Heatar Dil'Nocstra

Heatar, enfant, ne dépassait pas la pauvre grandeur d’1m50, elle voyait ses frères et sœurs grandir naturellement sans réussir à suivre le rythme. C’est un miracle qu’elle ait touché les 1m60 à ses 18 ans. Enfin… « elle », sa maigreur et son teint pâle lui donnent un air féminin mais le reste est loin de la mettre en valeur. On pourrait même se poser de lourdes questions sur son statut de femme, questions bien fondées d’ailleurs. Heatar n’est pas une femme, ni un homme, elle est les deux, ou aucun des deux. A sa naissance sa mère eut de grandes hésitations avant de la nommer. Elevée comme une femme, elle prit avec l’âge des traits fins, maigres, sans musculature. Sa poitrine, quasi inexistante, est malgré tout mise en valeur par des vêtements amples et riches. Son entrejambe masculin, heureusement minuscule, est cacher par les bas amples. Ses jambes sont fines et fragiles, autant que ses bras. Cette maigreur est voulue, à la fois par sa morphologie et par son mode de vie. Cela ne veut pas dire qu’elle est en mauvaise santé, elle ne souffre d’aucune maladie et peut marcher de longues heures sans perdre ses poumons au détour d’un couloir. Mais ne comptez pas sur elle pour se battre ou porter quelqu’un. Ses cheveux sont longs, trop longs, les laisser courts lui donnerait un côté trop masculin. D’un brun clair, aux reflets blonds, ils sont raides mais épais. Ses yeux, qui auraient pu sauver son visage, sont malheureusement noirs. Son nez en trompette lui vient de sa mère, celle-ci ne cesse de le lui rappeler d’ailleurs. Elle bénit cette apparence a la fois simple, mais délicate, qui permet de se fondre dans la masse. C’est ce qu’elle souhaite, que personne ne la remarque. Si jamais des personnes viennent lui parler, les plus attentifs remarqueront une distance et une froideur dans sa manière de s’adresser aux autres. Elle ne cherche pas la solitude, mais ne cherchera pas non plus des liens forts.

Même si la froideur est le premier mot qui passe à l’esprit de toute personne qui la connaît, elle peut se montrer sociale et ne rejettera pas volontairement les autres. Sa condition physique la tourmente beaucoup, au point de ne pas supporter le moindre toucher. C’est pour ça qu’elle garde une certaine distance quand elle parle à d’autres personnes. Hormis cela, Heatar se montre gentille, intéressée par les débats de ses camarades de classe. Rares sont ses interruptions ; elle n’aime pas imposer son avis. Studieuse, réfléchie et sérieuse, elle est appréciée quand il faut travailler en équipe, même si aucun élève ne peut clairement s’identifier comme son « ami ». Au fond d’elle, Heatar rêve d’avoir son propre cercle d’amis, mais rien que d’imaginer la réaction des autres sur sa « particularité » la terrifie au plus haut point. Sa propre famille est divisée, sa mère refuse de l’abandonner, son père en est venu à ignorer son existence, quant à ses frères et ses sœurs ils ne connaissent pas son secret et furent élevés loin d’elle. Si un jour quelqu’un l’accepte comme elle est, elle lui offrirait toute son amitié, ne l’abandonnerait jamais et le défendrait contre tous. Quant à son dévouement, il serait incassable. Mais l’amour est une toute autre histoire, elle n’envisage même pas l’idée qu’un homme l’embrasse ou la touche, pour ça elle s’est fait une raison depuis bien longtemps. Jamais elle n’a ressenti de forte colère ou haine au cours de sa courte vie, et quand son père l’a rejetée avec mépris, elle en était plutôt attristée ou ressentait du dégout envers elle-même. Elle ne connaît pas la douleur d’une perte ou d’une trahison, elle ne ressent que de la peur.
Malgré tout une forte conviction l’anime, devenir une dessinatrice, non seulement c’est sa seule qualité mais aussi c’est une grande fan d’Ewilan. Sa mère lui ramenait tous les livres, aussi vieux soient-ils, sur sa légende et les quelques aventures encore existantes. Un modèle, la meilleure des dessinatrices de son temps qui aurait réunit tous les clans sous une même bannière, dans un monde de paix et de prospérité. Comment le pays a-t-il pu redevenir aussi…mauvais ? On lui dira que tout n’est que mensonge, c’est trop vieux, mais Heatar y croit et un jour peut-être…arrivera-t-elle à rendre hommage à cette héroïne.

