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Loups en terre de fauves

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    Loups en terre de fauves
      __ Ouest de Gwendalavir | Nord d’Al-Vor, orée de la Forêt de Barail | 15/03/2015


    Alec Ezilea, Elleynah Bathory, Loucian Naït & Anahkee Kayrän


Les odeurs du sous-bois étaient très différentes ici que dans le nord de Gwendalavir. Dans les marches du nord, l’odeur de sapins et d’épines de conifères emplissait l’air jusque dans les hauteurs des montagnes de la Chaine du Poll. Ici, les conifères étaient rares et laissaient la place à une variété d’arbres et de buissons feuillus dont l’odeur rappelait la rosée au matin. Le printemps était bien avancé au sud de l’empire, et même si Alec savait que dans les Marches du Nord la neige ne fondrait pas avant encore plusieurs semaines, il n’en restait ici que quelques traces à l’ombre des arbres. Les bourgeons ne tarderaient pas à faire naitre les feuilles nouvelles et le sol était recouvert de feuilles mortes en un tapis humide étouffant les bruits de pas.

Tôt ce matin-là, avant même que le soleil ne soit levé, Alec était monté sur la selle de son étalon à la robe grise, Éclipse, et avait longé la rivière durant plus d’une heure jusqu’à l’orée de la forêt de Barail. Dans la brume matinale, qui rend tout d’un gris uni, il avait pu voir les collines de Taj s’étendre sur l’autre rive de la rivière. Plus au sud, bien qu’il ne puisse plus voir la ville, Alec savait que se dressaient les hautes tours d’Al-Vor, qu’il avait quitté deux jours plus tôt.

Lui et Nirina avaient repris la route deux jours plus tôt après avoir mené à bien leur mission d’escorte du noble marchand Harrald Til’Alfir. Il y a plus d’un mois, ils avaient quitté la Citadelle et avaient entrepris le long voyage jusqu’à Al-Vor. Enfin, ils étaient sur le chemin du retour. Alec appréciait le voyage, lui qui avant cette mission n’était jamais descendu plus au sud qu’Al-Far. Néanmoins, ses montagnes aux sommets enneigés lui manquaient.

Leur voyage de retour avait été rapidement interrompu lorsque la veille, un peu avant midi, l’une des roues de la charrette que menait Nirina s’était prise dans un trou sur la route. La roue et l’essieu arrière s’étaient brisés et ils avaient dû s’arrêter dans un tout petit village non loin d’Ondiane. Ils avaient eu la chance de tomber sur un ébéniste chaleureux qui proposa de les héberger pour un prix très raisonnable le temps qu’il termine de réparer leur charrette.

Quitte à rester dans le village toute la journée à attendre, Alec avait annoncé la veille à Nirina qu’il partirait à l’aube chasser dans la forêt de Barail. S’il pouvait ramener un Siffleur ou un Coureur, ils n’auraient pas besoin de dépenser pour de la viande pour plusieurs jours. Selon l’avis d’Alec, aucune viande d’élevage n’était d’ailleurs aussi bonne que celles du gibier sauvage.

La région étant assez densément peuplée, il avait dû s’éloigner vers la forêt de Baraïl pour espérer pister un animal. En solitaire qui se respecte, s’éclipser dans la nature ne pouvait que lui faire du bien. Quoiqu’Alec n’était jamais vraiment seul. Comme une ombre grise, la masse impressionnante d’un loup du Nord marchait quelques mètres derrière Alec et sa monture.

Alec sourit en pensant que plus qu’à lui-même, ce moment de chasse loin d’autre présence humaine ferait la joie d’Écho. Le loup n’était pas habitué à côtoyer autant de gens et il passait donc la majorité de son temps à errer dans les boisés environnant des villes et villages où Alec et Nirina s’arrêtaient. Alec le savait nerveux. Les montagnes et les étendues sauvages du nord devaient lui manquer à lui aussi.

Plus nerveux encore qu’Écho, il y avait les villageois et autres Alaviriens qu’il croisait sur sa route. Un loup de plus d’un mètre au garrot, chose tout à fait insolite et menaçante au sud de l’empire, avait la capacité de rendre mal à l’aise même le plus fière des gardes de la cité d’Al-Vor. Écho se méfiait des étrangers, et ils le lui rendaient bien. D’expérience, Alec savait que les situations où Écho était en contact avec des inconnus pouvaient être dangereuses et facilement dégénérer. Déjà que les hommes du nord ne toléraient sa présence que pour ne pas offenser le Frontalier, ceux du sud le percevaient littéralement comme une menace et en avaient une peur bleue. La moindre occasion pour quitter la civilisation avec lui était donc la bienvenue.

Alec lui-même attirait l’attention. Grand, il avait une musculature forte, mais fine, typique des Frontaliers, et avec son armure de cuir et son sabre calé contre sa hanche ne le quittant jamais, tous devinaient rapidement qu’ils avaient affaire à un Frontalier. Cela seul suffisait à attirer le regard des curieux, mais en plus, Alec abordait des cicatrices au visage qui attiraient un tout autre ordre de curiosité. La plus gradée barrait le côté gauche de son visage, de l’arcade sourcilière, barrant son œil, et descendant sur sa joue jusqu’à la ligne de sa mâchoire. Son œil vert clair avait miraculeusement survécu à la blessure. Une autre cicatrice venait fendre ses lèvres, toujours à gauche de son visage, et une dernière, beaucoup moins nette et nettement plus large, zigzaguait à la base de son coup, s’étendant vers son épaule, cachée par sa chemise en lin et son armure de cuir souple.

Le soleil étendait ses premiers rayons de lumière sur l’eau de la rivière lorsqu’Alec arriva finalement à destination. Lorsqu’il mit pied à terre, il remarqua tout de suite des traces dans la terre meuble de la rive. D’énormes empreintes caractéristiques des Tigres des Prairies. Celles-ci étaient fraiches, l’animal les avait précédées de peu. Alec nota mentalement de dire l’information à Nirina lorsqu’il rentrerait au village, la jeune Frontalière étant passionné par ces félins, elle ne manquerait pas de venir tenter de l’observer sur son territoire s’ils devaient rester dans les environs encore quelques jours.

Étant sur le terrain de chasse d’un tigre, Alec hésita avant de descendre de la selle d’Éclipse, mais fini par mettre pied à terre. Son étalon était plus qu’une simple monture pour lui. Il l’avait lui-même entrainé depuis qu’il n’était qu’un poulain, et Éclipse était son frère d’armes au même titre qu’un autre Frontalier. Peut-être même plus, le lien qui les unissant était plus fort que la quasi-totalité des liens qu’Alec entretenait avec d’autres humains. Il en allait de même avec Écho. Néanmoins, il savait sa monture débrouillarde et alerte. Il n’avait nullement besoin d’entraver Éclipse pour que l’étalon ne s’enfuie pas, et cette liberté lui permettrait d’échapper au tigre si celui-ci le prenait pour cible. De toute façon, les traces s’enfonçaient dans la forêt devant lui. C’était plus à son propre potentiel à lui de devenir une proie qu’il devait s’intéresser.

Descellant Éclipse, ne lui laissant qu’un licou léger, Alec déposa la selle et les sacoches sur un tronc couché à l’orée de la forêt. Il caressa l’encolure de son cheval puis passa une main dans ses cheveux mi- longs blonds roux en bataille qui lui retombaient devant le visage. Il n’avait jamais su les dompter. L’air était frais ce matin, mais il ferait chaud dans quelques heures et Alec ne s’était pas embarrassé de sa lourde cape à capuchon rehaussé de fourrure qui lui tenait chaud dans les Marches du Nord.

Il passa son arc par-dessus sa tête et prit une flèche dans le carquois accroché dans son dos. Émettant un léger sifflement habituel réservé au départ pour la chasse, Alec s’engouffra entre les arbres, Écho sur ses talons, les oreilles frémissantes d’excitation.

