Lorsque la soirée s'était amorcée, Elleynah s'était dirigée vers le cirque, le coeur léger. Malgré toutes ses craintes, malgré toutes ses appréhensions, elle avait senti qu'elle avait pris la bonne décision, et désormais, elle n'en doutait plus. Elle avait mis à profit le reste de la journée pour dire au revoir à Eleanor et son fils, Evan, puis pour les derniers préparatifs. Elle n'avait pas encore la réponse de Wyska, mais elle ne doutait pas un seul instant qu'elle serait positive. Elle l'avait vue dans le regard de la jeune fille, et plus encore, dans son coeur. Âme de lumière, âme d'harmonie. Ensemble, une partie de leurs âmes liées à tout jamais. La marchombre rayonnait. Elle semblait avoir fait une croix sur ses doutes et ses craintes, et si elles ne manqueraient pas de revenir à un moment ou un autre, rien n'aurait pu la faire reculer à cet instant.
Lorsque la représentation commença, Elleynah était là. Dans un coin, là où personne ne pouvait la remarquer, mais où elle pouvait tout voir, elle suivit le spectacle avec attention. Elle sourit devant les prestations des uns, s'émerveilla devant d'autres, et lorsqu'elle vit Wyska entrer en scène, un frisson de bonheur lui parcourut l'échine. L'acrobate était rayonnante. Sans le moindre doute, elle effectua son numéro. Emplie d'une grâce dont elle n'avait pas encore eu l'occasion de voir toute l'ampleur. Elle brillait de mille feux, étincelante sous les lumières du cirque, et chacun de ses mouvements semblait raconter une histoire qu'Elleynah écoutait avec attention. Lorsqu'elle eut fini, le public la noya sous un tonnerre d'applaudissements, et Elleynah ne put s'empêcher de sourire.
Lorsque le spectacle se termina, la marchombre attendit que tous les autres spectateurs quittent le chapiteau, et elle partit s'asseoir sur les marches d'une roulotte, invisible et silencieuse. Elle attendrait patiemment que Wyska ait terminé de se changer et de se préparer pour leur départ. S'il s'avérait qu'elle ne venait pas, Elleynah s'en irait. Elle avait décidé d'attendre jusqu'aux premières lueurs de l'aube, pour être sûre. Mais elle n'eut pas à attendre aussi longtemps. Lorsqu'elle vit au loin la silhouette de Wyska, qui la cherchait, la marchombre se leva et alla à sa rencontre. La jeune fille avait des étoiles pleins les yeux. Elle était prête. Elleynah avait ressenti une vague de nostalgie, ne pouvant s'empêcher de se revoir avec son maître, quatorze ans plus tôt. Le temps passait à une vitesse incroyable. La marchombre sourit aux étoiles, et ce sourire était dédié à Enyô. Où qu'elle soit, quoi qu'il lui soit arrivé, Elleynah savait que son maître ne l'avait jamais vraiment quittée.
Elle avait posé un regard bienveillant sur Wyska, et sans un mot, elle s'était glissée dans l'ombre. Ensemble, elles avaient longé les remparts de la ville, jusqu'à un endroit où deux chevaux étaient attachés. Un peu plus tôt, Elleynah était allée les acheter. Après des jours de prospection sans trouver son bonheur, elle avait trouvé ce qu'il lui fallait du premier coup. La sienne était une jument noire, fougueuse et au regard brillant d'intelligence, avec laquelle elle avait immédiatement accroché. Elle répondait au doux nom de Zéphyr. Cela en disait long sur ses capacités. Elle avait deux énormes sacs accrochés à elle, mais ça n'avait pas semblé la déranger. Le cheval de Wyska était un étalon gris pommelé légèrement plus petit, plus jeune, et surtout, bien plus calme. Au premier coup d'oeil, la marchombre avait compris que cela collerait entre la jument et celle qui était désormais son apprentie.
- Wyska, je te présente Tonnerre Céleste. Il est à toi. Tu verras, malgré son nom, il est assez calme. Prends en soin, d'accord ?
