que leur colère explose à l’unisson, faisant trembler les monts de neige éternelle.
Alec connaissait bien ces aléas de la température de cette région. Et pour cause, il y avait toujours vécu. Un instant, le soleil brillait au-dessus de vos têtes, puis sans crier gare et semblant venir de nulle part, un vent rageur se levait, aussitôt suivit de nuages noirs menaçants et d’une pluie diluvienne.
Aussi, à la vue des masses nuageuses au sud-est, Alec sera les talons pour faire avancer sa monture plus rapidement, enjoignant le Thül qui chevauchait à ses cotés à faire de même. Le Thül, Ayden Steredönn, l’avait enfin convaincu de l’accompagner à la fameuse taverne dont il lui parlait sans cesse depuis qu’ils s’étaient rencontrés plus d’une semaine plus tôt. Alec qui n’était pas très chaud à l’idée s’était retrouvé à court d’excuses lorsqu’il avait été libéré de ses obligations de Frontalier cet après-midi-là.
Ayden résidait chez lui depuis ce fameux soir où ils s’étaient retrouvés, par un magnifique concours de circonstances, à combattre cotes à cotes des Raïs dans les montagnes. Le Thül avait été blessé légèrement et comme il ne souhaitait pour rien au monde que les guérisseurs de la Citadelle se payent sa tête, Alec l’avait invité chez lui. Sa sœur cadette, Daerys, qui comptait parmi les Frontaliers formés à la médecine, avait soigné le grand homme blond. Cela faisait une semaine qu’il résidait dans la dépendance de l’ancien palefrenier près de l’écurie, sur la propriété de la famille d’Alec.
Très énergique, bavard et de bon cœur, Ayden avait rapidement gagné le cœur de la famille. Alec avait craint la réaction de sa mère, Élia, mais celle-ci appréciait finalement beaucoup la vie et l’humour que le Thül apportait à sa maison. Ayden continuait, plus ou moins consciemment, de tenter de charmer Daerys, mais celle-ci restait parfaitement insensible aux tentatives du guerrier blond. Elle l’appréciait néanmoins et le taquinait souvent en le tournant en bourrique.
Pour les remercier de leur hospitalité, Ayden travaillait sur la ferme. Son aide était plus que la bienvenue. La ferme avait retrouvé en quelques jours une allure digne d’autres fois. N’ayant plus les moyens d’engager un travailleur sur la ferme, et étant tous les trois trop occupés par leurs obligations à la Citadelle et comme Frontaliers, la ferme avait un peu été laissée pour compte.
Ayden avait également tenu à remercier personnellement Alec en l’emmenant à ce qu’il prétendait être la meilleure taverne des Marches du Nord. C’était ainsi vers cette dite taverne, appeler le Cheval Blanc, qu’ils se dirigeaient tous deux.
Écho, chien-loup et meilleur ami d’Alec, marchait à sa droite. Les rares passants qu’ils croisaient sur la route faisaient ainsi de grands détours pour passer le plus loin possible de la bête. Écho s’était finalement habitué à la présence d’Ayden. Ils semblaient s’être mutuellement pardonné le mal entendu de leur première rencontre où Écho avait manqué de peu de sauter à la gorge d’Ayden et où ce dernier l’avait presque coupé en deux de son épée.
Le Frontalier aurait préféré éviter cette soirée, mais il aurait été insultant de refuser maintenant. En effet, il n’aimait pas l’idée de se retrouver dans un lieu public bourré à craquer de gens en tout genre. Il n’aimait pas les foules et les soirées festives étaient depuis longtemps devenues un souvenir. Quant à la dernière fois où il avait pris un verre…
Alec, légèrement bourru, lança à Ayden :
- « Je te le répète, un seul verre, ensuite on rentre. »
Ils continuèrent encore un moment puis entrèrent finalement dans le village. On apercevait la muraille de la Citadelle plus loin, forte et inébranlable, baignée dans la lumière du soleil couchant. Écho commença à montrer des signes de nervosité et Alec tira sur les rênes de son étalon, Éclipse, pour l’arrêter. Le loup n’aimait pas se trouver près de foules, encore moins que son chef de meute, Alec. Notamment, jamais un tavernier qui se respecte n’accepterait un loup du Nord dans son établissement, peu importe le sang de chien qui pouvait couler dans ses veines.
Le Frontalier mit pied à terre et caressa affectueusement l’épaisse fourrure du coup du loup, ce dernier lui arrivant un peu plus haut que les hanches, ce qui était plus qu’impressionnant. Il lui fit un mouvement de la main, indiquant la forêt plus loin, Écho comprenant mieux le langage corporel que celui de la parole humaine. Il ajouta néanmoins pour la forme :
- « Tu devras passer ta soirée tout seul, Écho. »
L’animal s’éloigna, lança quelquefois des regards derrière lui en direction d’Alec, puis disparut derrière un bâtiment. Les deux compagnons continuèrent à pied, tenant les rênes de leurs chevaux dans leurs mains.
Alec se laissa mener par Ayden dans les rues du petit village fortifier jusqu’à ce qu’ils s’éloignent légèrement des autres bâtiments. Ils arrivent finalement devant la porte d’un commerce isolé, mais bondé où une enseigne délavée abordant un dessin d’étalon blanc se cabrant. Sur l’enseigne, le nom du commerce était gravé en grosse lettre : Le Cheval blanc.
