descriptionSören Maranek [Charpentier Aline]
Sören Maranek
Etranger | Pirates Aline | Charpentier-Voilier
Généralités
Nom | Maranek
Prénom | Sören - Généralement connue comme Bosh
Sexe | Femme - Se fait passer pour un garçon
Âge | 15 ans
Lieu de Naissance | Grande-Voile
Peuple | Pirates Aline
Métier | Charpentier-Voilier
Prénom | Sören - Généralement connue comme Bosh
Sexe | Femme - Se fait passer pour un garçon
Âge | 15 ans
Lieu de Naissance | Grande-Voile
Peuple | Pirates Aline
Métier | Charpentier-Voilier
Description Physique
Non, j'ai rien à dire de plus. | Sören Maranek
Petit bout de personnage pas très grand, un peu frêle pour un garçon mais c’est normal : à cet âge, c’est encore des gamins malformés. Les os sont recouverts d’une peau sombre et déjà usée, bariolée de marques qui s’en vont vite et reviennent souvent : les brûlures des cordes et des haubans, les griffures du bois, les coupures et les coups qu’on se fait en tombant et en cognant. Ses pieds sont recouverts d’une corne épaisse et ses mains sont calleuses : ça semble avoir quarante ans à force de travailler. Ca a l’air revêche mais son visage est généralement neutre – la force de l’habitude. Il doit bien avoir quelques muscles cachés quelque part, parce que c’est terriblement agile, que ça se faufile partout et que ça se balade sur le gréement comme sur un plancher solide ; même quand la mer fait le gros dos.
Sören a des lèvres larges et un regard très noir, un peu austère et c’est normal, après tout, quand on a vécu sa vie, d’avoir un regard austère : les autres regards, ça ne lui sert à rien et elle a oublié comment on les utilise. C’est plus facile, le regard austère, avec des soucils épais et des joues anguleuses. Il y a aussi des cheveux noirs, bouclés serrés, rendus cassants et rêches par le sel et le vent : ça aide, pour l’air revêche.
Elle a aussi des jambes un peu grandes par rapport à sa taille enfantine ; et l’une de ces jambes semble parfois fonctionner bizarrement, mais c’est normal, c’est qu’il lui manque de la sensibilité dans trois orteils et une petite partie du pied gauche. On dirait pas comme ça, mais ça joue.
Ca s’habille n’importe comment, comme un mousse, des habits toujours grisâtres, jamais tout à fait propre, et sans jamais de fioriture, ça n’a pas de sens, les fioritures. Et puis elle a déjà la peau toute décorée d’écorchures, ça suffit, comme fioritures. Elle une voix qui n’est pas trop aïgue, même pour un garçon et elle travaille, et puis elle ne parle pas beaucoup, alors sa voix est de plus en plus grave et un peu rauque – ça c’est le vent, le sel et la fumée du capitaine.
Sören a des lèvres larges et un regard très noir, un peu austère et c’est normal, après tout, quand on a vécu sa vie, d’avoir un regard austère : les autres regards, ça ne lui sert à rien et elle a oublié comment on les utilise. C’est plus facile, le regard austère, avec des soucils épais et des joues anguleuses. Il y a aussi des cheveux noirs, bouclés serrés, rendus cassants et rêches par le sel et le vent : ça aide, pour l’air revêche.
Elle a aussi des jambes un peu grandes par rapport à sa taille enfantine ; et l’une de ces jambes semble parfois fonctionner bizarrement, mais c’est normal, c’est qu’il lui manque de la sensibilité dans trois orteils et une petite partie du pied gauche. On dirait pas comme ça, mais ça joue.
Ca s’habille n’importe comment, comme un mousse, des habits toujours grisâtres, jamais tout à fait propre, et sans jamais de fioriture, ça n’a pas de sens, les fioritures. Et puis elle a déjà la peau toute décorée d’écorchures, ça suffit, comme fioritures. Elle une voix qui n’est pas trop aïgue, même pour un garçon et elle travaille, et puis elle ne parle pas beaucoup, alors sa voix est de plus en plus grave et un peu rauque – ça c’est le vent, le sel et la fumée du capitaine.