La marchombre lui sourit à travers la nuit, et elle flatta l'encolure de sa jument. D'un geste souple, elle grimpa sur son dos, et si la jument renâcla, Elleynah parvint instantanément à la calmer. Il y aurait du travail avant d'instaurer une confiance totale entre elles, et de pouvoir la maîtriser totalement. Mais la marchombre était confiante. Elle n'en était pas à sa première fois. Patiemment, elle attendit que Wyska soit prête, et elle se pencha vers l'oreille de son cheval. Attentif, Zéphyr redressa les oreilles, et sembla se concentrer. Puis, Elleynah fit claquer sa langue. Docilement, il se mit en route. Intérieurement, la marchombre ne put s'empêcher de reconnaître que certaines choses qu'elle connaissait lui facilitait grandement la vie. En jetant un regard en coin à son élève, elle sourit, mais pendant un long moment, elle demeura silencieuse.
Elleynah pensait beaucoup. Elle pensait à ce bonheur immense qui l'emplissait, et qu'elle n'aurait su décrire. Enfin, après tout ce temps, elle reprenait la route. Son coeur bondissait de joie dans sa poitrine, et c'était avec délectation qu'elle profitait de la caresse du vent sur son corps, des étoiles qui brillaient dans le ciel, et de la lune qui les regardait avec bienveillance. Elle se rendait compte d'à quel point ça lui avait manqué. Et puis, il y avait aussi ce bonheur d'avoir Wyska à ses côtés. Jamais elle n'aurait pu imaginer qu'elle reprendrait déciderait de reprendre une apprentie sous son aile, et si on le lui avait dit, elle aurait sans nul doute explosé de rire. Et pourtant, elles étaient bien là, toutes les deux ensemble, et personne d'autre. Avec un sourire malicieux, elle se tourna vers Wyska.
- Tu ferais bien de t'accrocher.
Et elle se pencha à nouveau à l'oreille de sa jument, et murmura quelques mots inintelligibles pour une oreille extérieure. Zéphyr poussa un hennissement et après quelques secondes, elle s'élança au galop. Suivant la jument, l'étalon de Wyska s'élança aussi. Les cheveux au vent, Elleynah se laissa envahir par l'ivresse de la vitesse. Elle écarta les bras, et son rire éclaira la nuit. Depuis combien de temps ne s'était-elle pas sentie aussi bien ? Aussi libre ? Depuis combien de temps n'avait-elle pas sentie le vent fouetter son visage et son corps ? Depuis combien de temps n'avait elle pas senti ce frisson de plénitude l'envahir, au point de ne plus jamais vouloir le laisser partir ? Il lui sembla que c'était une éternité. Et pour la première fois depuis plus longtemps encore, elle se sentit vivante. Incroyablement vivante.
Peu à peu, sa monture ralentit, et Elleynah, ferma les yeux un instant, pour profiter au maximum des sensations qui envahissaient son corps. Elle n'avait pas monté de cheval depuis plus de deux ans, et elle n'était pas mécontente de retrouver la compagnie de ces êtres merveilleux. Derrière elles, Al-Jeit commençait déjà à s'éloigner, et avec elle, Elleynah sentit le passé s'effacer. Elle n'oublierait jamais tout ce qu'il s'était passé, et elle n'aurait jamais l'occasion de le faire. Mais elle acceptait cette partie d'elle-même, et désormais, elle avançait. Toujours plus loin, toujours plus vite. Les limites du monde l'appelaient, et cette fois, elle n'était pas seule pour tenter de les dépasser. Elle avait grandi, et elle avait avancé sur la Voie plus qu'elle n'aurait jamais cru être capable de le faire.
