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Les retrouvailles [Syane & Elleynah]

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Ce qu'Elleynah aimait particulièrement dans sa relation si particulière avec Syane, c'était la façon qu'elles avaient de pouvoir parler en dédramatisant tout. Si on les écoutait, plus rien n'était grave, et le monde entier n'était qu'un immense terrain de jeu. Un terrain de jeu dont la marchombre ne pouvait plus se passer. Elle n'avait aucune idée de ce que les prochaines semaines, les prochains mois lui réservaient, mais elle allait continuer à aller partout où le vent la guiderait.

Elle savait que comme toujours, son voyage lui réserverait de bonnes et de mauvaises surprises, mais elle attendait les deux avec impatience. Elle apprenait toujours de ses succès, et encore davantage de ses erreurs. Chaque jour elle était un peu meilleure que la veille, et un peu moins bonne que le lendemain. Même si elle ne progressait pas forcément autant qu'avant, elle réussissait de petits exploits qui la poussaient toujours un peu plus loin sur la voie.

Mais elle ne se faisait aucune illusion. Elle était bien loin d'avoir atteint un niveau satisfaisant, même si elle s'en rapprochait de plus en plus et qu'elle ne pouvait pas se penser mauvaise. Elle essayait d'être objective avec elle-même pour pouvoir toujours repousser un peu plus ses limites. Certains disaient qu'elle se jugeait trop sévèrement. Et elle pensait que l'on n'est jamais assez sévère avec soi-même.

- On peut vérifier ça à la première occasion si ça te chante, et on pourra améliorer ton score de Raïs par la même occasion.

Le sourire d'Elleynah s'agrandit, alors que dans ses yeux, une flamme sauvage se mit à briller. Syane la connaissait si bien. La marchombre ne refusait jamais un défi, surtout lorsqu'il était aussi intéressant que celui-ci. Les seules fois où elle déclinait un combat, c'était lorsqu'elle jugeait qu'il n'était pas équilibré. Pour ses adversaires, bien sûr. Se mesurer à quelqu'un ou quelque chose de plus fort qu'elle n'apportait que du positif.

La marchombre ne répondit cependant pas tout de suite. Syane était habituée aux combats contre les raïs, et Elleynah n'avait aucune chance de la battre à ce jeu là, même si elle se défendait honorablement. Elleynah se pencha sur la table. Un léger sourire flottait toujours sur ses lèvres, mais elle semblait plus pensive. Elle plongea son regard de braise dans celui de son amie et appuya son menton sur son poing fermé.

- Hum... Je suis d'accord, mais seulement si on fait un RDC.

RDC était le nom qu'elles avaient donné pour désigner leurs - nombreuses - joutes. Cela signifiait Raïs-Duel-Course. Elles en faisaient presque à chaque fois qu'elles se voyaient, mais en l’occurrence, cela faisait si longtemps qu'elles ne s'étaient pas vues que l'idée enthousiasmait particulièrement la marchombre. Leur dernier RDC remontait à plus d'un an auparavant, et depuis, aucune des deux n'avait pu apprécier les progrès de l'autres.

Elle se demandait si Syane allait accepter. Elle savait que son goût pour le combat était aussi prononcé que le sien, mais cela faisait si longtemps qu'elles ne s'étaient pas vues qu'Elleynah craignait toujours qu'elle ait changé entre temps. Il suffisait de peu pour qu'une personne devienne radicalement différente en quelques mois. Mais c'était la frontalière qui lui avait proposé le défi la première, alors elle imaginait qu'elle n'était pas vraiment différente.

- Essayons déjà de nous payer le luxe de la relative liberté, et si on entre dans la légende, ce ne sera que du bonus. Trinquons à notre liberté !