La chasse lui donnait toujours la même sensation d’excitation au creux du ventre, comme s’il était en parfaite symbiose avec l’excitation du loup. Beaucoup, à la Citadelle, avaient pour dire qu’Alec comprenait mieux son loup que les hommes, depuis la tragédie qui l’avait éloigné de ses proches et amis. Ils n’avaient pas tort. Écho était son frère, son compagnon d’armes, son ami. Il l’avait recueilli alors qu’il n’était qu’un chiot près du corps sans vie de sa mère. La louve avait visiblement succombé à une blessure effectuée par un sanglier. Écho était venu combler le vide que la mort du frère d’Alec, Yaan, avait creusé en lui. Mais jamais Alec n’avait retenu le chien-loup contre son gré. Écho était plus sauvage qu’autre chose, allant librement, mais ayant décidé de rester auprès d’Alec. Ils étaient frères de meute, de la famille.

La région regorgeait de gibier et trouver des traces fraiches de Siffleur ne fut pas difficile pour Alec et Écho. Habituée à traquer des animaux rares et farouches dans les montagnes, la chasse dans le sud s’était révélée d’une grande facilité pour eux. Silencieux, leurs pas étouffés par l’épaisse couche de feuilles mortes et humides au sol, ils pistèrent les traces du siffleur pendant près d’une heure.

Soudain, Écho redressa vivement la tête, son attention détournée de la piste qu’il suivait. Alec, sensible à ses réactions, s’arrête et resserra sa prise sur le bois de son arc. Les oreilles d’Écho se rabattirent sur sa tête, et fixant un point entre les arbres, se mit à grogner agressivement. Alec sut qu’il ne s’agissait pas d’une proie, sinon Écho aurait gardé le silence. Il s’agissait plutôt d’une menace.

Alec pensa tout de suite au tigre des prairies dont il avait aperçu les traces près de la rivière. Avant qu’il n’ait pu donner un signal à Écho, ce dernier sauta en avant dans un grognement menaçant et disparut entre les arbres. Alec jura entre ses dents et ne réfléchit pas une seconde avant de se lancer derrière lui. Tigre ou pas, jamais il ne laisserait son ami courir seul vers un danger.

Il rattrapa le loup qui s’était arrêté, toutes dents sorties, les poils de son dos hérissés. Lui-même tenait son arc bandé, mais il rabaissa rapidement son arme, sans pour autant la lâcher. Alec se redressa lentement, sur ses gardes, se découvrant de l’ombre des arbres et avança jusqu’à Écho, l’effleurant de la main pour l’enjoindre à ne pas attaquer. La silhouette du tigre qu’il s’était attendu à trouver se révéla être une forme humaine.


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Elleynah se sentait bien. Incroyablement bien. A vrai dire, elle avait l'impression de ne pas avoir ressenti ça depuis des années. Elle ne savait pas vraiment si c'était dû à la compagnie de sa toute nouvelle apprentie, ou au retour progressif du printemps, qui parsemait déjà le sol de tâches colorées. En tous les cas, elle se sentait prête à affronter tout et n'importe quoi, et c'était avec cet état d'esprit qu'elle avait abordé le nouveau jour.

Cela faisait un peu plus d'une journée que la marchombre et son apprentie avait quitté Al-Vor. Il ne leur avait pas fallu voyager bien longtemps avant qu'Elleynah ne décide de s'arrêter. Elles étaient parties un peu après minuit, et en faisant des pauses régulières pour les chevaux, elles étaient arrivées en début de soirée à l'endroit choisi. Il s'agissait des abords d'une rivière à peine moins large que le Pollimage, et qui traversait la forêt la plus étendue de l'empire. La marchombre n'aurait su rêvé d'un meilleur endroit. Que pouvait-il y avoir de mieux qu'une forêt, regorgeant de bêtes sauvages et de dangers, pour commencer la formation de son élève ? Elleynah avait donc installé leur campement un peu à l'écart, à l'abri d'un énorme rocher, là où elle était sûre de ne pas être dérangée par quiconque. D'ici, elle pouvait surveiller à la fois les rives et la lisière de la forêt.

C'était idéal pour commencer la formation, qui démarraient plus doucement qu'elle ne l'aurait souhaité. Elles entraient dans le deuxième jour, et rien n'avait encore été fait. Rien qui ne vaille le coup d'être mentionné, en tous cas. Mais Elleynah n'était pas inquiète : elle n'avait pas besoin de pouvoir accéder aux spires pour avoir de l'imagination. Et cette forêt tombait à pique. Elle n'avait pas prévu d'être tendre avec son apprentie. C'était donc avec une pointe de sadisme qu'elle avait dit à Loucian de bien profiter de sa dernière bonne nuit de sommeil avant longtemps. Et effectivement, la nuit fut courte. Il devait être à peine plus de cinq heures du matin lorsqu'Elleynah s'approcha de son élève, encore endormie.

- Loucian ? Réveille-toi.

Les premières lueurs du jour commençaient tout juste à teinter le ciel de leurs couleurs si douces. Elleynah avait posé sa main sur l'épaule de son élève. Après s'être assurée qu'elle ne dormait plus, la marchombre se redressa, et croisa les bras sous sa poitrine, comme à son habitude. Elle s'était levée longtemps à l'avance, et avait pris quelques repères qui seraient nécessaires au bon déroulement de ce qu'elle avait prévu.

- Je t'attends devant la forêt. Tu as cinq minutes. Ne me fais pas attendre.

Et joignant les gestes à la parole, elle tourna les talons et s'enfonça dans l'obscurité, aussi silencieuse qu'une écharpe de brume. Elle eut vite fait d'atteindre les premiers arbres, et s'adossa au tronc de l'un d'eux, guettant l'arrivée de Loucian. Lorsqu'elle arriva enfin, Elleynah la darda d'un regard aussi froid que la glace, et aussi noir qu'un ciel sans étoiles.

- Tu es en retard, dit-elle d'une voix qui n'admettait aucune réplique.

Elle n'avait pas tant dit ça parce que les cinq minutes s'étaient écoulées, mais plutôt parce qu'Elleynah voulait inculquer certaines notions à son élève. La rapidité, la remise en question perpétuelle, le dépassement de ses limites. En toutes circonstances. Cependant, son visage retrouva bien vite son sourire habituel, et ce fut comme s'il ne s'était rien passé.

- Bien. C'est ici que ton apprentissage commence réellement. Comme tu le sais peut-être, cette forêt regorge de dangers en tous genres. Y aller alors que le jour n'est pas levé relèverait du suicide. C'est la raison pour laquelle je te conseille d'être attentive à ce qui t'entoure si tu ne tiens pas à voir ton espérance de vie diminuer drastiquement. Aujourd'hui, je te demanderais seulement de me suivre. Mais pour ça, nous allons grimper.

Elle fit un signe de la tête, montrant le sommet des arbres.

- Ce n'est pas le sol que tu dois craindre ici : je serais là pour te rattraper si jamais tu tombes. Concentre toi sur tout le reste. Sur ce qui t'entoure et que tu ne vois pas. Le jour commence à se lever, mais une fois que nous serons entrées, ne compte pas vraiment sur la lumière pour te guider. Fais confiance à tes autres sens.

Sans attendre de réponse de la part de Loucian, Elleynah se hissa avec une facilité déconcertante sur une branche de l'arbre le plus proche. Elle attendit que son élève la rejoigne pour entamer sa progression. Il ne faisait pas totalement noir. La visibilité était faible, mais pas nulle. Elleynah devait surveiller à la fois tout ce qui se passait autour d'elles, et les moindres gestes de Loucian. Fastidieux n'était pas un mot assez fort pour qualifier leur avancée, et pourtant, la jeune fille ne s'en sortait pas si mal face à un exercice aussi tordu que celui imposé par son maître.

Alors qu'elles progressaient depuis plus d'une heure, Elleynah se figea brusquement. Son corps se tendit, et elle chuchota quelques mots à l'attention de son apprentie :

- Ne bouge plus.

Quelque chose avait changé dans leur environnement. Ce n'était pas normal. La marchombre s'appuya sur ses mains, et se laissa glisser sur le sol, telle une ombre. Elle se tenait prête à dégainer son arme. Un grognement sourd commença alors à se faire entendre. Elleynah fronça les sourcils. Non, ce n'était pas possible, cela ne pouvait pas être... Un loup du nord d'une taille incroyable perça les feuillages, suivit par un homme à la carrure reconnaissable entre mille. Elleynah lâcha alors son manche, mais ne s'approcha pas, laissant ses mains bien en évidence. Le silence dura un moment, avant qu'elle ne se décide à le rompre.