Les yeux plongés dans l'immensité céleste, elle écoutait les bruits nocturnes. Devant elle, les plaines herbeuses s'étendaient jusqu'à l'horizon, rejointes par le ciel obscur, piqué par des milliers d'êtres brillants. Elles n'auraient pu rêver d'une plus belle soirée pour ce départ. Pour leur départ. Et à l'écoute de ce qui l'entourait, Elleynah sentit son coeur exploser. A la lueur de ce futur nouveau, la lune lui offrit le plus précieux des secrets. Elle le garda précieusement en elle, et se fit la promesse de ne jamais l'oublier. Elle vivante, personne ne toucherait un seul cheveux de son apprentie. Elle attendit que Wyska soit à sa hauteur pour reprendre la parole. Sa voix ne fut qu'un murmure, et se fondit dans la nuit avec une facilité déconcertante.
- C'était un très joli spectacle que tu m'as offert ce soir, dit-elle en faisant référence au cirque.
Wyska l'avait suivie de son plein gré, et elle savait qu'elle était heureuse de son choix. Cependant, il n'était jamais simple de prendre ce genre de décision et de partir de chez soi. Par cette phrase, presque quelconque, Elleynah voulait signifier à Wyska qu'elle était là pour la soutenir et pour l'écouter si jamais elle en avait besoin. Qu'elle pouvait parler du cirque quand elle le désirait, et qu'il n'y avait aucune honte à avoir un passé et des attaches, même au coeur de la liberté. La marchombre songeait notamment à la famille que la jeune acrobate laissait derrière elle. C'était un nouveau monde qui s'ouvrait désormais à elle, et il allait falloir qu'elle s'y acclimate. Les premiers temps allaient être difficiles. Trois ans, c'était à la fois très long et très peu. La marchombre ne pouvait pas se permettre de perdre du temps dans l'apprentissage de son apprentie. Il y avait tant à faire...
Elleynah sentit une force tranquille l'envahir. Elle était paisible. Incroyablement paisible. Les journées étaient de plus en plus chaudes, mais les nuits étaient encore fraîches. Pourtant, Elleynah n'avait pas froid. Au contraire, elle se sentait envahie par une douce chaleur bienfaisante. Son coeur s'emballa encore lorsque, haut dans le ciel, un cri retentit. Elle l'aurait reconnu entre mille. Pendant un instant, la marchombre ferma les yeux, et lentement, elle sortit le bras droit de sous sa cape. Comme à l'accoutumé, il était recouvert d'un protège-bras en cuir. Après quelques secondes de silence, le cri retentit, plus près encore. Comme apparue de nul part, une chouette se posa sur le bras tendu de la marchombre. De la main gauche, elle sortit un petit bout de viande d'une de ses bourses, et l'offrit à l'oiseau. La marchombre rit.
- Bah alors ma belle, où étais-tu ? Tu m'as manquée, tu sais ?
Elleynah caressa affectueusement la tête de l'animal, qui se laissa faire et qui ferma les yeux. Elle n'avait pas revue la chouette depuis son départ du camp des mercenaires du chaos. Ca remontait à presque trois mois. Elle ne s'était pas vraiment inquiétée, parce que l'oiseau était très intelligent, et que c'était arrivé plusieurs fois par le passé qu'elle se débrouille seule pendant quelques temps. C'était dans l'essence même de leur relation. Parfois, elles faisaient un bout de chemin ensemble, et puis la chouette disparaissait quelques temps. A moins que ça ne fut Elleynah qui s'en allait un temps, puis revenait. Personne n'aurait réellement pu le dire.
- Wyska, je te présente Ea. Si un jour tu es perdue, tu pourras lui faire confiance pour t'aider à retrouver ton chemin.
Sa phrase avait un sens littéral, mais aussi un sens beaucoup plus profond, que Wyska ne pouvait sûrement pas encore saisir. Lorsqu'elle avait été au plus bas, et lorsqu'elle avait cru ne pas pouvoir s'en sortir. La chouette ne l'avait jamais abandonné, et elles s'étaient entraidées dans les moments les plus difficiles de leurs existences. L'une et l'autre étaient des survivantes. Ce point commun les liait déjà plus que de raison. Elleynah éprouvait une grande affection pour l'animal, et elle n'aurait su dire exactement si c'était la chance ou la providence qui l'avait mise sur son chemin au bon moment. Elle ne saurait jamais, mais ça n'avait pas la moindre importance. Il fallait accepter de garder une part de mystère. D'un geste du bras, elle aida la chouette à reprendre son envol. Elle la suivit des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans l'obscurité, et son coeur s'envola avec elle. Veille sur Wyska, d'accord ? Désormais, la chouette ne serait plus jamais très loin.