Elleynah se sentait incroyablement mieux. Elle était vraiment mal en point lorsqu'elle était arrivée à la citadelle, et elle n'était pas passée loin de la catastrophe. Une ombre traversa son regard. Elle ne l'avait dit à personne, mais parfois, l'idée de revenir à ses origines était tentante. Tout serait tellement plus simple si elle agissait ainsi. Mais c'était simplicité qui l'en empêchait. La marchombre n'aimait pas les choses trop simples. Elle trouvait cela sans le moindre intérêt. Et puis, il y avait aussi ses amis. Au final, c'était peut-être pour eux qu'elle n'avait jamais basculé. Oui, sûrement même. Elle lâcha un léger rire.

- Tu ne crois tout de même pas que je vais laisser le monde oublier mon nom ? Oui, à notre liberté, et à nos retrouvailles !

Elle retrouva un semblant de sérieux, bu une gorgée et reposa sa chope sur la table. Ses yeux brillants plongèrent dans ceux de Syane. Elle la regarda un instant en silence, puis reprit la parole.

- Tu m'avais manquée, Sysy.

Puis, presque immédiatement, d'un geste vif et fluide, elle sortit un couteau d'un de ses nombreux fourreaux et se mit à jouer avec, d'une main. Un air malicieux apparut sur son visage et elle baissa légèrement la tête, avec un sourire moqueur et un brin provocateur.

- Alors, prête ? A moins que tu aies peur que je te batte...

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Syane, qui souriait effrontément, tourna la tête dans sa direction avec un air un peu étonné qu’elle effaça bien vite. Le RDC était le petit nom qu’elles avaient donné à leur jeu préféré, il manquait totalement d’originalité quand on apprenait qu’il n’était rien d’autre que l’acronyme de Raïs-Duel-Course. C’était très probablement l’ultime raison qui avait fait qu’elle avait gardé entre elles, après la raison essentielle et évidente. Elles ne l’avaient pas inventé, pas vraiment, elles y avaient juste joué plus d’une fois avant que l’une ou l’autre finisse par lui donner un nom, qui avait obligatoirement donné lieu à un raccourci.

- Parce que tu pensais vraiment que je te proposais autre chose que ça ? dit-elle en essayant infructueusement de prendre l’air vexé.

Inutile de préciser qu’elle échoua pour le moins pitoyablement pour la deuxième fois de la journée. Même pour faire semblant, elle était tout simplement incapable d’en vouloir à Elleynah. Leurs verres s’entrechoquèrent violemment, mais Syane était rompue à l’exercice et pas une seule goutte ne s’échoua ni sur le sol, ni sur la table et encore moins sur leurs vêtements. La frontalière, observant son amie sans s’en cacher, voyait bien qu’elle n’était pas dans son état normal. Si elle ne s’en rendait pas vraiment compte, elle savait que sa propre situation n’avait pas grand chose d’enviable, même si elle ne l’aurait échangé pour rien au monde mais elle n’osait pas imaginer ce que devait ressentir la marchombre à propos de la sienne.

- Tu m’as manqué aussi, avoua-t-elle dans un souffle.

Elle savait qu’elle ne resterait pas longtemps. On ne pouvait pas attendre d’une personne comme elle qu’elle reste bien longtemps au même endroit, et jamais Syane n’aurait osé lui demander. Mais quelque part, elle espérait qu’aussi longtemps qu’elle reste, elle serait capable de lui faire oublier quelque peu ses problèmes, au moins pour un temps. Ce qui, se dit-elle en voyant son amie sortir une lame avec sin agilité habituelle, était peut-être déjà le cas.

- Eh, attends qu’on soit dehors, s'écriât-elle en rigolant. J’en connais un qui va pas être content si on abîme sa cuisine.

Elle vida le reste de sa chope —il ne restait de toute façon plus grand chose depuis qu’elle avait trinqué deux minutes plus tôt— et l’abandonna au centre de la table. Elle se leva, un peu brusquement, sautant par dessus le banc qui lui servait d’assise jusque là et fit face à la marchombre. Soudainement, elle avait l’air très sérieuse si on omettait qu’elle avait les yeux qui pétillaient.

