Correspondances.
Correspondances _______________________________________________________________
Flammes, dansez et brûlez les lettres sans port.
"Je suis assise là, dans cette grande chambre, et je pense à toi. Mes pensées traversent ton souvenir et s'envolent plus loin encore que notre rencontre. Tu es le seul à me connaître vraiment. Je t'ai tout confié. Mon enfance heureuse. Mon père, Rahl Nil'Lysah, je l'aimais. Ma mère, Jahna Nil'Lysah, je l'ai aimée. Ma petite soeur, Ilenia, était un rayon de soleil. Mon enfance était... heureuse. A Al-Jeit, je t'ai raconté l'importance de notre famille. Depuis des générations, elle apporte soutient à l'Empereur. Mon père était son ami. Mais tu sais ce qu'il s'est passé lors de mes quinze ans... Ma mère, Sentinelle de talent devenue professeur, est devenue folle. Son Don a embrouillé son esprit, elle s'est perdue dans les limbes de l'Imagination. Ce que je hais l'Imagination... Tu le sais bien. Ma mère croyait à la Dame et à son Héros, elle croyait aussi être poursuivie par des démons des Spires... Te souviens-tu de mes poings si serrés qu'il en devinrent livides lorsque je t'ai raconté cette histoire ? J'ai tout encaissé pour eux, tu étais le premier qui m'a délesté d'un poids. Je t'aime pour ça... Et pour bien d'autres choses. La peur de ma mère a causé sa perte. Elle a essayé de mettre fin à ses jours. Aux nôtres aussi. Mon père est intervenu à temps. Te souviens-tu de cela ? Je te l'ai raconté une unique fois, mais je me souviens encore de la chaleur de ton étreinte. Depuis, je n'ai plus regardé ma mère de la même manière. Elle était devenue différente, une inconnue. Quelques mois plus tard, mon père la retrouva dans son lit. Morte. Elle avait réussi. Sa disparition tua mon père, nous étions ses seules joies. Il consacra le reste de sa vie à nous éduquer, à nous construire un avenir. Avenir dont je ne voulais pas hériter. Je voulais voler, je voulais partir. Loin d'Al-Jeit et de ses tourments. Loin de cette maison hantée par tant de souvenirs. Mais j'aimais mon père. J'ai tout fait pour le rendre heureux jusqu'aux dernières lueurs de sa vie. Encore maintenant, j'essaye. Ilenia a hérité du Don de ma mère. J'ai toujours été inquiète à ce sujet. Elle a étudié à l'Académie d'Al-Jeit. |
T'avais-je dit qu'elle était devenue Sentinelle ? Je crois en elle. J'ai seulement peur qu'elle fasse la même erreur que ma mère... Moi, tu sais ce que je fis dès mes dix-huit ans. Mon père m'envoya chez ma grand-mère à Al-Chen pour apprendre à me comporter en noble. Pour reprendre sa place. Quel ennui...