- Je ne savais pas que les loups du nord et les frontaliers faisaient parti de la faune incroyable de cette forêt, lança-t-elle, d'une voix assez forte pour être entendu, et très assurée. Je crains cependant de n'être comestible pour aucun de vous deux.

Comme à son habitude, elle ne réfléchissait pas à l'éventualité que son humour puisse être mal interprété. Elle connaissait plutôt bien les frontaliers, et elle espérait ne pas être tombée sur un susceptible. Elle n'oubliait pas qu'il avait toujours son arme dans sa main, et que si ils décidaient de la tuer, le loup n'aurait aucun mal à débusquer son élève, qu'ils tueraient de la même façon. Et puis, elle n'avait pas spécialement envie de se battre contre un frontalier. Non pas qu'elle pense le combat infaisable, bien au contraire. Mais elle n'avait jamais considéré les gardiens des marches du nord comme des ennemis potentiels. Et elle décida de lui montrer qu'elle ne se positionnait pas comme une adversaire, même si elle n'hésiterait pas à le faire si le besoin s'en faisait sentir. Sans tourner la tête, elle dit d'une voix plus basse mais tout aussi calme :

- Loucian, descends et viens derrière moi.


Spoiler :

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Je tente de réfléchir à ces derniers jours. Tout à sembler s'enchaîner si vite que j'ai l'impression de ne plus pouvoir respirer. Depuis que j'ai rencontré cette femme, mon maître maintenant, la vie semble tellement plus palpitante. Je vivais dans un certain confort qui me devenait de plus en plus insupportable à vivre. J'étais pauvre, enchaîné à une ville que je n'ai jamais quittée, enchaîné à un souvenir à jamais gravé. J'ai beau quitté les lieux, m'éloigner de là où repose son corps, je sais qu'elle est avec moi, partout où je vais.
Et puis Elleynah m'a offert une échappatoire, m'a promis une des plus belles routes, une voie à suivre vers la liberté. Cela semble presque utopique et pourtant, je me suis lancé dans cette aventure presque sans aucune hésitation. Presque, parce qu'il faut toujours prendre en compte ce qui nous entoure. Mon père ne doit même pas savoir que je suis partie, il n'a pas compris et pourrit seul dans notre maison vide de vie maintenant.
C'est avec ce genre de pensées sombres que je me suis endormie cette nuit-là. Il fallait que je profite, Elleynah m'avait bien dit que ce serait la dernière nuit où je pourrais dormir tranquillement si je puis dire. Une dernière nuit avant que les choses vraiment sérieuse commence.
Je sais que je rêve... Comment ? Parce que nous avons déjà passé cette branche du Polimage ce matin. Je ressens encore les battements de mon cœur aller plus vite. Tout était découverte, tout était si différent de la ville, tout était plus beau. Je me demande comment j'ai fait pour ne pas partir plus tôt. Le monde ne cessait de m'appeler, le ciel de m'envoyer des encouragements que je n'ai su entrevoir. C'est ma rencontre avec la marchombre qui m'a sortie de ma torpeur, et rien que pour cela j'ai déjà envie de lui dire merci. Mais on attendra peut-être un ou deux ans avant de le faire je pense !
- Loucian ?
- Hummmanemmm...
Ça, c'est moi grogne alors que je suis en train de sortir de mon doux rêve.
- Réveille-toi.
Mes yeux papillonnent alors que je sens ma bouche toute pâteuse. Je bouge doucement ma langue, tentant de me réveiller, je crois que je suis pire qu'un animal domestique d'Al Vor. Je tourne la tête pour regarder mon ami le ciel qui change de couleur. Il se réveille aussi doucement que moi et je souris doucement, les yeux déjà en train de se fermer de nouveau.
- Je t'attends devant la forêt. Tu as cinq minutes. Ne me fais pas attendre.
Pas attendre... Oui oui...
Alors qu'elle s'éloigne, je me rallonge, prête à me redresser... Ou pas... J'attends encore un peu, je me dis qu'une minute vient de passer, et une autre alors que le ciel entame sa danse du jour... Trois minutes et je suis toujours allongée. Je dois faire quoi déjà ? Quatre minutes on m'attend non ? Cinq minutes et je me redresse vivement... Oui, je dois être dans le feu de l'action en vérité. Six minutes... ET JE SUIS PAS PRÊTE... Sept minutes et je tombe alors que je tente de remettre mes chaussures... Huit minutes, c'est en courant que j'arrive en face d'Elleynah.
- Tu es en retard.
J'aimerais me défendre, lui dire que oui, mais non. Mais je me tais. Pas la peine de se justifier. Elle se moque de ce que j'ai à dire, les faits sont là. Je décide donc de me taire et d'attendre qu'elle me dise quoi faire. Et je crois que mon silence paye (ou pas?). Sourire aux lèvres, c'est comme si j'avais été à l'heure !
- Bien. C'est ici que ton apprentissage commence réellement.
Je sens ma peau frissonner légèrement. C'est un instant important que je vis, aussi important que notre rencontre, que la première fois où elle m'a parlé de marchombre, que la décision que j'ai prise de la suivre. On passe encore un cap sur notre toile et cela m'en retourne l'estomac.
- Comme tu le sais peut-être, cette forêt regorge de dangers en tous genres. Y aller alors que le jour n'est pas levé relèverait du suicide. C'est la raison pour laquelle je te conseille d'être attentive à ce qui t'entoure si tu ne tiens pas à avoir ton espérance de vie diminuer drastiquement. Aujourd'hui, je te demanderais seulement de me suivre. Mais pour ça, nous allons grimper.
Grimper ? Je ne peux m'empêcher de relever la tête pour observer les arbres. Froncement de nez. Je n'ai jamais rien grimpé d'autre que ce qui a été fait de la main ou de l'Imagination de l'Homme. Les arbres, je n'ai jamais réellement fait. Mais il semblerait que je sois vouée à vivre de nombreuses premières fois avec mon maître comme par exemple ma première montée à cheval, mon corps s'en souvient douloureusement d'ailleurs.
Bon... Je dois grimper, mais j'ai une certaine appréhension. Evidemment, la peur première est de tomber... Si j'attends le sommet et que je tombe, je sais parfaitement ce que cela fera, sol neigeux ou non... Elleynah doit sentir ma panique quand sa voix se fait de nouveau entendre.
- Ce n'est pas le sol que tu dois craindre ici : je serais là pour te rattraper si jamais tu tombes. Concentre toi sur tout le reste. Sur ce qui t'entoure et que tu ne vois pas. Le jour commence à se lever, mais une fois que nous serons entrées, ne compte pas vraiment sur la lumière pour te guider. Fais confiance à tes autres sens.
Je l'écoute attentivement et hoche la tête. Les autres sens... Ok...
Elleynah se lance alors dans une course effrénée. Elle monte avec agilité, ne faisant qu'un avec la nature. C'est encore plus impressionnant qu'à Al Vor. Je reste un instant comme une imbécile en bas avant de reprendre conscience. Je dois grimper et non l'observer sans relâche. Je pose ma main sur le tronc et grimace un peu. C'est totalement différent des murs, seulement, il y a un avantage pour les mains, ce sont les branches qui entourent le tronc. Seulement, comme Elleynah l'a prédit, on ne voit pas grand-chose. Je commence à grimper doucement, à mon allure. Au fil des minutes, j'apprends peu à peu à connaître ce nouvel élément, plein de surprises. Mon pied glisse sur une mousse mais j'arrive à me rattraper à une branche. Je me redresse avec force, et grimace aussi.
- Ne bouge plus.
Je redresse la tête pour la regarder, surprise. Elle ne me dit pas ça pour je ne sais quel sadisme, elle a entendu quelque chose. Je sens mes bras trembler légèrement, mais je pense pouvoir tenir bon pour le moment. Sans un bruit, je vois le corps de la marchombre chuter vers le sol.
- Mais... Vous allez où ?... HEY...
Tout ceci dans un chuchotement éreinté alors que je me retrouve comme une imbécile à attendre, collé contre mon tronc. Les minutes passent et je sens mes doigts me faire souffrir, je suis certaine que quelques-uns saignent. Mes jambes tremblent mais je tiens bon.
Je finis par lever les yeux au ciel en disant à moi-même :
- Je vais mourir ici, contre un tronc d'arbre... Ridicule...
- Loucian, descends et viens derrière moi.
- Enfin, je grogne.
Je descends doucement, fronçant le nez alors que mes doigts sont douloureux. Alors que je suis à quelques mètres du sol, mes doigts me lâchent. Je me sens tomber et dans un bruit sourd, ce sont mes fesses qui touchent le sol... Bon sang... Je me redresse et frotte mes fesses. Et bien, je suis toujours aussi maladroite, sauf que je n'avais pas encore montré cet aspect à Elleynah.
Je m'avance vers elle, main toujours sur les fesses alors que j'observe l'autre un peu en sang. Je finis par me mettre derrière elle alors que nous ne sommes pas seules. C'est un loup ? Mais derrière lui se tenait surtout un homme. Grand, fort, dégageant un charisme presque aussi grand que celui de la marchombre, je m'e retrouve subjuguée. Je ne me gêne pas de le regarder, à vrai dire, je n'arrive pas à détacher mon regard de cet homme...