Caractère
Si tu t'énerves pas un peu tu vas me servir d'épite ! | Sören Maranek
« Moi j’vais te dire, hein, le p’tit Bosh, c’est pas une demi-moitié, c’est un p’tit gars qu’arrête pas tant que c’est pas fini : quatorze ans le mioche, il bosse mieux que la moitié de mes matelots, il l’ouvre qu’avec les imbéciles et les paresseux et je vais dire qu’les gars ils font pas les fiers quand c’est qu’il leur dit de se bouger les cuissots ! » Dodbeorn Frarg, Capitaine du Pétrel.
Ca ne mâche pas ses mots mais est plutôt taiseux, ça ne parle pas pour ne rien dire, ça se tient bien droit devant le capitaine et ça houspille les matelots qui paressent dans un coin. Bourru et cynique, il ne fait pas très bon entendre sa voix, en définitive. Mais ça ne fait pas vraiment peur : on ne peut pas, avec sa corpulence et sa taille ridicule. C’est plutôt sa maîtrise, qui lui donne une certaine prestance. On pourrait lui confier un trois mats en pleine tempête : tout seul à bord, ça l’emmènerait à bon port.
Curieux, oui, c’est important. Et futé : il le faut, pour survivre, c’est tout simple. Ca analyse pas vraiment, Ca a pas une intelligence noble, non, c’est juste rusé et … ça a du feeling, c’est tout, ça s’explique pas. Généralement ça marche. Courageux, aussi, mais c’est comme ça, c’est pas vraiment une vertue, ça s’impose, le feeling encore : là il faut y aller, là il faut sortir d’un mauvais pas et en même temps, hein, y’a pas grand-chose à perdre, finalement, trois souvenirs et de la peau sur les os, ça fait pas grand-chose, donc ça donne ça, en définitive, un courage par défaut, un courage pas noble mais efficace.
C’est jaloux – ou envieux, ça connaît pas la différence – et bizarrement, ça a une fierté, là-dessous, une belle fierté qui attend juste de pouvoir se montrer. Ca n’est pas vraiment fidèle, mais par fierté, ça peut être fidèle, un peu, et ça honore ses engagements. Par contre, ça triche et puis c’est impatient, sauf pour le bateau, ça, pour que les voiles soient parfaites et lofer jusqu’au près serré, ça prend le temps qu’il faut mais c’est bien fait.
Ca ne mâche pas ses mots mais est plutôt taiseux, ça ne parle pas pour ne rien dire, ça se tient bien droit devant le capitaine et ça houspille les matelots qui paressent dans un coin. Bourru et cynique, il ne fait pas très bon entendre sa voix, en définitive. Mais ça ne fait pas vraiment peur : on ne peut pas, avec sa corpulence et sa taille ridicule. C’est plutôt sa maîtrise, qui lui donne une certaine prestance. On pourrait lui confier un trois mats en pleine tempête : tout seul à bord, ça l’emmènerait à bon port.
Curieux, oui, c’est important. Et futé : il le faut, pour survivre, c’est tout simple. Ca analyse pas vraiment, Ca a pas une intelligence noble, non, c’est juste rusé et … ça a du feeling, c’est tout, ça s’explique pas. Généralement ça marche. Courageux, aussi, mais c’est comme ça, c’est pas vraiment une vertue, ça s’impose, le feeling encore : là il faut y aller, là il faut sortir d’un mauvais pas et en même temps, hein, y’a pas grand-chose à perdre, finalement, trois souvenirs et de la peau sur les os, ça fait pas grand-chose, donc ça donne ça, en définitive, un courage par défaut, un courage pas noble mais efficace.
C’est jaloux – ou envieux, ça connaît pas la différence – et bizarrement, ça a une fierté, là-dessous, une belle fierté qui attend juste de pouvoir se montrer. Ca n’est pas vraiment fidèle, mais par fierté, ça peut être fidèle, un peu, et ça honore ses engagements. Par contre, ça triche et puis c’est impatient, sauf pour le bateau, ça, pour que les voiles soient parfaites et lofer jusqu’au près serré, ça prend le temps qu’il faut mais c’est bien fait.
