La Science du Rêve

Tu as quitté les Marches du Nord, ton influence, ton pouvoir… Tu n’es plus un Wil’Lyran qui tire les ficelles, tend ses piège, avec rage et haine envers tes parents, pour ce qu’ils t’on fait, presque prêt à calculer leur mort. Tu n’es plus ce tyran… Tu es un simple rêveur aujourd’hui, qui avance jour après jour vers le sud. La neige se fait de plus en plus éparse à mesure que vous vous éloignez… Tu n’as presque pas besoin de porter les couleurs de ta famille, bleu et argent – gris en l’occurrence. Pourtant, ces couleurs ne te quittent pas. Tu n’oublies pas ton monde, ni le fait que tu es un Frontalier.

Tu fais partie de la caravane qui part du Nord et va vers le Sud. Tout le monde ignore ton passé, et c’est bien ainsi. On te voit comme un simple rêveur, même si tu ne peux pas cacher d’où tu viens. Et le Nord est écrit dans chaque fibre de ton être, tu emportes ce monde avec toi, même alors que vous vous en éloignez.

Soudain, un homme s’approche de toi et viens te parler. Au milieu de ton monde intérieur de solitude, où seule tourbillonne la neige, où le silence immaculé règne. Toi qui es si morne et froid. Comment croire alors que tu puisses être assez intriguant et intéressant pour que l’on vienne te parler ? Pourtant, dans un basculement, le miracle s’est accompli, et le silence est rompu. Tu n’as pas pour coutume d’être sociable, et ce n’est pas facile de parler avec toi, ni d’obtenir un peu de chaleur de ta part. Tu le regardes avec agacement et froideur, mais un peu de la douceur de ta sœur vient arrondir les angles, t’adoucir, et t’empêche de le remballer. Tu lui réponds en tempérant donc ton caractère. Oui, il peut t’interroger sur le don du Rêve et vous pouvez discuter. Tu lui dis ton nom pour te présenter.

Tu te souviens avoir déjà vu cet homme, bien sûr, puisque il fait partie de la caravane. Tu l’as vu en train de prendre des notes. Akid Assai Tilsa Lyssilik est un homme aux cheveux pleins de soleil. Ses yeux vert foncés, cernés, sont tel de l’eau. L’eau de la rivière, qui murmure inspiration et joie par sa voix, tumulte et énergie. Il transporte avec lui une sorte de coffre en bois avec des lanières pour le transporter sur son dos, et une fois ouvert, il est plein de petites fioles, avec de petites étagères fines et un peu poussiéreuses, qui semblent passionnantes par leur contenu, bien organisées. Le genre que tu as envie de découvrir, mais tu n’as osé regarder que de loin.

Un chercheur, cela rappelle à Fenji ces médecins, qui étaient du côté d’Elea Ril’ Morienval, du temps d’Ewilan, et qui étudiaient également le Don, sans égard toutefois pour leurs sujets d’étude, des êtres humains. Mais ce chercheur-là veut simplement poser des questions. Et Fen sait très bien qu’il a traité cet homme avec orgueil. Il n’a pas fait grand-chose de grave, à part être lui-même, mais il ressent de légers remords, peinant à transpercer la glace de ce qu’il est, lorsque Akid le remercie de lui offrir une chance et lui sourit. C’est sûr que le Rêveur doit garder une part de secret, mais il peut tout de même parler. Il ne comprend pas vraiment, pourquoi garder le secret sur l’art du Rêve, à part pour protéger autrui de ce qu’il n’est pas prêt à connaître. Il acquiesce donc aux paroles du chercheur, et attend la suite. Les questions pleuvent, mais les deux hommes sont reliés, par un sujet qui touche à une passion qu’ils ont en commun. Malgré qu’il se tienne à distance, une flamme s’allume dans les yeux de Fenji et s’empare de lui alors qu’il commence à raconter.

Le Rêve, c’est d’abord un contact, tout simplement poser ses mains sur la personne, et dérouler un rêve, c’est voir dans son esprit le corps de cette personne, mais aussi ses blessures si elle en a. Cela se dessine nettement dans l’esprit, en couleurs, principalement des couleurs chaudes, comme celles du corps, il y alors le Don, cette force en soi qui ressemble à un puissant désir de guérir la personne.