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Anahkee descendait vers le Sud. Sa recherche d'apprenti était parfaitement infructueuse, ce qui aurait pu la rendre triste. Ce n'était heureusement pas le cas. Le jour où quelque chose lui ferait perdre entièrement sa joie de vivre était loin d'être arrivé, car il faudrait pour cela soit la destruction de Gwendalavir, soit sa propre mort. Rien d'imminent, normalement !
Epona, sa fidèle jument alezan brûlé crins lavés, marchait d'un pas rapide, encolure redressée, comme s'il s'agissait d'une parade. Cet animal avait toujours eu tendance à se montrer fier et parfois clownesque. Anahkee l'aimait d'ailleurs beaucoup pour ça.
Le voyage était long, mais pour le moment elle n'avait pas envie de passer dans une ville. Pour se rendre à Al-Jeit, sa destination finale, il y aurait eu un itinéraire vraiment plus cours que la marchombre se refusait à emprunter.
Ces derniers temps, elle avait la sensation que sa place se trouvait plutôt loin de toute cette vaine agitation urbaine. Les grandes villes offraient leurs lots de défis et d'aventures, mais pour l'instant le voyage la comblait. Elle était heureuse.
Heureuse de vivre la liberté, heureuse de pouvoir être elle même, heureuse de pouvoir jouer avec le vent... Marchombre.
Anahkee dégagea quelques longues mèches blondes de son visage en se disant qu'il faudrait vraiment qu'elle se les tresse un de ces jours. Elle sourit toute seule en se rappelant qu'elle ruminait cette idée depuis le début de son voyage et qu'elle n'avait toujours pas pris le temps de la mettre en pratique. Ça lui rappelait son maître, qui disait souvent qu'elle avait tendance à ne jamais mettre en place ses bonnes idées tout de suite, préférant d'abord essayer ce qu'on pourrait qualifier de " plans foireux".
Repenser à Ahsen la fit sourire plus largement encore. Son maître lui manquait, lors de ces longs voyages. Elle se souvenait de leurs longues conversations, des monologues qu'il coupait pour les résumer en deux phrases, des exercices improbables qu'il lui soumettait pour tester toutes ses capacités...
L'endroit où elle avançait ressemblait à une petite forêt. Pour le moment, les arbres étaient assez espacés et l'on apercevait encore très bien le soleil a travers le feuillage épais des plus haut d'entre eux. Il y avait au loin un léger bruit de rivière qui berçait doucement la marchombre.
Accompagné d'un bruit de chute moins charmant, mais qui avait le mérite d'attirer l'attention de la blondinette... Qui ne trouva rien d'autre à faire qu'entamer une chanson en se dirigeant vers la source du bruit.
Parfois, elle avait du mal à savoir si le bruit était vraiment fort, ou si elle l'entendait parce qu'elle avait ce lien avec ce qui l'entoure, propre à ceux qui savent écouter. Mais là, elle ne se posait pas la question.

 - Partons à l'aventureeuh, jetons nos belles parureeuh ! Car pour voir le mondeeuh, il faut pas perdre une secondeeuh !  


La voix d'Anahkee n'était pas spécialement désagréable, mais il fallait tout de même avouer que, si elle chantait juste, la prononciation ne faisait pas penser à une chanteuse pleine de grâce et d'élégance. On aurait plutôt dit une poissonnière douée.
Elle s'arrêta à quelques distances d'un petit groupe qui s'était formé au pied d'un arbre. Un homme se tenait derrière un loup. Ou un chien. Ou un loup. Anahkee ne savait pas trop, ces animaux ne lui étaient pas du tout familiers.
Et puis, ce n'était pas vraiment l'homme qui l'intéressait. Ce qui attirait l'attention de la marchombre, c'était une silhouette bien plus familière, et accompagnée d'une inconnue. Anahkee reprit son chemin vers eux, avec son air enfantin ses yeux malicieux et son sourire incroyable. Elle n'aurait pas pensé la croiser ici.

 - Alors Elleynah, tu me présentes tes nouveaux amis ?


Elle faisait semblant de ne pas remarquer l'atmosphère tendue.

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La première chose qu’il remarqua fut la façon dont la femme se déplaçait. Chacun des mouvements semblait calculé, tout n’était que fluidité, harmonie et contrôle parfaits. Tout dans sa façon de se tenir face à lui, même sans aucune arme à la main ou offensive apparente, témoignait d’une garde parfaite. Alec était si habitué à voir cette garde permanente dans les Marches du Nord qu’il la reconnut tout de suite. Mais si la femme avait tout d’une guerrière et possédait une force silencieuse à l’instar des Frontaliers, elle en était également très différente.

Son habillement n’était pas celui d’une combattante de l’armée de Gwendalavir ou des garder d’Al-Vor. Et ses vêtements étaient trop adaptés à son corps et au voyage pour n’être que des habits de randonnée. Si elle portait une armure, celle-ci n’était pas celle d’une chevalière non plus. Mais alors, si elle n’était ni soldate Alavirienne ni Frontalière et de toute évidence pas guerrière Thüle, ceux-ci dégageant une tout autre énergie, il ne restait qu’une seule option. Le mot filtra comme une évidence dans son esprit.

Marchombre.

Alec n’avait croisé que peu de fois les membres de cette Guilde très secrète. Il n’en connaissait pas beaucoup sur eux, mais l’impression qu’avait laissée sur lui l’amie de sa mère, Alyanna Tallarden, était forte. Cette femme dégageait la même énergie qu’Alyanna, tout en étant particulièrement singulière.


Alyanna rendait parfois, rarement, visite à Élia, la mère d’Alec, à leur ferme près de la Citadelle. Elles étaient amies de longue date et Alec la connaissait depuis l’enfance. Elle ne restait jamais longtemps et partait de la même façon qu’elle arrivait : sans faire un bruit, comme si la brume descendue des montagnes l’avait apporté le matin et reprise le soir venu.

Le peu qu’il savait des Marchombres, il le savait d’elle. Et s’il savait une chose, c’était qu’aucune règle, à part celle de l’harmonie, ne régissait la vie d’une Marchombre. Et puisqu’aucune autre règle ne s’applique, aucune Marchombre n’est identique et tout est incertain. Le Frontalier ne sous-estimait jamais un adversaire, quel qu’il soit, et il savait aussi reconnaitre une combattante lorsqu’il en croisait une. D’autant plus qu’une Marchombre est également promesse d’une adversaire redoutable en soi.

Alec avait abaissé son arme, ne pointant plus la Marchombre, mais gardait toujours son arc à la main. Non pas qu’il ait besoin d’une arme pour se battre, au contraire. Un Frontalier n’a pas besoin d’une arme pour combattre. Il est une arme. Et toute Marchombre fut-elle, lui-même était Frontalier. Elle dansait sur la brume et chantait avec les étoiles, lui battait au même rythme que la terre et respirait d’un seul et même souffle que la lame de son sabre.