Histoire
Je suis charpentier, pas soigneur : va saigner plus loin, tu salis le pont | Sören Maranek
Sören Maranek est née à Grande-Voile, elle est née sur un bateau, mais pas n’importe lequel, sur le plus beau voilier du port, sur un quarante-sept mètres, une goélette franche à trois mats ; le plus beau, disait son père, et Sören le croyait, puisque c’était son père, et puisque c’était son bateau. L’Ogham était en construction depuis 7 ans quand Sören y était née. Sa grand-mère en avait dessiné les plans et Shabeth et Anorah Maranek l’avaient construit. Et c’était le plus beau bateau du port, bien sûr, mais ce n’était ni celui d’Anorah, ni celui de Shabeth, ni celui de Sören ou de son frère Taward : c’était celui de Thaej Do’Anne.
Je ne sais pas s’il vous est arrivé d’avoir à expliquer à une gamine de neuf ans que le bateau sur lequel elle est née et a grandi, dont elle connaît tous les recoins, dont elle a gravi tous les mats, vérifiés tous les haubans ; dont elle a poli les virures, percé la jaumière et fixé les hiloires ; le bateau qu’elle a accompagné pour ses premières sorties en mer et qu’elle a fait naviguer pour ses premiers essais, donnant des ordres aux matelots, corrigés discrètement par son père ; le bateau qui a été sa famille et sa maison, son terrain de jeu et son école ; lui expliquer que ce bateau n’est pas le sien et qu’elle ne le reverra sans doute plus jamais ?
Sören avait piqué une crise monumental : elle avait hurlé, pleuré, frappé ses parents, démoli des taquets au marteau, craché en tout sens, pleuré encore ; elle avait couru, elle s’était jeté contre des murs, elle s’était griffée et puis battue avec le premier venu ; elle avait fait quatre fois le tour de la ville et avait grimpé sur tous les navires du port avant de se cacher dans le sien, de se terrer dans un petit recoin, sous le pont, au niveau de la proue, où elle était convaincue qu’on n’allait pas venir la chercher, mais bien entendu, Taward savait où elle était, il était venu la voir, et il n’avait pas vérifié qu’il n’était pas suivi, c’est comme ça, les enfants, ça ne fait pas attention, et Anorah avait attrappé ses deux enfants, les avait serré contre elle très fort, longtemps, ils avaient tous pleuré, et puis ils étaient sortis. Ils s’étaient alignés sur le quai, tout droit, fier malgré les yeux rouges, et ils avaient dit « Au revoir, Ogham », mais pas avec des mots, à l’intérieur, en silence, discrètement, chacun à leur façon.
Elle avait eu un peu raison, Sören, de faire une crise. La construction d’Ogham avait assuré à la famille Maranek des revenus réguliers bien que modestes pendant seize ans. Et pendant de temps, les réservations qui avaient été faites pour une future construction par la famille de charpentier avaient été annulées : des familles qui n’avaient plus les moyens, qui avaient renoncé à rénover leur navire ou à en construire un, des familles qui s’étaient tournés vers d’autres constructeurs, aussi. Mais de manière générale, à Grande-Voile, la situation n’était pas faste : très peu de commandes, des pénuries de bois importantes et des chantiers arrêtés : le port était occupé par plusieurs navires fantomatiques, abandonnés en cours de construction, faute de moyens financiers ou faute de fourniture – ce qui est rare est cher, bien sûr, comme partout ailleurs. Les gens de Grande-Voile appelaient cette période le « Haut-Fond » : parce que les charpentiers s’échouaient les uns après les autres et que la misère avait gagné les rues de Grande-Voile. Et la famille Maranek.
Taward et Sören avaient travaillé : comme coursier, comme aide de chantier - surtout pour se glisser dans les recoins – comme aide cuisinier ou larbin en tout genre. Ils rapportaient quelques pièces et ils pouvaient manger. Les Maranek mangèrent toujours, pas nécessairement bien ni à leur faim, mais ils mangèrent. Mais, manger, qu’est-ce que c’est, comme vie, quand on a grandi sur un bateau, qu’on a joué et travaillé en même temps, qu’on s’est pris pour le roi de la mer et le maître d’une goélette à trois mats ? Ca ne vaut pas grand-chose. Et si ce navire n’était pas parti, surement que la famille Maranek n’aurait pas à vivre cette vie là. C’est en tout cas ce que se disait Sören, toute seule dans sa tête, le soir, avant de plonger dans un sommeil vide, et terne. C’est malheureux, un sommeil sans rêve, quand on a douze ans.
