descriptionQui-es-tu, m'entends-tu, qu'as-tu fait?
Dans deux jours, la capitale ! Enfin, elle allait voir cette merveille dont tout le monde vantait les mérites, les fastes, la beauté et les tavernes. Mais avant elle devait marcher encore un peu. Le soleil commençait à embraser l’horizon mais Naëth distinguait déjà clairement les toits d’un petit village.
De temps à autres, elle tirait de sa ceinture une flasque et en buvait une gorgé. Dans sa tête, les mouettes riaient, tentant de lui faire oublier que la mer n’était déjà plus visible et que, même si l’air était salé, il ne resterait bientôt plus rien qui prouvât son existence. Elle était en route depuis deux semaines. Avait déjà visité à peu près dix tavernes et était satisfaite du résultat. Bon, elle n’avait toujours pas trouvée assez d’argent pour investir dans une paire de bottes mais cela lui convenait. Elle aimait être en contact avec la terre et puis, il ne pleuvait pas. On touchait tout juste au début du troisième mois d’été et le temps était même au beau fixe. Ce qui lui avait permis plus d’une fois de dormir avec le ciel pour seule toile de tente.
La bouteille était presque vide, il était temps qu’elle arrive. Toutes les fenêtres étaient noires. Tous dormaient déjà. Les paysans, il fallait le dire, se couchaient et se levaient au rythme du soleil. Elle, vivait plus tôt au rythme des gueules de bois. Et ça lui convenait. De cette façon, elle n’avait pas trop le temps de penser à son passé. L’aline jeta un regard circulaire sur le hameau et finis pas se diriger vers un endroit où vacillait une faible lueur et d’où lui parvenaient des éclats de voix. Au détour d’une chaumière, elle trouva ce qu’elle cherchait ; la Taverne ! Dans tout village, ville ou même hameau qui se respectait, il y en avait un. C’était l’une des premières choses qu’elle avait appris sur le continent. Sur les îles, seuls les ports possédaient de tels établissements. Mais il fallait dire que les ports n’étaient jamais loin.
« La Taverne du Mât Salé » indiquait le vieil écriteau de l’entrée. « Original, pour un village non-portuaire », ne put-elle s’empêcher de penser. Puis, elle descendit les quelques marches du perron et entra.
A l’intérieur, le brouhaha, la chaleur et les rires gras des clients du soir. Naëth prit une grande bouffée de la fumée qui emplissait la salle puis avança, sûre d’elle, jusqu’au bar.
« -Un verre de rhum patron!
Le vieil homme sec et noueux qui se tenait derrière le comptoir la regarda avec suspicion.
« -T’as de quoi payer ?
-Aussi sûrement que t’as des couilles molles, vieux grigous, jetât-elle avec assurance. Apporte la bouteille! »
Renfrogné mais trop soucieux de garder une clientèle qui se faisait rare, le tavernier alla chercher la commande de l’insolente jeune fille.
Au comptoir, Naëth se retourna sur sa chaise. Le coude négligemment appuyé au bois, elle commença à bourrer se pipe. C’était un bel objet d’ivoire sculpté dans la dent d’un des poissons géants que remontaient parfois les pêcheurs dans leurs filets. C’était des bêtes inoffensives qui se prenaient bêtement dans les nasses et n’arrivaient jamais à en ressortir. L’avantage, c’était que leur chaire était mangeable et leur graisse parfaites pour l’huile des lampes. On récupérait aussi les écailles. Il y en avait peu mais chacune atteignait la taille d’une main et cal fournissait de magnifique plats. Les dents, elles, étaient toutes émoussées. Rectangulaires et larges, elles ne servaient pas à grand-chose et l’on avait entrepris de les sculpter. Naissait alors de l’agilité des artistes de magnifiques objets comme des gobelets, des tabatières ou encore cette pipe.
Le rhum était arrivé. Naëth reposa la pipe qu’elle s’apprêtait à allumer et attrapa sa flasque pour la remplir puis en prit une gorgé. Le tavernier la regardait faire, figé. Le rhum était chère, et il peinait de plus en plus à s’en procurer. C’est alors que la jeune femme lui tendit trois branches d’argent massif. La main leste de longues années de pratiques, le patron de l’établissement les empocha sans un mot. Se demandant tout de même qui était cette fille qui roulait ainsi sur l’or.
Ce n’était certainement pas une fille de joie. Avec la coquetterie qui lui traversait le visage, elle ne pourrait pas trouver de clients ! Et puis, son œil droit était étrangement fixe. Comme si… Oui, elle devait avoir un œil de verre. Bilan fait, il devait s’agir d’une pirate. Il était rare d’en rencontrer si loin dans les terres. Habituellement, ils se cantonnaient aux ports et faisaient particulièrement attention à leur apparence pour passer inaperçus aux yeux de l’Empire. Oui, cette jeune femme était vraiment singulière.