- Bienvenue sur la Voie, jeune apprentie.
Sa voix ne fut qu'un murmure qui se fondit parfaitement dans la nuit.
Lorsque la représentation commença, Elleynah était là. Dans un coin, là où personne ne pouvait la remarquer, mais où elle pouvait tout voir, elle suivit le spectacle avec attention. Elle sourit devant les prestations des uns, s'émerveilla devant d'autres, et lorsqu'elle vit Wyska entrer en scène, un frisson de bonheur lui parcourut l'échine. L'acrobate était rayonnante. Sans le moindre doute, elle effectua son numéro. Emplie d'une grâce dont elle n'avait pas encore eu l'occasion de voir toute l'ampleur. Elle brillait de mille feux, étincelante sous les lumières du cirque, et chacun de ses mouvements semblait raconter une histoire qu'Elleynah écoutait avec attention. Lorsqu'elle eut fini, le public la noya sous un tonnerre d'applaudissements, et Elleynah ne put s'empêcher de sourire.
Lorsque le spectacle se termina, la marchombre attendit que tous les autres spectateurs quittent le chapiteau, et elle partit s'asseoir sur les marches d'une roulotte, invisible et silencieuse. Elle attendrait patiemment que Wyska ait terminé de se changer et de se préparer pour leur départ. S'il s'avérait qu'elle ne venait pas, Elleynah s'en irait. Elle avait décidé d'attendre jusqu'aux premières lueurs de l'aube, pour être sûre. Mais elle n'eut pas à attendre aussi longtemps. Lorsqu'elle vit au loin la silhouette de Wyska, qui la cherchait, la marchombre se leva et alla à sa rencontre. La jeune fille avait des étoiles pleins les yeux. Elle était prête. Elleynah avait ressenti une vague de nostalgie, ne pouvant s'empêcher de se revoir avec son maître, quatorze ans plus tôt. Le temps passait à une vitesse incroyable. La marchombre sourit aux étoiles, et ce sourire était dédié à Enyô. Où qu'elle soit, quoi qu'il lui soit arrivé, Elleynah savait que son maître ne l'avait jamais vraiment quittée.
Elle avait posé un regard bienveillant sur Wyska, et sans un mot, elle s'était glissée dans l'ombre. Ensemble, elles avaient longé les remparts de la ville, jusqu'à un endroit où deux chevaux étaient attachés. Un peu plus tôt, Elleynah était allée les acheter. Après des jours de prospection sans trouver son bonheur, elle avait trouvé ce qu'il lui fallait du premier coup. La sienne était une jument noire, fougueuse et au regard brillant d'intelligence, avec laquelle elle avait immédiatement accroché. Elle répondait au doux nom de Zéphyr. Cela en disait long sur ses capacités. Elle avait deux énormes sacs accrochés à elle, mais ça n'avait pas semblé la déranger. Le cheval de Wyska était un étalon gris pommelé légèrement plus petit, plus jeune, et surtout, bien plus calme. Au premier coup d'oeil, la marchombre avait compris que cela collerait entre la jument et celle qui était désormais son apprentie.
- Wyska, je te présente Tonnerre Céleste. Il est à toi. Tu verras, malgré son nom, il est assez calme. Prends en soin, d'accord ?
La marchombre lui sourit à travers la nuit, et elle flatta l'encolure de sa jument. D'un geste souple, elle grimpa sur son dos, et si la jument renâcla, Elleynah parvint instantanément à la calmer. Il y aurait du travail avant d'instaurer une confiance totale entre elles, et de pouvoir la maîtriser totalement. Mais la marchombre était confiante. Elle n'en était pas à sa première fois. Patiemment, elle attendit que Wyska soit prête, et elle se pencha vers l'oreille de son cheval. Attentif, Zéphyr redressa les oreilles, et sembla se concentrer. Puis, Elleynah fit claquer sa langue. Docilement, il se mit en route. Intérieurement, la marchombre ne put s'empêcher de reconnaître que certaines choses qu'elle connaissait lui facilitait grandement la vie. En jetant un regard en coin à son élève, elle sourit, mais pendant un long moment, elle demeura silencieuse.