Elle n’avait rien dit à personne, elle était partie, elle allait travailler et elle allait retrouver Ogham. Et le ramener. Ca n’était pas si compliqué, après tout, elle n’avait peut-être rencontré Theaj que deux ou trois fois, mais il n’avait pas l’air d’un monstre, si elle lui expliquait calmement, il lui rendrait sans doute son navire et en trouverait un autre pour lui.
« Mais d’où c’est que tu débaroules comme ça ! Tu crois pas que tu vas monter, non ? On charge et on enquille et fais gaffe que ce marmot là s’installe pas dans une calle, Huliac ! »
Sören fait face au capitaine, les yeux levés, c’est qu’il est plus grand qu’elle, le capitaine, beaucoup. Il est aussi irrité, ça se voit, elle invente rien, mais elle garde ses yeux profondément enfoncés dans ceux du capitaine, Dodbeorn Frarg, et elle dit ce qu’elle a à dire, de toute façon, elle n’a pas grand-chose à perdre.
« Je connais la charpente des bateau et je répare les voiles. J’ai vu, je suis rentré : vot’ viagrage a bien b’soin d’être poncée et y’a une épontille qui va vous claquer dans les doigts. Y’a aussi la bauquière du deuxième pont, sous la misaine, qui part. Z’avez aussi des accrocs sur le Perroquet et et le Clinfoc. J’sais faire et j’sais aussi naviguer. »
Dodbeorn masqua – mal – un léger hoquet et ravala son geste prévu pour écarter nonchalamment le garçon mal fichu. Il lui fallut une longue seconde pour enregistrer ce que venait de lui dire le mioche et une autre pour se mettre véritablement en colère et empoigner Sören par le cou.
« Comment t’es monté sur mon navire, houlier de bas-fond ! Qu’est-ce que t’y a pris et qu’est-ce que tu me veux encore ?! J’vais … »
… Il hurla quelques minutes comme ça sur Sören qui tâcha de ne pas bouger, même en constatant la raréfaction de l’air atteignant ses poumons. Quand il eut terminé, il l’envoya valser sur le quai : or, la pierre, c’est dur et la jeune personne laissa échapper un cri de douleur en heurtant violemment le sol. Quelques minutes s’écoulèrent avant qu’elle ne se relève, et que, les épaules droites, elle s’adresse au Capitaine qui la scrutait toujours :
« J’ai rien volé, j’suis monté pour voir, c’est un beau navire mais il a ben b’soin d’un coup de neuf et sinon c’est qu’ça va dev’nir un tas de bois pour le feu et on pourra rien y faire d’aut’ ! »
Et elle s’enfuit en courant. Chez les Alines, le bois est une denrée précieuse, et accuser un capitaine de mal entretenir son bateau au point que le bois lui-même ne soit plus réutilisable est une belle insulte, comme on en fait plus, directe et humiliante. Même de la part d’un gamin mal fagoté.
Sören ne sut jamais ni pourquoi ni comment Dodbeorn était parvenu à la retrouver dans une ruelle ; mais il l’avait attrappé par l’épaule, et sans trop lui laisser le choix, l’avait embarqué sur le Pétrel. Et Sören, qui avait un peu exagéré ses compétences dans le domaine – elle était très douée pour évaluer la situation, mais après tout, elle avait toujours travaillé avec le charpentier et toujours eu des gros bras pour porter les plus grosses charges – eut bien de la veine : le charpentier du navire, Egod, était un ivrogne dont les rares moments de lucidité laissaient entrevoir une bonne connaissance du bateau et de son métier. Ces moments étaient suffisamment courts pour qu’il ne mesure pas la maladresse de Sören, et suffisamment fréquents pour qu’il lui donne des indications précieuses sur la marche à suivre. Deux autres choses permirent en outre à Sören de se faire une place sur le Pétrel : elle travaillait avec acharnement – si bien que, de fil en aiguille, elle finit par maitriser réellement son métier présumé : on est bien obligés d’apprendre, quand on s’est foutu dans un pétrin pareil. D’autre part, elle savait naviguer, et n’hésita pas longtemps à donner des ordres secs – en l’absence du capitaine et du lieutenant – qui, s’ils suscitèrent surtout des moqueries et des coups au départ, finirent par être écoutés : parce que Sören parvenait à éviter la majorité des coups qui lui étaient destinés, d’une part, et parce que ses ordres étaient les bons, d’autre part.