Ignorant tous des réflexions agitées du patron de la Taverne, Naëth alluma sa pipe et la porta négligemment à ses lèvres. Elle était sûre d’elle et son sabre lui donnait une certaine valeur ; celle d’une potentiel blessure, sinon de la mort.
Lorsque les gens la voyaient dans les tavernes, soit ils étaient intrigués et n’hésitaient pas venir la titiller un peu, soit ils restaient à distance de sa lame. Ici, elle inspirait visiblement la crainte. Ce n’était pas pour la rappeler à sa situation de gamine errante et elle prit un peu plus d’assurance. L’ambiance chaleureuse et un brin grivoise de la taverne la mettait à l’aise. La bouteille dans sa main tatouée se vidait peu à peu, en petites gorgées. La jeune fille fixait le mur, face à elle, les yeux dans le vague, l’esprit à la mer lorsqu’un petit groupe entra dans l’établissement.
Ils étaient quatre, chacun avait un instrument. On comptait une harpe de troubadour, un violon, un tambourin et une flûte. C’était une femme qui tenait le tambourin, elle était légèrement vêtue et servait visiblement de danseuse et de chanteuse à la petite troupe. Leur entrée fut suivie d’un long silence. Naëth fut dégrisée d’un coup par ce revirement d’atmosphère. Le patron sortit alors en trombe de derrière son comptoir et se mit à éructer qu’il refusait tous les saltimbanques, qu’il n’avait pas besoins de bouches inutiles ou d’agitateurs.
Un grognement mécontent traversa la salle. Visiblement, la clientèle avait l’habitude de ce genre de situation mais avait espérer un moment que le vieux tavernier déroge à son habitude. Mais non, il avait encore renvoyé les danseurs. Ils s’apprêtaient d’ailleurs à repartir et à aller dormir dans la paille d’une grange quelconque.
Mais derrière le vieil homme, une silhouette se redressa, sabre au côté droit. Elle n’était pas très grande mais dans son regard brillaient le défi et la colère. Elle posa sa main gauche sur l’épaule du tavernier et de la droite fit apparaître la lame de son arme.
« -Les musiciens restent, fit-elle d’un ton ferme et assuré.
Le vieux fit volte-face, hors de lui.
-Et qui va payer leur nourriture, hein ?! Toi peut-être ?! il éructait et l’on aurait pu croire que de la fumée allait sortir de ses oreilles.
[b]-Si ce n’est que ça, je te payerai pour eux. Et je les logerais également. »
Ce dernier argument parut le calma et puis les clients avaient l’air du côté de la jeune fille. Il était hors de question qu’il se mette les habitués à dos. Il était déjà assez dur de subsister quand tout allait bien alors il valait mieux ne pas aggraver la situation. Mais cette jeune femme était décidément très étrange. Cela dit, si elle payait, il n’en avait cure.
Les musiciens, assurés d’avoir gîte et couverts, s’installèrent et les conversations reprirent de plus belle. Naëth retourna se percher sur sa chaise et laissa errer son regard sur l’assemblé. La plus part des clients étaient des paysans venus noyer leur misère dans un verre ou prendre un peu de bon temps. Il y avait dans un coin trois hommes qui jouaient aux cartes et un peu plus loin, un petit groupe de voyageur, cinq au total. Et puis, à une petite table, à côté du feu, un homme seul. Une espèce de poivreau à voir sa bedaine, sa barbe et ses habits négligés. Il ne la quittait pas des yeux et son regard avait une intensité dérangeante. Mais Naëth décida de l’ignorer se disant que de toute façon, elle avait un sabre. Elle revint alors à l’assemblé. Elle devait se limiter à une dizaine de personnes mais cela suffisait à remplir la petite salle à moitié. Les musiciens s'échauffaient, Naëth repartit à ses contemplations muettes, accompagnée de sa bouteille de rhum.
Les premières notes, langoureuses, du violon se firent entendre. Puis, une fois qu’il eut captivé l’attention générale, il se lança dans des airs plus entraînants. Ses compagnons ne tardèrent pas à le rejoindre et bientôt quelques clients se mirent à danser entre les tables. On dégagea alors une piste de danse. Et au fur et à mesure que la musique prenait de l’assurance, de nouveaux clients approchaient, attirés par cette ambiance exceptionnellement chaleureuse.
La bouteille de rhum était vide. Les rires montaient à la tête de Naëth. Elle souriait béatement lorsqu’une main vint saisir son bras. La fille au tambourin l’entraîna au milieu de la piste de danse et se mit à virevolter. Naëth, grisée, en fit de même et passa de bras en bras pour finalement atterrir dans ceux du poivreau qu’elle avait remarqué plus tôt dans la soirée.