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Heureusement, la Voie se mit sur ma route et m'ébranla comme le séisme ébranle la montagne. Mon maître vint à moi. J'étais dans la rue, têtue comme j'étais, je m'étais enfuie de la maison de ma grand-mère. Je ne voulais pas apprendre les noms de tous ces nobles ridicules... Imagines la tête que je faisais dans les ruelles ! Une vraie furie rousse aux boucles emmêlées. Si ma grand-mère m'avait vue... Elle en aurait eu des frissons d'horreur. Une jeune fille de la noblesse dans un tel état ! Et je tombai nez à nez avec lui. Grand, de fins cheveux blonds et de grands yeux verts. Son sourire... Il partit et je lui couru après. La furie que j'étais à l'époque ! Je sais... Tu maintiendrais que je le suis toujours et tu aurais en partie raison. Il grimpa sur les toits, je fus assez tête brûlée pour le suivre. Il vola sur ceux-ci, je courrais à sa suite. Une hirondelle et un pachyderme. Il appuierait cette affirmation. Un faux pas, mon pied ripa, mon corps dégringola. Mon cri résonna dans la ville. Je me croyais morte lorsqu'une main puissante me rattrapa. Mes yeux tombèrent dans l'océan verdoyant de ceux du mystérieux homme. “Tu veux déjà me quitter, gamine ?“ |
| Je me souviendrais toujours de ses premiers mots. Ce jour-là, j'étais devenue son élève. Apprentie marchombre. Elève de Vanor Jilhen. Comment était-ce arrivé ? Je l'ignorais totalement. Le destin ? La providence ? Appelle ça comme tu veux. C'était la première fois de ma vie que je me sentais... moi. Cette noble qu'ils voulaient que je sois, ce n'était pas moi. Eleanor n'était plus. Eleanor est marchombre. |
Trois ans. Je lui ai donné trois ans de ma vie. Trois années folles, trois années intenses. Trois années durant lesquelles mon père pensait que j'étudiais avec ma grand-mère, trois années où celle-ci pensait que je passais mon temps à l'Académie d'Al-Chen. Mensonges. Si seulement ils savaient... Après ces trois années, après ma libération, je ne pouvais rester. Lui, il m'abandonna. Alors que je l'aimais. D'un amour inconditionnel. Il nia son propre amour pendant ces trois ans. Mais tu connais cette histoire. Une fois rentrée à Al-Jeit, je revis mon père. Trois ans s'étaient écoulés. Vingt-et-un ans et plus mature que ce qu'il avait espéré. En ferais-je un peu trop ? Peut-être... J'étais heureuse de rentrer, mais il me manquait quelque chose...
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Vingt-six ans. J'étais enceinte. Neuf mois plus tard, un petit garçon. Evan. Nous avions emménagé dans le manoir Nil'Lysah, nous vivions une vie paisible. Trop pour moi... Ce n'était pas moi... Je m'évadais toujours, constamment en "voyage"... Un jour, une fillette croisa ma route. Nos Voies s'entremêlèrent étroitement, elle devint mon apprentie. Ana... Elle me manque. Qu'est-elle devenue ? Trois années, ma fuite résistait. L'oiseau vola de ses propres ailes, la Dame observa la cour. Elle réalisa son erreur. Je devais m'y résoudre. Dame le jour, marchombre la nuit. Fini les voyages. Je pus tenir neuf ans dans cette peau qui me grattait affreusement. Mère, Dame de la cour, femme parfaite. Je ne tenais plus le coup... Tout ça n'était pas moi ! Un esprit enfermé, torturé par deux facettes contradictoires. C'en était trop pour la marchombre qui vivait en moi. Jusqu'ici, je supportais tout ça pour mon père, pour ma promesse, pour son honneur. Jusqu'ici, je tenais le coup grâce à toi qui faisait vibrer ma corde marchombre. Mais... Un événement m'acheva. Mon maître fut assassiné. J'avais trente-six ans. J'ai trente-six ans. C'était la semaine dernière. Je craque. J'ai besoin de t'écrire, j'ai besoin de te parler. Mais tu es trop loin. Alors je t'écris cette lettre. Que tu ne recevras jamais. Je la brûlerais dès le dernier mot posé. Je craque. Toutes les fibres de mon corps vibrent de cet appel si longtemps ignoré. Je ne peux plus l'ignorer. Mais je ne peux abandonner Evan... Je l'aime tant. Pourquoi avait-il fallu que je naisse ainsi ? Pourquoi avait-il fallu que je sois fille de noble ? Pourquoi ne puis-je pas être qui je suis... Noble ou marchombre ? Marchombre ou noble ? Les deux. Je ne peux me séparer ni de l'un ni de l'autre. J'aurais tant besoin de ton aide. Tu me manques. Nos voyages me manquent. Tes étreintes me manquent. T'entendre parler me manque. Je ne t'entendrais plus, tu n'es plus là. Tu étais le seul à connaître mon histoire. Elle meurt avec toi. Tu es mort. Assassiné. Mais tu sais déjà tout ça... Je sais qui est derrière ta mort.