Le Pétrel était un trente mètre à deux mats, plutôt beau navire mais assez mal entretenu, et guidé par un équipage de seconde zone, tourné sur des petits larcins sans gloire : essentiellement la faute de Dodbeorn, qui préférait jouer que diriger son équipage.
Deux ans, c’est très court, sauf quand on a quatorze ans, quand on a quatorze ans, deux ans c’est énorme et on s’attache. Pas à un équipage de type rustaud et pas très futés, c’est sûr, on peut pas vraiment s’attacher à ça ; mais à un navire, oui. A un deux mats modeste, qui remonte bien au vent, dont on a entièrement refait le vaigrage en deux ans : oui, ça, on s’y attache. En débarquant, Sören – qui s’appelait Bosh, pour les matelots – avait posé sa main sur la coque du Pétrel et lui avait fait ses adieux, en silence, tout doucement. Elle avait l’impression inconfortable que ça recommençait, et qu’elle saluait Pétrel comme elle avait dit adieu à Ogham, avec fierté, comme ça, alors que ça faisait mal au fond. Mais moins. Parce que c’était son choix, quand même. Et parce qu’elle se rapprochait d’Ogham, elle le sentait.
Brièvement de retour à Grande-Voile, elle a travaillé quelques mois sur le [si quelqu’un veut introduire le nom de son bateau ici, c’est tout à fait possible !] et se trouve actuellement sur le Grain Blanc.
Je ne sais pas s’il vous est arrivé d’avoir à expliquer à une gamine de neuf ans que le bateau sur lequel elle est née et a grandi, dont elle connaît tous les recoins, dont elle a gravi tous les mats, vérifiés tous les haubans ; dont elle a poli les virures, percé la jaumière et fixé les hiloires ; le bateau qu’elle a accompagné pour ses premières sorties en mer et qu’elle a fait naviguer pour ses premiers essais, donnant des ordres aux matelots, corrigés discrètement par son père ; le bateau qui a été sa famille et sa maison, son terrain de jeu et son école ; lui expliquer que ce bateau n’est pas le sien et qu’elle ne le reverra sans doute plus jamais ?
Sören avait piqué une crise monumental : elle avait hurlé, pleuré, frappé ses parents, démoli des taquets au marteau, craché en tout sens, pleuré encore ; elle avait couru, elle s’était jeté contre des murs, elle s’était griffée et puis battue avec le premier venu ; elle avait fait quatre fois le tour de la ville et avait grimpé sur tous les navires du port avant de se cacher dans le sien, de se terrer dans un petit recoin, sous le pont, au niveau de la proue, où elle était convaincue qu’on n’allait pas venir la chercher, mais bien entendu, Taward savait où elle était, il était venu la voir, et il n’avait pas vérifié qu’il n’était pas suivi, c’est comme ça, les enfants, ça ne fait pas attention, et Anorah avait attrappé ses deux enfants, les avait serré contre elle très fort, longtemps, ils avaient tous pleuré, et puis ils étaient sortis. Ils s’étaient alignés sur le quai, tout droit, fier malgré les yeux rouges, et ils avaient dit « Au revoir, Ogham », mais pas avec des mots, à l’intérieur, en silence, discrètement, chacun à leur façon.
***
Elle avait eu un peu raison, Sören, de faire une crise. La construction d’Ogham avait assuré à la famille Maranek des revenus réguliers bien que modestes pendant seize ans. Et pendant de temps, les réservations qui avaient été faites pour une future construction par la famille de charpentier avaient été annulées : des familles qui n’avaient plus les moyens, qui avaient renoncé à rénover leur navire ou à en construire un, des familles qui s’étaient tournés vers d’autres constructeurs, aussi. Mais de manière générale, à Grande-Voile, la situation n’était pas faste : très peu de commandes, des pénuries de bois importantes et des chantiers arrêtés : le port était occupé par plusieurs navires fantomatiques, abandonnés en cours de construction, faute de moyens financiers ou faute de fourniture – ce qui est rare est cher, bien sûr, comme partout ailleurs. Les gens de Grande-Voile appelaient cette période le « Haut-Fond » : parce que les charpentiers s’échouaient les uns après les autres et que la misère avait gagné les rues de Grande-Voile. Et la famille Maranek.