Alec accrocha les rênes d’Éclipse à la clôture prévu à cet effet, près des réserves d’eau. Il caressa un instant l’encolure claire et douce de son cheval puis le quitta à regret, inspirant à plein poumons pour se donner courage et contenant avant d’affronter la soirée qui l’attendait. Il en faisait peut-être tout un plat pour rien, mais il aurait tout donné pour être ailleurs!
Lorsqu’il entra, Alec fut assailli par les odeurs d’alcool et de nourriture mélangés à celle plus acre de la sueur des gens et celle de la fumer de la grande cheminé. Plus que l’Odeur, ce fut le bruit qui le fit tiquer. Il adorait la tranquillité d’une écurie, de la forêt et des montagnes. C’était là qu’il se sentait chez lui. Ici, c’était tout le contraire. Plusieurs groupes de gens parlaient fort dans une joyeuse cacophonie de voix. Par-dessus le tout, un homme près du bar jouait de la guitare et un groupe de cinq hommes, lui compris, chantaient à tue-tête une chanson grivoise.
Autant dans son élément qu’un poisson dans le désert, Alec remarqua une table vide au fond de la salle, un peu isolé du chaos, et s’y dirigea telle une flèche fondant sur sa cible. Ayden n’avait qu’à le suivre ou aller au diable avec ses idées! Tout en maudissant intérieurement Ayden, il prit place à la table et rejeta son capuchon sur ses épaules, laissant la lumière éclairer ses traits. Son air était toujours bourru et tendu, ses iris vert clair observant tout et rien à la fois. Malgré sa bonne volonté, il n’arrivait pas vraiment à paraitre joyeux ou détendu… Autant demander à un loup du nord sauvage d’être poli et parler politique à la table de l’Empereur!
S’adressant à Ayden, il lança, légèrement soupe au lait :
- « Charmant, comme endroit. Tu ne connaissais rien de plus bruyant? »
L’homme qui travaillait au bar le connaissait et en l’apercevant assis à une table au fond de la salle, il haussa des sourcils, plutôt surpris, et vint à leur rencontre. C’était un homme grand et assez rond dont les cheveux gris avaient vu des années meilleures. Il se prénommait Branson Ardlin et avait été un ami proche de son père. Il avait connu Alec alors qu’il n’était qu’un bambin et était resté un ami proche de sa famille même après la mort du père d’Alec. Néanmoins, depuis plusieurs années, la vie les avait éloignées. Aussi, Alec fut assez surpris de le voir ici. Il n’avait aucune idée où Branson travaillait désormais…
- « Tiens donc! Alec! Ça doit bien faire une éternité que je ne t’ai pas croisé! »
Alec lui sourit, tentant de paraitre à l’aise et détendu, ce qui ne dû pas très bien marcher. Il lui tendit la main et ils échangèrent une poignée de main plus formelle que Branson semblait l’avoir voulu.
- « Bonsoir, Branson, je suis content de te voir. Je ne savais pas que tu travaillais ici? »
Le tavernier sourit, pas peu fier, avant de répondre :
- « En fait, j’ai racheté le Cheval Blanc au printemps dernier. Maintenant vous allez devoir m’excuser messieurs, je dois retourner au bar, nous avons une soirée bien remplie aujourd’hui! Faites signe à Anya, la jeune femme là-bas, lorsque vous voudrez commander, et passez une belle soirée! Alec, c’est toujours un plaisir de te revoir. »
Alec lui sourit, malgré un léger pincement au cœur de regret, en lui serrant la main de nouveau.
- « Merci, Branson. Pour moi aussi, c’est un plaisir. »
Le tavernier sembla hésiter une seconde, une ombre de tristesse et de regret traversant son regard, puis il sourit de nouveau, saluant Ayden d’un signe de tête, puis tourna les talons pour se frayer un chemin entre les clients jusqu’au bar. Alec le regarda s’éloigner, un mélange d’émotions contradictoires bourdonnant dans sa tête lui donnant encore plus envie de terminer la soirée rapidement et partir.
Tellement de Frontaliers à la Citadelle connaissaient son histoire. C’était pour cela qu’il était toujours parti en patrouilles de frontière, le plus souvent seul. Même encore aujourd’hui, plusieurs commentaires et regards entendus le suivaient lorsqu’il arpentait les couloirs de la Citadelle. Il ne les supportait toujours pas très bien. Et maintenant, ce soir, il se retrouvait non pas seulement avec plusieurs dizaines de Frontaliers dans un bar, mais aussi avec quelqu’un qui avait été très proche de lui et sa famille, jusqu’à l’évènement qui changea tout. Branson ne lui en avait jamais voulu, tout comme sa mère ou sa sœur, mais Alec l’avait tout de même éloigné, peu à peu, jusqu’à ce qu’ils se perdent de vue. Alec ne contrôlait pas ce phénomène. Et pour autant qu’il ne se sentait pas capable de renouer contacte, autant il en était désolé.
Voilà que la soirée qu’il appréhendait commençait sur un pied tremblant! Il espérait que le reste de la soirée se passe rapidement et sans encombre. Mais à voir la tête d’Ayden, rien n’était moins sûr que de rentrer avant que le soleil ne se lève à l’ouest.