Je t'aime tant. Attend-moi avec la Dame, mon tendre Vanor.
Ta Lea.
PS : Ton fils a tes yeux." |
"Van',
J'ai peine à écrire. Cela fait déjà plusieurs semaines que je n'ai touché de plume. Semaines ? Peut-être plus d'un mois. Ou deux. La notion du temps m'est devenue étrangère, j'ai la désagréable impression que tu es toujours là. D'une minute à l'autre, je me rappelle que je t'ai perdu à jamais. Pourquoi continuer à t'écrire ? Un besoin égoïste. Peut-être pour provoquer Than, aussi. Il sait. Il a découvert tes lettres, il sait pour nous deux. S'il savait seulement qu'il est désormais le seul homme qui partagera ma vie, il cesserait sa colère stupide. Sa jalousie obsessionnelle me rendra folle. Même si ça lui donne un Tu me manques terriblement... Depuis ton départ, je n'ai écrit qu'à ma fleur. Elle est la dernière à connaître la véritable Eleanor. Elle est si loin, je ne sais lorsque j'aurais la joie de la revoir. J'ai peur pour elle, tu sais.
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Ley a toujours été prompt à se mettre dans des ennuis improbables. J'ai réellement peur pour elle après ton accident ta mort ta disparition. Ô mon Vanor, j'ai trouvé quelque chose ! En plus de cette dague que je tourne et retourne entre mes doigts. Hier seulement, je suis allée à la rencontre de Yahem, certaine qu'il en savait davantage que ce qu'il affirmait. J'ai eu des doutes, Van'. J'ai honte. Depuis ta mort, pour moi, toute la guilde est douteuse. Pourquoi le Rentaï se tairait-il dans ce cas-ci ? | |
Tu sais combien ce mystère me préoccupe... J'étais donc en pleine altercation discussion avec ton ami lorsque je vis un homme qui m'observait de loin. Vite, je me suis lancée à sa poursuite. Il percuta un pauvre homme, je le percutais à mon tour et perdit la trace de l'homme. Il avait cependant laissé un pendentif sur le sol ! Un pendentif !!
Je dois te laisser, Evan est réveillé. Il est déjà sept heure, il est temps pour moi d'aller m'occuper de notre fils.
Avec tout mon amour,
Elea."
"Mon aimé,
Excuses-moi pour ma dernière lettre, je me suis éclipsée bien trop rapidement. Notre petit dragon est grand, mais je ne peux me résoudre à ne pas être là lorsqu'il sort de sa chambre. Neuf ans... Il est si grand, mais encore tellement petit.
Te souviens-tu de ce pendentif ? De cet homme que j'ai percuté ? Nous avons fait connaissance. Il s'avère être cartographe et possède quelques accès à Al-Jeit plutôt intéressants. Hormis le fait que sa curiosité est tout sauf de mon cru et qu'il est capable d'attiser ce sang chaud en moi que tu connais fort bien, il est un homme gentil et généreux. Je m'en veux presque de l'attirer dans mes histoires. Mais je ferais tout pour trouver qui est responsable de ta mort. Cet homme peut m'y aider, quelqu'en soit le prix. Revenons à lui. Il se nomme Jorth, et a comme compagnon un étrange corbeau du nom de Eric Elric. Il va m'aider à faire quelques recherches sur Al-Chen et cet étrange pendentif. J'ai appris d'Enzo que notre chère Kriss Mahlan avait à présent élu domicile là-bas. Elle pourra m'en dire plus sur la lame que j'ai trouvé et qui me nargue.
Que la Dame prenne soin de toi,
Ta tendre Lea." |
A suivre... [/td] [/tr] [/table] |