- En théorie, tu ne devrais pas avoir le choix des armes, dit-elle en ayant clairement un truc derrière la tête, mais comme on a bu et que je tiens mieux l’alcool que toi, je t’accorde ça.

Et elle s’éclipsa dans l’escalier, un peu trop enthousiaste de commencer. Elle ne doutait pas qu’Elleynah allait la suivre vu qu’elle n’avait pas la prétention de penser pouvoir semer une marchombre de son niveau. De toute façon, elle faisait plus ou moins le bruit d’un troupeau de siffleur traversant un pont de bois au galop. Et puis, même si Elleynah ne venait pas souvent, la Citadelle ne changeait pas et elle devait probablement se souvenir du chemin. Elle déboula dans la Cour qui fort heureusement avait été déblayée de toute la neige. C’était indispensable pour laisser le champ libre aux jeunes Frontaliers qui s'entraînaient tous les jours. Traversant la Cour d’un bon pas, elle attrapa un couteau qui était rangé contre le mur, le soupesa et se retourna pour faire face à son amie.

- Redis-moi ça pour voir, dit-elle avant de se mettre en garde.

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Il y avait peu de personnes qu'Elleynah considérait comme étant des amis. La marchombre avait longtemps vécu dans un environnement où l'amitié n'existait pas. Elle avait grandi avec l'idée qu'il n'existait que des gens avec lesquels on pouvait collaborer et échanger des services, mais qu'il fallait toujours se méfier. Durant sa petite enfance, elle avait souvent traîné dans les rues de la cité du Chaos, accompagnée par d'autres enfants plus ou moins grands. Elle s'était battue à leurs côtés et contre eux, et n'avait eu aucun mal à comprendre ce qu'étaient la manipulation et la méfiance, ni comment se servir des autres. Elle était loin d'être idiote et avait eu de bons professeurs, qui s'étaient persuadés qu'elle aurait un avenir brillant, et qu'elle ferait une combattante extraordinaire et deviendrait sans nul doute l'une des meilleures envoleuses que Gwendalavir ait porté. Ils ne s'étaient pas trompés de beaucoup.

Ce n'était donc que lorsqu'Enyô l'avait prise sous son aile qu'elle avait découvert un nouveau genre relationnel. Il ne s'agissait plus d'écraser les autres, de s'en servir, de s'en méfier ou de les détester. Enyô lui avait appris à faire confiance. Pas à n'importe qui, mais à ceux qui le méritaient. Et ceux qui le méritaient étaient tous ceux avec qui elle se sentait bien, et qui ne lui ferait jamais de mal. C'était comme un travail d'équipe. Elle n'avait plus besoin de tout porter seule, mais avait des personnes qui l'accompagnaient dans son quotidien, et qu'elle accompagnait en retour. Elle avait découvert ce sentiment avec plusieurs personnes extraordinaires qui avaient croisé sa route. Des personnes qui avaient terminé de changer sa vision du monde. Et Syane en faisait largement partie.

C'était même plus que ça, en réalité. Elle avait noué des liens très fort avec quelques personnes qu'elle pouvait compter sur les doigts de ses mains, des liens indéfectible et parfois très particuliers, mais avec Syane, c'était encore différent. Depuis qu'elles se connaissaient, leur relation était restée la même, bien qu'elle se soit solidifiée avec le temps. C'était un peu comme deux meilleures amies, capables de tout partager, et de parler de n'importe quel sujet. Elles ne se voyaient pas souvent, mais à chaque fois elle retrouvait la même complicité. Peut-être était-ce comparable à une relation fraternelle. Elles se chamaillaient, se battaient, et prenaient énormément de plaisir à faire des joutes verbales, et étaient toujours là lorsque l'autre en avait besoin, prêtes à essuyer leurs larmes ou à partager leurs rires. En résumé, Syane était la première personne à laquelle Elleynah pensait quand elle sentait que la barrière entre harmonie et chaos se fragiliser dans son esprit, maintenant qu'il n'y avait plus Enyô pour l'aider à lutter.