Il se rappelle lorsqu’il a guérit un guerrier qui était blessé au ventre, il y a quelques années. Fenji a posé ses mains sur lui, une chaleur a émané de ses mains, comme un feu purifiant, un feu doux et guérisseur, et il a refermé les blessures, redressé ce qui était faussé, assoupli ce qui était raide, lavé ce qui était souillé. C’est facile, Fen’ est capable de guérir n’importe qui de n’importe quelle blessure, pratiquement. En réalité, le Rêveur ne connaît pas bien le nom des organes, car il n’est pas un Rêveur aussi sérieux qu’il devrait l’être, mais néanmoins, il a ce Don, et il utilise cette force pure qu’il possède. Peut-être seulement c’est la force de celui qui voudrais souffrir et mourir à la place de l’autre. La force de ce qu’il y a de meilleur en toi, tout ce qui vient à la fois des entrailles et de ton coeur. C’est comme le feu qui sèche et assainit une pièce : ainsi, tu chasses l’humidité, l’eau du mal, et tout ce qui était dans l’obscurité. Il faut simplement trouver cette chaleur en soi-même. Cela n’a rien à voir avec la chaleur que Fenji peut exprimer lorsqu’il parle, mais c’est un Don qui vient de Dieu, car le jeune homme est convaincu de l’existence de Dieu. Des livres qui viennent de l’autre monde relatent son existence, et il sait que son Don vient de Lui. Il voit les Spires, mais il ne saurait pas dessiner. Il ne se rend pas vraiment compte si les autres Rêveurs ont la même perception que lui. Peut-être est-ce comme les yeux, personne n’a les même, et ne regarde de la même manière, mais plusieurs peuvent voir une même chose, et donc, plusieurs sont doués du don du Rêve, mais aucun ne déroule son rêve de la même manière.

Le jeune homme prend le temps de reprendre sa respiration, et observe Akid pour voir s’il suit toujours. Celui-ci note avec précision les réponses, et un sourire de plaisir se peint sur ses lèvres. Pourtant, le Rêveur pense qu’il n’a pas fait grand-chose. Il reprend.

- « Agir sur le mental paraît plus complexe, et l’art du Rêve est surtout destiné à guérir les blessures physiques. Cependant, un Rêveur porte en lui quelque de chose de sain qu’il communique à une personne malade. On peut penser alors que peut-être, un Rêveur peut communiquer au mental d’une personne quelque chose de positif, mais ce serait s’aventurer beaucoup que de penser soigner une maladie mentale. Peut-être est-ce possible avec certains cas, et d’autres non. Dérouler un rêve, revient, comme à construire un dessin à la main, j’imagine. Il faut ajouter des éléments, avoir conscience de ce qui est déjà présent… Respecter les composant, comme respecter les lois de chaque couleurs, je pense.  Mais je ne suis pas le plus doué des Rêveurs, et peut-être que l’un de mes frères vous aurait fait une meilleure réponse. »

Fenji s'arrête un peu brutalement ses dernières paroles, craignant de chercher trop loin en lui-même, à vrai dire ce sont des questions que lui-même ne s’est jamais posées, car il a toujours suivi son instinct et ne cherche pas vraiment à analyser son Don. Le chercheur referme enfin son carnet de notes et les deux hommes échangent un regard. Fenji esquisse un léger sourire, gentiment, en voyant qu’Akid semble un peu réchauffé par toutes ces paroles. Une fois le carnet de notes rangé, le Rêveur se demande quelle question il pourrait à présent poser à Akid. Rapidement, il sait ce qu’il a envie de demander.