Il la fit tourner, tourner, tourner. Tout devint flou autour de la jeune fille.
Le lendemain, elle se réveilla dans un lit de draps blancs.
De temps à autres, elle tirait de sa ceinture une flasque et en buvait une gorgé. Dans sa tête, les mouettes riaient, tentant de lui faire oublier que la mer n’était déjà plus visible et que, même si l’air était salé, il ne resterait bientôt plus rien qui prouvât son existence. Elle était en route depuis deux semaines. Avait déjà visité à peu près dix tavernes et était satisfaite du résultat. Bon, elle n’avait toujours pas trouvée assez d’argent pour investir dans une paire de bottes mais cela lui convenait. Elle aimait être en contact avec la terre et puis, il ne pleuvait pas. On touchait tout juste au début du troisième mois d’été et le temps était même au beau fixe. Ce qui lui avait permis plus d’une fois de dormir avec le ciel pour seule toile de tente.
La bouteille était presque vide, il était temps qu’elle arrive. Toutes les fenêtres étaient noires. Tous dormaient déjà. Les paysans, il fallait le dire, se couchaient et se levaient au rythme du soleil. Elle, vivait plus tôt au rythme des gueules de bois. Et ça lui convenait. De cette façon, elle n’avait pas trop le temps de penser à son passé. L’aline jeta un regard circulaire sur le hameau et finis pas se diriger vers un endroit où vacillait une faible lueur et d’où lui parvenaient des éclats de voix. Au détour d’une chaumière, elle trouva ce qu’elle cherchait ; la Taverne ! Dans tout village, ville ou même hameau qui se respectait, il y en avait un. C’était l’une des premières choses qu’elle avait appris sur le continent. Sur les îles, seuls les ports possédaient de tels établissements. Mais il fallait dire que les ports n’étaient jamais loin.
« La Taverne du Mât Salé » indiquait le vieil écriteau de l’entrée. « Original, pour un village non-portuaire », ne put-elle s’empêcher de penser. Puis, elle descendit les quelques marches du perron et entra.
A l’intérieur, le brouhaha, la chaleur et les rires gras des clients du soir. Naëth prit une grande bouffée de la fumée qui emplissait la salle puis avança, sûre d’elle, jusqu’au bar.
« -Un verre de rhum patron!
Le vieil homme sec et noueux qui se tenait derrière le comptoir la regarda avec suspicion.
« -T’as de quoi payer ?
-Aussi sûrement que t’as des couilles molles, vieux grigous, jetât-elle avec assurance. Apporte la bouteille! »
Renfrogné mais trop soucieux de garder une clientèle qui se faisait rare, le tavernier alla chercher la commande de l’insolente jeune fille.
Au comptoir, Naëth se retourna sur sa chaise. Le coude négligemment appuyé au bois, elle commença à bourrer se pipe. C’était un bel objet d’ivoire sculpté dans la dent d’un des poissons géants que remontaient parfois les pêcheurs dans leurs filets. C’était des bêtes inoffensives qui se prenaient bêtement dans les nasses et n’arrivaient jamais à en ressortir. L’avantage, c’était que leur chaire était mangeable et leur graisse parfaites pour l’huile des lampes. On récupérait aussi les écailles. Il y en avait peu mais chacune atteignait la taille d’une main et cal fournissait de magnifique plats. Les dents, elles, étaient toutes émoussées. Rectangulaires et larges, elles ne servaient pas à grand-chose et l’on avait entrepris de les sculpter. Naissait alors de l’agilité des artistes de magnifiques objets comme des gobelets, des tabatières ou encore cette pipe.
Le rhum était arrivé. Naëth reposa la pipe qu’elle s’apprêtait à allumer et attrapa sa flasque pour la remplir puis en prit une gorgé. Le tavernier la regardait faire, figé. Le rhum était chère, et il peinait de plus en plus à s’en procurer. C’est alors que la jeune femme lui tendit trois branches d’argent massif. La main leste de longues années de pratiques, le patron de l’établissement les empocha sans un mot. Se demandant tout de même qui était cette fille qui roulait ainsi sur l’or.
Ce n’était certainement pas une fille de joie. Avec la coquetterie qui lui traversait le visage, elle ne pourrait pas trouver de clients ! Et puis, son œil droit était étrangement fixe. Comme si… Oui, elle devait avoir un œil de verre. Bilan fait, il devait s’agir d’une pirate. Il était rare d’en rencontrer si loin dans les terres. Habituellement, ils se cantonnaient aux ports et faisaient particulièrement attention à leur apparence pour passer inaperçus aux yeux de l’Empire. Oui, cette jeune femme était vraiment singulière.