Taward et Sören avaient travaillé : comme coursier, comme aide de chantier - surtout pour se glisser dans les recoins – comme aide cuisinier ou larbin en tout genre. Ils rapportaient quelques pièces et ils pouvaient manger. Les Maranek mangèrent toujours, pas nécessairement bien ni à leur faim, mais ils mangèrent. Mais, manger, qu’est-ce que c’est, comme vie, quand on a grandi sur un bateau, qu’on a joué et travaillé en même temps, qu’on s’est pris pour le roi de la mer et le maître d’une goélette à trois mats ? Ca ne vaut pas grand-chose. Et si ce navire n’était pas parti, surement que la famille Maranek n’aurait pas à vivre cette vie là. C’est en tout cas ce que se disait Sören, toute seule dans sa tête, le soir, avant de plonger dans un sommeil vide, et terne. C’est malheureux, un sommeil sans rêve, quand on a douze ans.
Elle n’avait rien dit à personne, elle était partie, elle allait travailler et elle allait retrouver Ogham. Et le ramener. Ca n’était pas si compliqué, après tout, elle n’avait peut-être rencontré Theaj que deux ou trois fois, mais il n’avait pas l’air d’un monstre, si elle lui expliquait calmement, il lui rendrait sans doute son navire et en trouverait un autre pour lui.
***
« Mais d’où c’est que tu débaroules comme ça ! Tu crois pas que tu vas monter, non ? On charge et on enquille et fais gaffe que ce marmot là s’installe pas dans une calle, Huliac ! »
Sören fait face au capitaine, les yeux levés, c’est qu’il est plus grand qu’elle, le capitaine, beaucoup. Il est aussi irrité, ça se voit, elle invente rien, mais elle garde ses yeux profondément enfoncés dans ceux du capitaine, Dodbeorn Frarg, et elle dit ce qu’elle a à dire, de toute façon, elle n’a pas grand-chose à perdre.
« Je connais la charpente des bateau et je répare les voiles. J’ai vu, je suis rentré : vot’ viagrage a bien b’soin d’être poncée et y’a une épontille qui va vous claquer dans les doigts. Y’a aussi la bauquière du deuxième pont, sous la misaine, qui part. Z’avez aussi des accrocs sur le Perroquet et et le Clinfoc. J’sais faire et j’sais aussi naviguer. »
Dodbeorn masqua – mal – un léger hoquet et ravala son geste prévu pour écarter nonchalamment le garçon mal fichu. Il lui fallut une longue seconde pour enregistrer ce que venait de lui dire le mioche et une autre pour se mettre véritablement en colère et empoigner Sören par le cou.
« Comment t’es monté sur mon navire, houlier de bas-fond ! Qu’est-ce que t’y a pris et qu’est-ce que tu me veux encore ?! J’vais … »
… Il hurla quelques minutes comme ça sur Sören qui tâcha de ne pas bouger, même en constatant la raréfaction de l’air atteignant ses poumons. Quand il eut terminé, il l’envoya valser sur le quai : or, la pierre, c’est dur et la jeune personne laissa échapper un cri de douleur en heurtant violemment le sol. Quelques minutes s’écoulèrent avant qu’elle ne se relève, et que, les épaules droites, elle s’adresse au Capitaine qui la scrutait toujours :
« J’ai rien volé, j’suis monté pour voir, c’est un beau navire mais il a ben b’soin d’un coup de neuf et sinon c’est qu’ça va dev’nir un tas de bois pour le feu et on pourra rien y faire d’aut’ ! »
Et elle s’enfuit en courant. Chez les Alines, le bois est une denrée précieuse, et accuser un capitaine de mal entretenir son bateau au point que le bois lui-même ne soit plus réutilisable est une belle insulte, comme on en fait plus, directe et humiliante. Même de la part d’un gamin mal fagoté.