[lisy]« Je ne savais pas que les loups du nord et les frontaliers faisaient partie de la faune incroyable de cette forêt. Je crains cependant de n’être comestible pour aucun de vous deux. »[/list]

Alec resta immobile, observant l’expression de la Marchombre, tentant d’y lire ses intentions. Elle avait parlé avec humour, mais sa voix en était dénudée. Elle était visiblement sur ses gardes, tout comme lui. Alors qu’ils se jaugeaient silencieusement, elle reprit la parole, ne s’adressant cette fois pas à lui.

    « Loucian, descends et viens derrière moi. »


Bien qu’elle ait parlé à voix basse, Alec perçut chacune de ses paroles avec clarté. Le Frontalier leva aussitôt les yeux vers un arbre au fond de la clairière duquel descendait une adolescente aux cheveux sombres. Alec devina qu’il s’agissait de l’apprentie de la Marchombre. Il ne connaissait rien du processus pour devenir marchombre, mais Alyanna avait déjà évoqué son maitre, une fois, lors d’une de ses visites.

Loin de posséder les capacités de son mentor, la jeune femme mit un moment à descendre de l’arbre. Alec du reconnaitre la témérité et l’endurance de la jeune fille en la voyant procéder. Elle n’était pas habituée à grimper aux arbres, c’était visible, mais elle avait tout de même atteint une hauteur considérable et, malgré ses prises mal assurées, elle descendait avec détermination.

Alec tressaillit lorsque l’adolescente rata sa prise, et tomba au sol, heureusement sans gravité. Lui qui avait reçu un entrainement rigoureux et sans pitié, il avait du mal à voir une jeune fille manquée de peu de se blesser dans pareil exercice. Cela devait venir du fait qu’il n’était pas que Frontalier, mais également grand frère. Même une mouche ne pouvait s’approcher de Daerys, sa petite sœur, et visiblement, son penchant protecteur s’élargissait à un public plus général. Pourtant, il ne bougea pas. La situation de l’apprentie de la Marchombre ne le regardait absolument pas.

La jeune fille vint se poster derrière son maitre, se frottant le bas du dos, puis sembla alors remarquer sa présence et celle d’Écho. Elle le fixa alors avec intensité et il lui rendit son regard.

Les épaules du Frontalier se décontractèrent imperceptiblement. Il décrocha sa flèche de son arc et la rangea dans son carquois accroché dans son dos sans lâcher les deux femmes des yeux. Ce mouvement eut pour effet de calmer un peu Écho. L’énorme loup tourna les oreilles vers lui, ne lâchant pas non plus l’inconnu de ses yeux ambrés, mais c’était bon signe. Il avait son attention et il n’attaquerait que si provoqué… ou si Alec attaquait en premier. La dernière option n’était pas près de se voir réaliser.

Comme si le temps était quelque chose d’extensible et qu’aucun moment n’était passé, le Frontalier répondit aux paroles de la femme.

    « Une Marchombre n’est pas une proie que l’on peut chasser facilement, même pour un Loup du Nord. »


Elle l’avait identifié, avec raison, en tant que Frontalier. Si elle l’avait perçu à jour aussi rapidement, maintenant, elle savait également qu’elle n’était pas la seule. Sur ce même pied d’égalité, et dénudé de toute hostilité, Alec hocha la tête en signe de présentation.

    « Alec Ezilea. Archer des Marches du Nord. Mon compagnon se nomme Écho. »


La présentation formelle est sacrée chez les Frontaliers. Se présenter ainsi est un gage de bons sentiments. À quoi sert-il de communiquer son identité à quelqu’un qui sera bientôt mort, sinon?

Écho grogna légèrement, ce qui au vu de sa taille démesurée, sonnait un peu comme un roulement de tambour très grave dans l’écho de montagnes. Alec modifia sa position, avançant pour se placer devant l’épaule du loup. Leur communication était principalement silencieuse, mais efficace. Alec réaffirmait sa position de non-agression et Écho baissa aussitôt la tête, son museau venant frôler le sol encore givré de la forêt. Il lui signifiait qu’il avait compris. Alec fut intérieurement fier de lui. Le loup n’aimait pas les étrangers, particulièrement être près d’eux ou les croiser sur la piste d’une proie… mais il réagissait bien. La dernière chose qu’il voulait voir arriver était qu’Écho attaque quelqu’un et se fasse blesser, ou pire, dans le processus.

Écho et lui avaient une relation toute particulière. Si Alec était en position d’autorité, en tant que chef de meute d’Écho, il n’était pas en position de « domination » comme on pouvait l’entendre généralement avec un chien et son maitre. La différence était simple : Écho était libre et n’appartenait pas à Alec. Ils étaient partenaires, compagnons d’armes, frères de meute. Une simple nuance relationnelle qui faisait toute la différence.

Ses sens l’avertirent d’une nouvelle présence en même temps qu’Écho poussait un nouveau grognement, relevant violemment la tête en montrant les crocs. Alec tourna lui aussi la tête, sa garde s’étant rapprochée du manche de son sabre, accroché à sa ceinture, pour voir arriver, presque sur un pas dansant, une nouvelle jeune femme à la longue chevelure blonde. Elle se dirigea droit vers l’inconnue qui lui faisait face, un large sourire illuminant son visage.

    « Alors Elleynah, tu me présentes tes nouveaux amis? »


Alec émit lui aussi une sorte de grondement grave et Écho claqua des mâchoires visiblement peu satisfaites de la situation. Le loup se détourna un instant des trois inconnues et vint se mettre derrière Alec, de travers, puis fixa de nouveau son attention sur elles. Alec sembla comprendre et partager l’impression du loup : encore combien de Marchombres allaient apparaitre de derrière les arbres?

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Elleynah était sur ses gardes, mais elle n'en était pas moins calme. Son attitude n'était pas agressive, et le frontalier sembla le remarquer. La marchombre ne faisait pas un geste, attendant que son apprentie obéisse à ses ordres. Elle leva les yeux aux ciels lorsqu'elle entendit la chute, même si elle n'y assista pas. Loucian n'était pas montée assez haut dans l'arbre pour que la chute ait été grave. Et quelques secondes après, elle la sentit arriver derrière elle. Elle jeta un rapide coup d’œil vers elle, et fit une moue pensive en la voyant se frotter les fesses, et le sang sur sa main.

- Y a du boulot, soupira-t-elle, plus pour elle-même que pour son apprentie. Arrête de faire cette tête, si tu peux encore marcher c'est que tout va bien, poursuivit-elle d'une voie basse et calme, à l'intention de Loucian.

Mais elle se détourna rapidement d'elle pour se concentrer sur ce qui représentait le problème le plus immédiat. Le frontalier était allé se placer aux côtés de son loup, et ce dernier avait cessé de grogner. Il l'avait bien dressé, mais ça n'avait rien d'étonnant venant d'un homme du nord. Elle savait de quoi ils étaient capables, et ne doutait pas que le lien qui unissait le loup et l'homme étaient totalement indéfectibles. Ils en étaient à un stade où ils n'avaient pas besoin de se parler pour se comprendre. L'entière confiance, l'abandon total de l'un à l'autre. Elle ne put s'empêcher de trouver cette scène attendrissante. Il n'y avait rien de plus beau que de voir l'homme communier avec la nature.

Le silence semblait s'être éternisé, comme si ils étaient perdus dans leurs pensées respectives, jaugeant la valeur de leurs adversaires. Elleynah n'était pas sûre qu'elle aurait le dessus avec ses poignards, si elle avait à se battre contre les deux à la fois. Mais elle avait quelques petits secrets qui pourraient l'aider, comme par exemple le chant marchombre. Mais elle n'avait aucune envie de s'en servir, d'abord parce qu'il était trop tôt pour que son apprentie le découvre, et ensuite parce que les seules fois où elle l'utilisait, c'était lorsqu'elle était vraiment en colère. Et personne ici n'avait envie de la voir en colère. Pas même elle. Presque heureusement, le frontalier prit la parole.