Ignorant tous des réflexions agitées du patron de la Taverne, Naëth alluma sa pipe et la porta négligemment à ses lèvres. Elle était sûre d’elle et son sabre lui donnait une certaine valeur ; celle d’une potentiel blessure, sinon de la mort.
Lorsque les gens la voyaient dans les tavernes, soit ils étaient intrigués et n’hésitaient pas venir la titiller un peu, soit ils restaient à distance de sa lame. Ici, elle inspirait visiblement la crainte. Ce n’était pas pour la rappeler à sa situation de gamine errante et elle prit un peu plus d’assurance. L’ambiance chaleureuse et un brin grivoise de la taverne la mettait à l’aise. La bouteille dans sa main tatouée se vidait peu à peu, en petites gorgées. La jeune fille fixait le mur, face à elle, les yeux dans le vague, l’esprit à la mer lorsqu’un petit groupe entra dans l’établissement.
Ils étaient quatre, chacun avait un instrument. On comptait une harpe de troubadour, un violon, un tambourin et une flûte. C’était une femme qui tenait le tambourin, elle était légèrement vêtue et servait visiblement de danseuse et de chanteuse à la petite troupe. Leur entrée fut suivie d’un long silence. Naëth fut dégrisée d’un coup par ce revirement d’atmosphère. Le patron sortit alors en trombe de derrière son comptoir et se mit à éructer qu’il refusait tous les saltimbanques, qu’il n’avait pas besoins de bouches inutiles ou d’agitateurs.
Un grognement mécontent traversa la salle. Visiblement, la clientèle avait l’habitude de ce genre de situation mais avait espérer un moment que le vieux tavernier déroge à son habitude. Mais non, il avait encore renvoyé les danseurs. Ils s’apprêtaient d’ailleurs à repartir et à aller dormir dans la paille d’une grange quelconque.
Mais derrière le vieil homme, une silhouette se redressa, sabre au côté droit. Elle n’était pas très grande mais dans son regard brillaient le défi et la colère. Elle posa sa main gauche sur l’épaule du tavernier et de la droite fit apparaître la lame de son arme.
« -Les musiciens restent, fit-elle d’un ton ferme et assuré.
Le vieux fit volte-face, hors de lui.
-Et qui va payer leur nourriture, hein ?! Toi peut-être ?! il éructait et l’on aurait pu croire que de la fumée allait sortir de ses oreilles.
[b]-Si ce n’est que ça, je te payerai pour eux. Et je les logerais également. »
Ce dernier argument parut le calma et puis les clients avaient l’air du côté de la jeune fille. Il était hors de question qu’il se mette les habitués à dos. Il était déjà assez dur de subsister quand tout allait bien alors il valait mieux ne pas aggraver la situation. Mais cette jeune femme était décidément très étrange. Cela dit, si elle payait, il n’en avait cure.
Les musiciens, assurés d’avoir gîte et couverts, s’installèrent et les conversations reprirent de plus belle. Naëth retourna se percher sur sa chaise et laissa errer son regard sur l’assemblé. La plus part des clients étaient des paysans venus noyer leur misère dans un verre ou prendre un peu de bon temps. Il y avait dans un coin trois hommes qui jouaient aux cartes et un peu plus loin, un petit groupe de voyageur, cinq au total. Et puis, à une petite table, à côté du feu, un homme seul. Une espèce de poivreau à voir sa bedaine, sa barbe et ses habits négligés. Il ne la quittait pas des yeux et son regard avait une intensité dérangeante. Mais Naëth décida de l’ignorer se disant que de toute façon, elle avait un sabre. Elle revint alors à l’assemblé. Elle devait se limiter à une dizaine de personnes mais cela suffisait à remplir la petite salle à moitié. Les musiciens s'échauffaient, Naëth repartit à ses contemplations muettes, accompagnée de sa bouteille de rhum.
Les premières notes, langoureuses, du violon se firent entendre. Puis, une fois qu’il eut captivé l’attention générale, il se lança dans des airs plus entraînants. Ses compagnons ne tardèrent pas à le rejoindre et bientôt quelques clients se mirent à danser entre les tables. On dégagea alors une piste de danse. Et au fur et à mesure que la musique prenait de l’assurance, de nouveaux clients approchaient, attirés par cette ambiance exceptionnellement chaleureuse.
La bouteille de rhum était vide. Les rires montaient à la tête de Naëth. Elle souriait béatement lorsqu’une main vint saisir son bras. La fille au tambourin l’entraîna au milieu de la piste de danse et se mit à virevolter. Naëth, grisée, en fit de même et passa de bras en bras pour finalement atterrir dans ceux du poivreau qu’elle avait remarqué plus tôt dans la soirée.
Il la fit tourner, tourner, tourner. Tout devint flou autour de la jeune fille.
Le lendemain, elle se réveilla dans un lit de draps blancs.