Elleynah pensait beaucoup. Elle pensait à ce bonheur immense qui l'emplissait, et qu'elle n'aurait su décrire. Enfin, après tout ce temps, elle reprenait la route. Son coeur bondissait de joie dans sa poitrine, et c'était avec délectation qu'elle profitait de la caresse du vent sur son corps, des étoiles qui brillaient dans le ciel, et de la lune qui les regardait avec bienveillance. Elle se rendait compte d'à quel point ça lui avait manqué. Et puis, il y avait aussi ce bonheur d'avoir Wyska à ses côtés. Jamais elle n'aurait pu imaginer qu'elle reprendrait déciderait de reprendre une apprentie sous son aile, et si on le lui avait dit, elle aurait sans nul doute explosé de rire. Et pourtant, elles étaient bien là, toutes les deux ensemble, et personne d'autre. Avec un sourire malicieux, elle se tourna vers Wyska.
- Tu ferais bien de t'accrocher.
Et elle se pencha à nouveau à l'oreille de sa jument, et murmura quelques mots inintelligibles pour une oreille extérieure. Zéphyr poussa un hennissement et après quelques secondes, elle s'élança au galop. Suivant la jument, l'étalon de Wyska s'élança aussi. Les cheveux au vent, Elleynah se laissa envahir par l'ivresse de la vitesse. Elle écarta les bras, et son rire éclaira la nuit. Depuis combien de temps ne s'était-elle pas sentie aussi bien ? Aussi libre ? Depuis combien de temps n'avait-elle pas sentie le vent fouetter son visage et son corps ? Depuis combien de temps n'avait elle pas senti ce frisson de plénitude l'envahir, au point de ne plus jamais vouloir le laisser partir ? Il lui sembla que c'était une éternité. Et pour la première fois depuis plus longtemps encore, elle se sentit vivante. Incroyablement vivante.
Peu à peu, sa monture ralentit, et Elleynah, ferma les yeux un instant, pour profiter au maximum des sensations qui envahissaient son corps. Elle n'avait pas monté de cheval depuis plus de deux ans, et elle n'était pas mécontente de retrouver la compagnie de ces êtres merveilleux. Derrière elles, Al-Jeit commençait déjà à s'éloigner, et avec elle, Elleynah sentit le passé s'effacer. Elle n'oublierait jamais tout ce qu'il s'était passé, et elle n'aurait jamais l'occasion de le faire. Mais elle acceptait cette partie d'elle-même, et désormais, elle avançait. Toujours plus loin, toujours plus vite. Les limites du monde l'appelaient, et cette fois, elle n'était pas seule pour tenter de les dépasser. Elle avait grandi, et elle avait avancé sur la Voie plus qu'elle n'aurait jamais cru être capable de le faire.
Les yeux plongés dans l'immensité céleste, elle écoutait les bruits nocturnes. Devant elle, les plaines herbeuses s'étendaient jusqu'à l'horizon, rejointes par le ciel obscur, piqué par des milliers d'êtres brillants. Elles n'auraient pu rêver d'une plus belle soirée pour ce départ. Pour leur départ. Et à l'écoute de ce qui l'entourait, Elleynah sentit son coeur exploser. A la lueur de ce futur nouveau, la lune lui offrit le plus précieux des secrets. Elle le garda précieusement en elle, et se fit la promesse de ne jamais l'oublier. Elle vivante, personne ne toucherait un seul cheveux de son apprentie. Elle attendit que Wyska soit à sa hauteur pour reprendre la parole. Sa voix ne fut qu'un murmure, et se fondit dans la nuit avec une facilité déconcertante.