- « Je vous remercie aussi de m'avoir parlé d'un sujet qui me touche aussi personnellement. Voulez-vous me parler de votre métier de chercheur ? Ou si vous préférez, de l’art du dessin ? Ou les deux ? »

Tu l’écoutes parler, mais ça ne t’intéresse pas vraiment. Tu ne sais même pas pourquoi tu lui as posé une question, ça ne t’intéresse pas réellement. Tu ne voulais juste pas le rejeter trop brutalement, alors qu’il était venu te parler. En somme, tu as fait preuve d’une gentillesse inutile, et ça t’agace. C’est ainsi depuis que ta sœur a disparu, ton tranchant s’est peut-être émoussé, toi qui était tout en angles et en piquants, tu es devenu plein de courbes, en somme, tu es devenu aussi sympathique qu’un brave chien, alors que tu n’as rien d’amical. Donc, tu n’es rien de plus qu’un sympathique toutou, Fenji… ? Ou encore, peut-être, un brave hérisson qui a couché ses piquants ? Tu réponds à un dialogue intérieur, à cette petite voix qui ironise, au lieu de réellement écouter ce que te dis l’homme en face de toi. Tu n’entends même plus sa voix, trop occupé à suivre le fil de tes pensées.  Il fait froid, bien que cela ne te dérange pas et que tu sois accoutumé à la température du Nord, tu aperçois les poils d’Akid qui se hérissent sur son poignet, mais tu te dis avec morgue que ce temps ne te dérange pas personnellement. L’après-midi touche à sa fin, et tandis que vous parlez, les ombres s’allongent, quelqu’un déplie et secoue brutalement une couverture, les voix des autres personnes de la caravane te parviennent, alors que tous se préparent pour la nuit, il semble que cela va bientôt être le moment de préparer un feu, quelques personnes s’interrogent sur qui va aller chercher le bois, et soudain tu sors de ce qui était... ta torpeur...? quand Akid croise ton regard et te demandes si tu as faim.

- « Je pense que nous pouvons aller chercher du bois pour le feu et l’allumer. »

Effectivement, avant toute chose, avant de manger par exemple, même si un dessinateur dessine le feu, il faudrait tout de même l’allumer, si on a l’espoir d’y faire cuire quelque nourriture. Sans attendre la réponse d’Akid, ou de savoir s’il va venir avec toi, tu commences à ramasser du bois, un peu plus loin il y a des arbres pleins d’épines et de pommes qui prennent facilement. Les épines mortes craquent sous tes pas, et tu respires l’odeur des conifères mêlée à l’humidité du soir. Un hibou commence à ululer alors qu’il est encore tôt, et les oiseaux saluent le soir, ou se parlent avant de s'endormir. Tu examines une petite écharde qui se planté dans la paume de ta main, et tu reviens vers le centre du camp, déposant ton fardeau de bois, avec des brindilles nécessaires pour le départ du feu. Une fille s’est déjà assise près de ce qui sera le foyer, qu’on a délimité avec de grosses pierres, elle te jette un coup d’œil lorsque tu déposes le bois, mais tu l’ignores. Tu commences à disposer le bois avec art, ingénieusement, de manière qu’il n’y ait plus qu’à le faire prendre. Le reste de la caravane a pris l’habitude que tu fasses souvent le feu, car tu es doué pour ça. Lorsque tu as disposé la dernière brindille, un dessinateur du groupe s’agenouille près du futur foyer et fait naître une petite flamme, qui commence à lécher les branches, peu à peu le feu dévore, se nourrit, et grandit. Tu observes le feu avec fascination, et tu t’en écartes lorsque les flammes sont trop hautes et la chaleur insupportable. A présent, il faut attendre que la flamme baisse pour qu’il ne reste que les braises, pour pouvoir faire cuire quelque chose, et en attendant, tu vois passer une fille vêtue d’une longue jupe, c’est celle que tu avais aperçue tout à l’heure qui passe en face de toi. La majorité des gens  se sont assis en cercle autour du feu, à bonne distance car les flammes sont toujours hautes, mais quelques-uns discutent près des chevaux, et tu te demandes soudain où est Akid, une des rares personnes à qui tu ai adressé la parole. Tu t’approches pour jouer avec le feu, arranger les brindilles plutôt, reculant dès que ton visage et tes mains te brûlent, tu t’arranges pour éviter d’être cuit, et les flammes se reflètent dans tes pupilles tandis que tu t’amuses bien.