- Une Marchombre n’est pas une proie que l’on peut chasser facilement, même pour un Loup du Nord. Alec Ezilea. Archer des Marches du Nord. Mon compagnon se nomme Écho.

Le sourire d'Elleynah éclaira son visage. En lui montrant qu'il savait lui aussi qui elle était, il venait de les mettre sur un pied d'égalité. Et c'était très bien ainsi. En lui dévoilant son nom entier, il lui avait montré qu'il n'était pas leur ennemi. La marchombre n'avait jamais eu l'occasion de rencontrer ce frontalier auparavant, malgré ses nombreux séjours à la citadelle. Pourtant, elle avait l'impression qu'il lui était familier, peut être parce qu'il avait cette façon d'être, ce charisme, cette gestuelle qui étaient propre à tous les frontaliers. C'était un peu comme pour les marchombres : ils étaient tous différents, mais tous semblables. Elle s'apprêtait à répondre, lorsqu'elle porta sa main à son arme. Instinctivement, elle avait levé un bras devant Loucian.

Elle perçut un chant qui lui était familier, et puis une blonde pleine d'énergie fit son apparition. Elle la reconnut immédiatement, et si elle fut surprise de sa présence ici, elle n'en montra rien. Elleynah lâcha son arme et croisa ses bras sous sa poitrine. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas vu Anahkee, mais les deux femmes avaient une relation très particulière. Elleynah était une grande amie du maître d'Anahkee, et elle l'avait vu grandir et progresser dans la voie. Elles n'avaient pas tardé à nouer des liens très forts. Le maître de la blonde faisait parti des quelques marchombres qui ne s'étaient pas opposés à ce qu'elle entre dans la guilde lorsque ses origines avaient été mises à jour. Si Anahkee ne connaissait pas toute l'histoire, elle en savait assez pour que la rouquine soit sûre de pouvoir lui faire confiance.

- Alors Elleynah, tu me présentes tes nouveaux amis ?

La rousse resta immobile mais un air narquois s'empara de son visage.

- Ça t'arrive souvent de te balader dans la forêt comme ça Ana ? Tu ne verras pas grand chose si tu fais autant de bruit. Je ne pensais pas te trouver si près du sud.

Elle lui fit un clin d'oeil complice, posant une main amicale sur son épaule, et se tourna vers le frontalier, qui semblait moyennement content de se trouver face à deux marchombres et demi - on ne pouvait pas encore considérer Loucian comme tel, surtout si on savait que son entraînement venait à peine de commencer.

- C'est un plaisir Alec. Je viens régulièrement à la citadelle, pourtant je ne crois pas t'avoir déjà croisé. Je m'appelle Elleynah. Elleynah Bàthory.

Elle n'avait pas l'habitude de donner son nom de famille. Ça avait tendance à la mettre dans des situations difficiles, lorsqu'elle était face à des gens qui connaissaient un peu sa famille. Elle espérait que ce n'était pas le cas ici. Mais il lui paraissait légitime de répondre ainsi au frontalier, même si elle n'en n'était pas une.

- Et voici ma jeune apprentie, Loucian. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais il serait peut être mieux que nous allions discuter à l'extérieur de la forêt, autour d'un bon petit déjeuner ?

Elle fit un sourire en coin à Loucian. La dernière partie de sa phrase lui était tout particulièrement destinée. Elles reprendraient l'entraînement dés qu'elles seraient à nouveau seule. Pour l'instant, la petite avait de la chance, mais la marchombre saurait se montrer assez dure avec elle pour rattraper le retard qu'elles avaient déjà pris.

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Et voilà que je semble bien ridicule, parce qu'en plus d'être tombée devant mon maître, j'ai un petit public rien que pour moi, c'est parfait dit donc ! Seulement mon offense part bien vite quand mon regard croise celui de l'homme qui nous fait face. Je suis comme hypnotisé et j'en défis les lois de la courtoisie en l'épiant sans aucune honte.
- Y a du boulot, j'entends mon maître souffler. Arrête de faire cette tête, si tu peux encore marcher c'est que tout va bien.
Je tourne la tête vers elle posant mes mes sur mes hanches.
- Je ne fais pas cette tête parce que j'ai mal ! Je fais cette tête parce que je suis curieuse de savoir qui nous fait gentiment face !
Mmmh, je vais peut-être regretter de lui parler ainsi, mais le fait est que cela m'irrite qu'elle pense que je suis en train de gémir. J'ai mal aux fesses, mais ce n'est pas une douleur inconnue. Je suis déjà tombé avant, je ne suis pas si faible que cela.
- Une Marchombre n’est pas une proie que l’on peut chasser facilement, même pour un Loup du Nord.
Un loup du Nord ? C'est ainsi ce qu'est l'animal qui lui tient compagnie. Je le regarde fasciné. Combien de fois ma mère m'a raconté l'histoire de ce loup qui nous a sauvé la vie alors qu'elle était enceinte de moi. J'ai toujours rêvé d'en voir un, et maintenant c'est chose faite.
- Alec Ezilea. Archer des Marches du Nord. Mon compagnon se nomme Écho.
Je reporte mon attention sur  l'homme.
Alec Ezilea.
Je me promets de retenir ce prénom, premier d'une longue liste de croisements sur la toile que je tisse timidement pour le moment, mais qui en quelques jours prend plus de forme que celle que j'ai mené toute ma vie à Al Vor. Cependant, je n'ai pas le temps d'être nostalgique alors que je vois parfaitement la marchombre se tendre de nouveau. Portant une main devant moi dans un geste protecteur, je tourne la tête, suivant le regard de mon maître. Ma respiration se fait plus rapide, mon cœur bat plus vite. Niveau action, je suis aussi beaucoup plus servi.
Cependant, alors que j'imagine une bête féroce ou un ennemi des plus dangereux, ce n'est autre qu'une fille qui se laisse voir soudainement. Elle ne paye pas de mine comme ça. Le visage gracieux, les cheveux blonds, je pourrais presque dire qu'elle fait partie d'une certaine noblesse. Seulement ses vêtements sont différents, et sa gestuelle. Je ne l'ai vu qu'une fois, mais je crois que je commence à remarquer les similitudes.
Marchombre.
La réaction d'Elleynah ne fait que confirmer ce que je pense. Elle se détend tout de suite et croise les bras autour de sa poitrine, geste presque familier maintenant.
- Alors Elleynah, tu me présentes tes nouveaux amis ?
Tient, en plus de faire partie de la même guilde, elle semble se connaître personnellement. Seulement, je me demande si tous les marchombres ne se connaissent pas à vrai dire ?
- Ça t'arrive souvent de te balader dans la forêt comme ça Ana ? Tu ne verras pas grand chose si tu fais autant de bruit. Je ne pensais pas te trouver si près du sud.
Alors que les femmes conversent, je lance un coup d’œil à Alec qui se trouve, tout comme moi, au rang de la figuration. Finalement, Elleynah se tourne vers nous, on formerait presque une ronde amicale mais, je pense pas que ce soit vraiment le genre de la maison.
- C'est un plaisir Alec. Je viens régulièrement à la citadelle, pourtant je ne crois pas t'avoir déjà croisé. Je m'appelle Elleynah. Elleynah Bàthory. Et voici ma jeune apprentie, Loucian. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais il serait peut être mieux que nous allions discuter à l'extérieur de la forêt, autour d'un bon petit déjeuner ?
Dès qu'elle parle de petit déjeuner, j'oublie tout. En vérité, je crois que je suis affamée. Mon ventre commence même à se tordre, se rappelant à ma petite personne. Je crois qu'il faut un peu détendre l'atmosphère. Je suis petite, jeune, au pire on me prend déjà pour une idiote d'être tombée alors bon.
- Pas la peine de poser la question, bien sûr qu'on va discuter. Certes c'est difficile de discuter la bouche pleine mais si jamais, je m'occupe de manger pendant que vous racontez vos vies !
Je tapote légèrement mon menton avec mon index avant de prendre une légère impulsion pour me retourner. Je commence à avancer vers le lieu de "rendez-vous" si je puis dire. Mon charisme n'y fera pas grand-chose je pense, mais je suis certaine qu'ils vont me suivre.