- C'était un très joli spectacle que tu m'as offert ce soir, dit-elle en faisant référence au cirque.
Wyska l'avait suivie de son plein gré, et elle savait qu'elle était heureuse de son choix. Cependant, il n'était jamais simple de prendre ce genre de décision et de partir de chez soi. Par cette phrase, presque quelconque, Elleynah voulait signifier à Wyska qu'elle était là pour la soutenir et pour l'écouter si jamais elle en avait besoin. Qu'elle pouvait parler du cirque quand elle le désirait, et qu'il n'y avait aucune honte à avoir un passé et des attaches, même au coeur de la liberté. La marchombre songeait notamment à la famille que la jeune acrobate laissait derrière elle. C'était un nouveau monde qui s'ouvrait désormais à elle, et il allait falloir qu'elle s'y acclimate. Les premiers temps allaient être difficiles. Trois ans, c'était à la fois très long et très peu. La marchombre ne pouvait pas se permettre de perdre du temps dans l'apprentissage de son apprentie. Il y avait tant à faire...
Elleynah sentit une force tranquille l'envahir. Elle était paisible. Incroyablement paisible. Les journées étaient de plus en plus chaudes, mais les nuits étaient encore fraîches. Pourtant, Elleynah n'avait pas froid. Au contraire, elle se sentait envahie par une douce chaleur bienfaisante. Son coeur s'emballa encore lorsque, haut dans le ciel, un cri retentit. Elle l'aurait reconnu entre mille. Pendant un instant, la marchombre ferma les yeux, et lentement, elle sortit le bras droit de sous sa cape. Comme à l'accoutumé, il était recouvert d'un protège-bras en cuir. Après quelques secondes de silence, le cri retentit, plus près encore. Comme apparue de nul part, une chouette se posa sur le bras tendu de la marchombre. De la main gauche, elle sortit un petit bout de viande d'une de ses bourses, et l'offrit à l'oiseau. La marchombre rit.
- Bah alors ma belle, où étais-tu ? Tu m'as manquée, tu sais ?
Elleynah caressa affectueusement la tête de l'animal, qui se laissa faire et qui ferma les yeux. Elle n'avait pas revue la chouette depuis son départ du camp des mercenaires du chaos. Ca remontait à presque trois mois. Elle ne s'était pas vraiment inquiétée, parce que l'oiseau était très intelligent, et que c'était arrivé plusieurs fois par le passé qu'elle se débrouille seule pendant quelques temps. C'était dans l'essence même de leur relation. Parfois, elles faisaient un bout de chemin ensemble, et puis la chouette disparaissait quelques temps. A moins que ça ne fut Elleynah qui s'en allait un temps, puis revenait. Personne n'aurait réellement pu le dire.
- Wyska, je te présente Ea. Si un jour tu es perdue, tu pourras lui faire confiance pour t'aider à retrouver ton chemin.
Sa phrase avait un sens littéral, mais aussi un sens beaucoup plus profond, que Wyska ne pouvait sûrement pas encore saisir. Lorsqu'elle avait été au plus bas, et lorsqu'elle avait cru ne pas pouvoir s'en sortir. La chouette ne l'avait jamais abandonné, et elles s'étaient entraidées dans les moments les plus difficiles de leurs existences. L'une et l'autre étaient des survivantes. Ce point commun les liait déjà plus que de raison. Elleynah éprouvait une grande affection pour l'animal, et elle n'aurait su dire exactement si c'était la chance ou la providence qui l'avait mise sur son chemin au bon moment. Elle ne saurait jamais, mais ça n'avait pas la moindre importance. Il fallait accepter de garder une part de mystère. D'un geste du bras, elle aida la chouette à reprendre son envol. Elle la suivit des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans l'obscurité, et son coeur s'envola avec elle. Veille sur Wyska, d'accord ? Désormais, la chouette ne serait plus jamais très loin.
- Bienvenue sur la Voie, jeune apprentie.
Sa voix ne fut qu'un murmure qui se fondit parfaitement dans la nuit.