Sören ne sut jamais ni pourquoi ni comment Dodbeorn était parvenu à la retrouver dans une ruelle ; mais il l’avait attrappé par l’épaule, et sans trop lui laisser le choix, l’avait embarqué sur le Pétrel. Et Sören, qui avait un peu exagéré ses compétences dans le domaine – elle était très douée pour évaluer la situation, mais après tout, elle avait toujours travaillé avec le charpentier et toujours eu des gros bras pour porter les plus grosses charges – eut bien de la veine : le charpentier du navire, Egod, était un ivrogne dont les rares moments de lucidité laissaient entrevoir une bonne connaissance du bateau et de son métier. Ces moments étaient suffisamment courts pour qu’il ne mesure pas la maladresse de Sören, et suffisamment fréquents pour qu’il lui donne des indications précieuses sur la marche à suivre. Deux autres choses permirent en outre à Sören de se faire une place sur le Pétrel : elle travaillait avec acharnement – si bien que, de fil en aiguille, elle finit par maitriser réellement son métier présumé : on est bien obligés d’apprendre, quand on s’est foutu dans un pétrin pareil. D’autre part, elle savait naviguer, et n’hésita pas longtemps à donner des ordres secs – en l’absence du capitaine et du lieutenant – qui, s’ils suscitèrent surtout des moqueries et des coups au départ, finirent par être écoutés : parce que Sören parvenait à éviter la majorité des coups qui lui étaient destinés, d’une part, et parce que ses ordres étaient les bons, d’autre part.
Le Pétrel était un trente mètre à deux mats, plutôt beau navire mais assez mal entretenu, et guidé par un équipage de seconde zone, tourné sur des petits larcins sans gloire : essentiellement la faute de Dodbeorn, qui préférait jouer que diriger son équipage.
Deux ans, c’est très court, sauf quand on a quatorze ans, quand on a quatorze ans, deux ans c’est énorme et on s’attache. Pas à un équipage de type rustaud et pas très futés, c’est sûr, on peut pas vraiment s’attacher à ça ; mais à un navire, oui. A un deux mats modeste, qui remonte bien au vent, dont on a entièrement refait le vaigrage en deux ans : oui, ça, on s’y attache. En débarquant, Sören – qui s’appelait Bosh, pour les matelots – avait posé sa main sur la coque du Pétrel et lui avait fait ses adieux, en silence, tout doucement. Elle avait l’impression inconfortable que ça recommençait, et qu’elle saluait Pétrel comme elle avait dit adieu à Ogham, avec fierté, comme ça, alors que ça faisait mal au fond. Mais moins. Parce que c’était son choix, quand même. Et parce qu’elle se rapprochait d’Ogham, elle le sentait.
***
Brièvement de retour à Grande-Voile, elle a travaillé quelques mois sur le [si quelqu’un veut introduire le nom de son bateau ici, c’est tout à fait possible !] et se trouve actuellement sur le Grain Blanc.
Informations personnelles
Le risque de prendre une mauvaise décision n'est rien comparé à la terreur de l'indécision | Maïmonide
Pseudo | Soa
Age réel | 25
Pays d'origine | France
Parlez-nous de vous | Le rp, c'était un grand pan de ma vie mais c'était il y a longtemps: alors, retour aux sources !
Familier avec l'univers de Pierre Bottero ? Je l'eut été. C'est devenu un peu vague. Mais je l'ai été beaucoup, j'ai juste une mémoire inefficace.
Comment avez vous connu le forum ? Par hasard, je dirais.
Un commentaire sur le forum ? Sans doute plein, mais je vais pas déjà commencer ! Ah si : j'ai trouvé très judicieux d'exclure du jeu une partie de l'espace géographique pour garantir les possibilités d'interactions. C'est très malin !
Demandes particulières | J'ai proposé un petit contexte économique pour Grande-Voile (et peut-être à plus grand échelle ?), j'espère que ça peut coller !
Code |
Age réel | 25
Pays d'origine | France
Parlez-nous de vous | Le rp, c'était un grand pan de ma vie mais c'était il y a longtemps: alors, retour aux sources !
Familier avec l'univers de Pierre Bottero ? Je l'eut été. C'est devenu un peu vague. Mais je l'ai été beaucoup, j'ai juste une mémoire inefficace.
Comment avez vous connu le forum ? Par hasard, je dirais.
Un commentaire sur le forum ? Sans doute plein, mais je vais pas déjà commencer ! Ah si : j'ai trouvé très judicieux d'exclure du jeu une partie de l'espace géographique pour garantir les possibilités d'interactions. C'est très malin !
Demandes particulières | J'ai proposé un petit contexte économique pour Grande-Voile (et peut-être à plus grand échelle ?), j'espère que ça peut coller !
Code |