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- Ça t'arrive souvent de te balader dans la forêt comme ça Ana ? Tu ne verras pas grand chose si tu fais autant de bruit. Je ne pensais pas te trouver si près du sud. 

En entendant cela, Anahkee était descendue de sa monture. Elle avait bien vu le clin d'oeil complice d'Elleynah, et la main amicale qu'elle posait sur son épaule lui rappelait de bons souvenirs. Elleynah avait été à la fois sa complice en promettant de taire à Ahsen des tentatives idiotes de le surprendre, et à la fois un deuxième bourreau dans certains exercices lors de l'apprentissage de notre blonde préférée. Elle avait été la preuve que les marchombres étaient tous différents, à l'époque où Anahkee tentait plus de ressembler à Ahsen que de suivre sa voie. Elleynah était, après Ahsen, la personne en qui Anahkee avait le plus confiance. Sa présence tranquille suffisait à l'apaiser.

- Et où tu pensais me trouver ? A t'attendre sagement en centre ville ?


Anahkee lui rendit son clin d'oeil. L'homme et son compagnon canins avaient l'air moins enthousiastes, mais il fallait les comprendre. Rien ne pouvait leur garantir les bonnes intentions des marchombres ci-présentes. La marchombre avait nettement perçu le grognement de l'animal, ainsi que son mouvement de rapprochement vers l'homme. Anah refusait de perdre de vue ce duo dangereux. En ce qui concernait l'autre jeune fille, Anahkee ne mit pas très longtemps à comprendre qu'il s'agissait de l'apprentie de son amie. Il suffisait de croiser le regard de l'élève pour lire l'administration du maître.

- C'est un plaisir Alec. Je viens régulièrement à la citadelle, pourtant je ne crois pas t'avoir déjà croisé. Je m'appelle Elleynah. Elleynah Bàthory. Et voici ma jeune apprentie, Loucian. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais il serait peut être mieux que nous allions discuter à l'extérieur de la forêt, autour d'un bon petit déjeuner ?

Anahkee hocha la tête, comme pour signifier qu'elle avait bien saisi toutes les informations données par son amie. Elle se tourna alors dans un premier temps vers le Frontalier.

- Alec ?
Elle inclina la tête en signe de respect. Moi c'est Anahkee Kayrän, enchantée ! Vous avez un compagnon impressionnant, j'en avais jamais vu de tel.

Et alors qu'elle tournait la tête vers l'apprentie de son amie, celle-ci prit la parole. Au moins elle ne semblait pas intimidée. Restait à savoir s'il s'agissait d'une qualité...

- Pas la peine de poser la question, bien sûr qu'on va discuter. Certes c'est difficile de discuter la bouche pleine mais si jamais, je m'occupe de manger pendant que vous racontez vos vies !

La blondinette éclata de rire. Cette petite lui plaisait bien, elle n'avait encore rien perdu de la fraîcheur des nouvelles recrues. Plus tard, elle se montrerait peut-être moins prompt à manger, et plus à se défendre, mais au moins ça faisait rire et détendait l'atmosphère. En plus, elle semblait déjà partir en direction d'un repas. Cela fit sourire Anahkee. Elle doutait qu'Elleynah apprécie beaucoup que son apprentie prenne ce genre d'initiatives, tournant le dos à deux inconnus et un chien/loup par dessus le marché.

- Elle me rappelle... Moi, il y a quelques années !
Commenta la marchombre avant de tirer doucement sur les rênes d'Epona pour se rapprocher sans pour autant prendre vraiment la suite de Loucian. Je vote pour le bon petit-déjeuner, personnellement !

Elle regardait tour à tour sa vieille amie et l'inconnu au loup/chien, guettant leur approbation, prête à les suivre. Son éternel sourire ne lui faisait pas défaut.

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L’attitude des trois Marchombres se révélait rapidement comme non agressive. Alec n’était pas le meilleur pour gérer la question sociale en groupes, avec son penchant relativement important pour l’isolement, mais la situation ne le dérangeait pas outre mesure. Bien sûr, il détestait être surpris, lui qui remarquait normalement le moindre bruissement dans les arbres ou la forêt. Cela lui donnait le sentiment d’être en danger et de ne pas maitriser la situation. Ça devait être dû à l’exposition permanente au pied de guerre de la Citadelle.

Malheureusement pour lui, les Marchombres maitrisaient l’art d’apparaitre de nulle part. Visiblement, même les Marchombres pouvaient être surpris pas d’autres Marchombre, au vu de l’attitude d’Elleynah juste avant l’arrivée de la jeune Marchombre blonde. Son geste de protection envers son apprentie ne passa pas inaperçu aux yeux d’Alec.

Quoi qu’il en soit, la tension retomba rapidement, seulement maintenue par les légers grognements réguliers d’Écho. Le loup grognait encore après Ayden, son ami Thül qui séjournait chez lui, même après des semaines de colocations. À moins de posséder des charmes magiques, les marchombres étaient loin d’avoir gagné la confiance d’Écho.

La Marchombre salua la nouvelle venue avec chaleur puis se retourna vers Alec.

    « C'est un plaisir Alec. Je viens régulièrement à la citadelle, pourtant je ne crois pas t'avoir déjà croisé. Je m'appelle Elleynah. Elleynah Bàthory. »


Le Frontalier hocha la tête, ses yeux vert clair s’allumant d’une étincelle d’intérêt. Comme certains se plaisaient à le dire, on pouvait sortir un Frontalier des Marches, mais pas les Marches d’un Frontalier. Entendre parler de la Citadelle était une joie pour lui. Malgré qu’il apprécie grandement son premier voyage au sud de l’Empire, ses montagnes et des forêts du nord lui manquaient. Alec était de ceux qui avaient vu le jour dans les Marches du Nord et qui ne pouvait concevoir mourir ailleurs.

    « Enchanté Elleynah. »


    « Et voici ma jeune apprentie, Loucian. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais il serait peut-être mieux que nous allions discuter à l’extérieur de la forêt, autour d’un bon petit déjeuner? »


Le Frontalier hocha la tête en signe de respect vers Loucian.

    « Heureux de faire ta connaissance, jeune apprentie. »


Avant, Alec caressait le rêve d’être professeur, ou même maitre d’armes en archerie et en cavalerie à la Citadelle, mais ses aspirations, comme beaucoup d’autres choses, avaient eu une fin abrupte avec la mort de Yaän, son frère cadet. Quoi qu’il en soit, Alec n’aurait pas été l’un de ces professeurs suffisants et supérieurs. Il respectait les jeunes en formation, ne comprenant pas comment on pouvait attendre du respect de quelqu’un sans d’abord lui donner le sien.

Alec hésita à accepter la proposition d’Elleynah, songeant à la proie qu’il traquait depuis un bon moment déjà, et la promesse de viande fraiche rapportée pour leur début de voyage à lui et Nirina. En même temps, avec tous ces gens dans le coin, Marchombre ou pas, ainsi que le bruit de leur discussion, toutes les proies des alentours devaient s’être envolées. Il lui faudrait bien une heure pour que les Siffleurs reviennent et qu’il retrouve une piste digne d’être traquée.

Avant qu’il n’ait pu porter sa réflexion plus loin, la Marchombre à l’impressionnante chevelure blonde se présenta elle aussi.

    « Alec? Moi c’est Anahkëe Kayrän, enchantée! Vous avez un compagnon impressionnant, j’en avait jamais vu de tel. »


La phrase fit sourire Alec, ce qui pouvait pour un instant faire oublier la balafre qui barrait le côté gauche de son visage. Écho était l’un des rares sujets qui fasse automatiquement sourire le Frontalier.

    « C’est un plaisir de vous rencontrer également, Anahkëe. Écho vous remercierait probablement, mais je crains qu’il n’apprécie pas beaucoup la présence d’étrangers. Vous n’avez cependant aucune crainte à avoir de lui. »


La conviction dans la voix d’Alec aurait suffi à rassurer à peu près n’importe qui. C’était devenu une habitude que de poser des paroles rassurantes au sujet d’Écho aux étrangers qu’ils croisaient. La grande majorité, sinon la totalité des gens, s’en méfiait ou le craignaient tout simplement. Certains en venaient même à être agressifs, ce qui malheureusement ne pouvait que mal finir pour l’un et l’autre des partis.