Née à Al-Jeit, Heatar a pourtant grandi à Al-Chen, dernière d’une famille de 2 garçons et 2 filles. Sa naissance provoqua une grande panique. Sa mère, tenant dans ses bras ce bébé si petit, écouta le rêveur lui annoncer la véritable nature de l’être qu’elle venait de mettre au monde. Le père changea d’expression et demanda à son épouse de lui donner l’enfant. Rares sont ses colères, mais Rose – la mère – lui refusa catégoriquement ce geste. C’était son enfant, qu’importe son état, sa maladie ou son apparence, jamais elle ne l’abandonnerait. George – le père – quitta alors la pièce en criant qu’elle jetait le déshonneur sur leur famille, mais cela ne la toucha guère. Elle partit alors dans leur maison secondaire à Al-Chen, dans les Haut-Quartiers, pour y élever Heatar en paix. Inconsciente de sa particularité, dû au peu de monde qu’elle côtoyait, elle grandit avec joie et bonheur, du moins jusqu’à ses 10 ans.
Rares était ses visites à sa famille, mais ses frères et sœurs étaient toujours heureux de la voir. Ce mode de vie était étrange, mais leur père interdisait la moindre question sous peine d’une punition sévère et injustifiée. C’est pendant une des visites, à l’anniversaire du deuxième frère, qu’Heatar comprit ce qu’elle était. Différente et monstrueuse. Se changeant normalement, ce n’était pas sa dame de compagnie habituelle qui était là, mais une simple inconnue. Quand celle-ci vit les légères rondeurs de sa poitrine naissante et son entrejambe masculin, elle se mit à hurler.
« Quelle monstruosité es-tu ?! Ce que tu es n’est pas humain ! Au secours ! »
La voyant se sauver en hurlant, la jeune fille resta bloquée par la surprise et l’effroi, et voyant son reflet dans le miroir, elle eut le plus grand choc de sa vie. Sa différence. Sa dame de compagnie entra alors en panique pour la couvrir, rajoutant ainsi une couche sur ce qu’elle venait de comprendre, et s’empressa de lui dire :
« Mon dieu, par Merwyn, votre secret est percé à jour. Pitié, que votre père ne vous fasse rien ! »
Enfin elle comprit la froideur et la haine que son père lui portait, enfin elle comprit son isolement et l’étrange attitude des deux seules domestiques qu’elle côtoyait…enfin elle comprenait tout et ç’en était encore plus dur. Elle n’avait que 10 ans.
L’étrange évènement, que ses frères et sœurs oublièrent vite, fut étouffé dans l’œuf. Jamais Heatar ne sut ce qu’était devenue la femme, et même si aujourd’hui elle avait une petite idée, elle la chassait loin dans son esprit pour ne plus y penser. Plus rien ne fut comme avant, plongée dans un profond désarroi, sa mère fit tout son possible pour maintenir son esprit à la surface. C’est alors qu’entrèrent en jeu les livres sur la légende d’Ewilan. Ses histoires si lointaines qu’improbables redonnèrent de l’espoir en la jeune fille. Elle se mit à espérer posséder un grand don du dessin, alors elle passa ses journées à s’entrainer. Mais n’ayant pas atteint ses 18 ans, ses dessins étaient très bancals, parfois ils disparaissaient ou alors ils lui explosaient à la figure. Sa mère préférait lui porter conseil plutôt que la disputer. C’est ainsi qu’elle eut même droit à la venue d’un analyste, qui même s’il s’était déplacé – et malgré les demandes soutenues de sa mère – il refusait de la tester. Trop jeune, répétait-il, trop jeune. « Est-ce seulement cela ? » se demandait Heatar. Et si sa différence faussait son don ? Son physique lui interdirait alors de devenir sentinelle ou même d’atteindre le niveau pour rendre hommage à la plus grande Dessinatrice du monde. Sa tristesse devint plus grande au fil des années, mais sa mère ne perdit pas espoir et recruta un professeur particulier à ses 16 ans. Celui-ci lui en fit voir de toutes les couleurs mais elle s’accrocha. Son admission à l’académie fut une des meilleures nouvelles qu’elle n’eût jamais reçu, sa détermination en devint encore plus grande. Elle aime l’art du dessin et il est hors de question qu’on lui enlève ça aussi.