    « Pas la peine de poser la question, bien sûr qu’on va discuter. Certes c’est difficile de discuter la bouche pleine mais si jamais, je m’occupe de manger pendant que vous racontez vos vies! »


Anahkëe éclata de rire et acquiesça elle aussi à l’invitation. Alec esquissa un sourire en coin en regardant la jeune apprentie Marchombre se diriger résolument vers son petit déjeuner et répondit à Elleynah.

    « Ce serait dommage de dire non à tant d’enthousiasme. »


Il lui indiqua d’un geste de passer devant, préférant rester à l’arrière, un peu à l’écart, à cause d’Écho. Le chien-loup risquait fort de ne pas apprécier de se retrouver au milieu d’une queue-leu-leu d’inconnues…

Alec profita de leur cheminement vers la plaine pour ramener le sujet de la Citadelle sur la table.

    « Vous avez dit fréquenter régulièrement la Citadelle, Elleynah? Je crains ne pas vous reconnaitre non plus. Vous y rendez visite à quelqu’un? »


La possibilité qu’elle y ait des amis était beaucoup plus grande que celle où elle viendrait profiter de l’hospitalité des Frontaliers. S’ils n’en étaient pas complètement dénudés, ils figuraient probablement en bas de la liste des peuples de Gwendalavir.

Alec ne l’avait jamais croisé, ce qui n’était pas des plus étonnants non plus. La grande majorité des Frontaliers vivaient dans l’enceinte de la Citadelle, mais pas Alec et sa famille. Les Ezilea possédaient une ferme non loin des murs de la Citadelle. Également, depuis 5 ans, Alec passait le plus clair de son temps dans la forêt en patrouille ou sur les lignes de combat. Éviter les regards entendus et les mots prononcés à voix basse dans les couloirs de la Citadelle était plus ou moins devenu une habitude.

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Elleynah fixa son apprentie avec un petit air moqueur, sans pour autant prendre la peine de lui répondre. Elle aurait le temps de lui apprendre la douleur bien assez rapidement. Rien ne pressait. Une chose était sûre : Loucian et Elleynah étaient nées pour devenir maître et élève, elles étaient nées pour s'entendre et pour faire un bout de chemin ensemble. La jeune fille était pleine d'énergie, et il ne faisait aucun doute qu'elle progresserait rapidement. La marchombre avait des projets très précis la concernant, et elle avait hâte de pouvoir mettre à exécution tous ses plans, à un degrés de machiavélisme plus ou moins élevé. Elle apprendrait vite à son élève que les entraînements qu'elle lui ferait faire dépendraient de son humeur du jour. Elle aurait pu être contrariée par la rencontre matinale, qui anéantissait quelque peu ce qu'elle avait prévu. Mais l'imprévisible comptait parmi les choses qu'elle aimait le plus. Enfin, tant qu'elle ne se retrouvait pas avec un couteau sous la gorge.

- Et où tu pensais me trouver ? A t'attendre sagement en centre ville ?

Elleynah répondit par un sourire, mais plongea un instant son regard dans celui de la marchombre, après s'être présentée au frontalier. Elle avait des choses à dire à son amie, et quelque part, cela tombait bien qu'elles se soient rencontrées. Personne ne pouvait prévoir les mouvements des marchombres, qui dépendaient souvent de leur humeur ou de leurs envies. Lorsqu'elles se croisaient, souvent par hasard, Elleynah était toujours contente de la voir. Elle avait de nombreux souvenirs la concernant, et ils étaient tous heureux.

- Certainement pas. Tu sais bien que j'évite les centre-villes.

D'un bref coup d’œil, Elleynah lui signifia que lorsqu'elles seraient seules, elles auraient à parler. A la suite des présentations, la proposition d'Elleynah sembla faire l'unanimité. Loucian partit la première, sous le regard attentif de son maître, qui n'avait pas perdu son petit sourire. La petite avait du cran. Et cela lui attirerait de nombreux problèmes, mais lui permettrait de se sortir de situation bien pire encore. Tout le monde sembla amusé par les pas décidés de Loucian, et les adultes présents ne tardèrent pas à faire de même. Alec fit signe à la rousse de passer devant lui, et Elleynah tourna rapidement les talons, pour ne pas perdre son apprentie des yeux.

- Vous avez dit fréquenter régulièrement la Citadelle, Elleynah ? Je crains ne pas vous reconnaitre non plus. Vous y rendez visite à quelqu’un ?

Elleynah se faufila souplement sous une branche basse. Elle se déplaçait silencieusement, précédée par Anahkee, et par Loucian, qu'elle tâchait de surveiller. La forêt était dangereuse, et même si il y avait peu de chances qu'ils rencontrent quoi que ce soit avec tout le bruit qu'ils avaient fait, la prudence était de mise lorsque l'on avait la charge d'une débutante qui ne savait encore rien des rudiments de la voie. Lorsqu'elle serait un peu plus à même de se débrouiller, elles se rendraient ensemble dans la citadelle, et Elleynah présenterait son élève à son amie. Elle avait hâte de voir sa réaction.

- Oui, en effet. Je suis une vieille amie de Syane Ril'Devah. Cela fait plus de dix ans que je la connais et que je me rends dans les Marches du Nord. Mais le monde des Frontaliers est vaste et impressionnant. Je ne pense pas pouvoir en faire le tour un jour.

La marchombre marqua une pause, sans s'arrêter de marcher. Elle avait une envie presque irrépressible de bondir, s'agripper aux branches, se hisser au sommet, et caresser le ciel du bout des doigts. Mais elle n'avait pas besoin de réprimer son envie. Son corps tout entier criait son besoin indécent de se dégourdir après les deux dernières journées plates qu'elle avait passé. Pas de combat, pas de hauteurs. Elleynah regrettait presque de ne pas être poursuivie pas des mercenaires du chaos. Elle grimaça, et se tourna vers le frontalier en lui adressant un sourire plein de charme.

- Finalement, je crois que je vais passer par en haut. On se retrouve à la sortie !

Pour illustrer ses paroles, elle fit un vague geste de la main. La lisière des arbres n'était pas très loin, et c'était pour cette raison que la marchombre s'était permis une telle fantaisie.

- Ana ?

La question qu'elle n'avait pas prononcé était pourtant bien clair. Elle invitait l'autre marchombre à se joindre à elle. Cependant, elle n'attendit pas de réponse de sa part, ni même de la part du frontalier. D'un geste aussi rapide que souple, elle se hissa sur une première branche, puis sur une deuxième. Juste avant de disparaître, elle ajouta quelque chose, à l'attention de son élève :

- Veille à ne pas faire de bêtises pendant que je n'ai plus le regard fixé sur toi, d'accord ? Et prend ton temps. La nourriture ne va pas s'envoler, promis !

Elle lui fit un clin d'oeil et les denses feuillages l'engloutirent totalement. Elle sentit différentes émotions secouer son âme, tandis que ses muscles répondaient à chacune de ses attentes. Elle ne monta tout de même pas trop haut, restant à l'affût d'éventuels cris poussés par son apprentie. Mais elle savait qu'il n'y avait pas de danger. Seul le loup pouvait représenter une menace potentielle, mais la marchombre savait qu'il ne ferait pas de mal tant qu'Alec ne courrait aucun risque. Ses doigts crochetaient le bois avec agilité, elle bondissait même sur les branches les plus fines, et le vent se mêlait doucement à elle, joyeux. Elle progressait à une vitesse folle, et bientôt, elle se laissa tomber hors du couvert des arbres. Elle n'avait pas oublié qu'elle était accompagnée par trois autres personnes, qui étaient peut-être déjà là, où qui ne tarderaient sûrement pas. Mais elle ne les voyait pas. Ses yeux brillaient.

Rêve qui s'élance,
Ombre effacée,
Plénitude.

descriptionLoups en terre de fauves EmptyRe: Loups en terre de fauves

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