Souvent, Elleynah luttait seule. Elle avait grandi comme ça, et ça faisait parti de ses valeurs, malgré tout les efforts et les concessions qu'elle pouvait faire. Bien sûr qu'elle s'était battue au côté de nombreuses personnes, et qu'elle ne dirait jamais non si un de ses amis lui demandait de l'aide. Mais elle avait toujours préféré régler ses problèmes seule dans la mesure du possible, parce qu'elle ne supportait pas l'idée de mettre en danger ceux qu'elle aimait. C'était sans doute dû à la culpabilité que la mort de son père puis celle de son maître avaient fait naître. Elle s'en voulait terriblement, parce qu'elle s'était persuadée qu'ils étaient tous les deux morts par sa faute. Même si la disparition de son père lui avait permis de devenir ce qu'elle était réellement, le regard qu'il lui avait lancé juste avant de mourir ne pourrait jamais s'effacer de sa mémoire.

C'était dans le regard de Syane, dans le sourire qu'elle lui lançait, qu'Elleynah réussissait à retrouver la force. Il lui permettait de se souvenir de pourquoi elle se battait. Elle se battait pour ces gens là, qui n'étaient pas nombreux, mais qui en valaient réellement la peine. On pouvait bien trouver tous les défauts du monde à la marchombre, rien ne comptait plus pour elle que les quelques personnes qui l'avaient soutenue, avaient appris à voir ce que les autres ne voyaient pas en elle, et avaient pris le risque de se battre pour elle. Pour la marchombre, la vie de ses amis était bien plus importante que la sienne, et elle savait que si elle avait à choisir, elle n'hésiterait pas l'ombre d'une seconde à s'empaler sur une lame plutôt que de la voir transpercer ceux qu'elle aimait. C'est en pensant à tout ça qu'Elleynah leva son verre en direction de son amie.

- Parce que tu pensais vraiment que je te proposais autre chose que ça ?

Elleynah ne put s'empêcher de rire devant la tentative infructueuse de Syane pour paraître vexée. En guise de réponse, elle se contenta de lui tirer la langue. Elles n'avaient pas mis longtemps après leur rencontre pour mettre en place leurs compétitions, auxquelles elles avaient attribué l'acronyme RDC, et qui étaient le divertissement qu'Elleynah affectionnait le plus. La marchombre adorait se battre, et le faire contre celle qu'elle considérait sans doute comme sa meilleure amie, et qui était un adversaire à sa hauteur, était un bonheur absolu. Lorsqu'elles entrechoquèrent leurs pintes, Syane n'en renversa pas une goutte, mais Elleynah laissa délibérément une partie du liquide s'échapper sur la table. Malgré sa rapidité et son agilité, elle savait que Syane tenait beaucoup mieux l'alcool qu'elle, parce que la frontalière était plus habituée, et que si elles buvaient autant, la marchombre partirait avec un désavantage.

- Tu m’as manqué aussi.

Elleynah se sentie immédiatement apaisée en entendant ces paroles. Elle était rassurée de voir que d'une visite à l'autre, Syane restait égale à elle-même, et que peu importe le temps  pendant lequel elles étaient séparées, elles finissaient toujours par se retrouver comme si elles ne s'étaient jamais quittées. A chaque fois, elle ressentait les mêmes émotions bénéfiques, et à chaque fois, elle était un peu plus persuadée que rien ni personne ne pourrait jamais les séparer. Et la marchombre voyait se dessiner la promesse d'un futur où elles continueraient de se battre comme deux enfants, même lorsque leurs visages seraient couverts de rides. Elleynah jouait avec la lame qu'elle avait sorti un peu plus tôt, et elle la faisait danser entre ses doigts comme si elle défiait toutes les lois physiques.

- Eh, attends qu’on soit dehors. J’en connais un qui va pas être content si on abîme sa cuisine. En théorie, tu ne devrais pas avoir le choix des armes, mais comme on a bu et que je tiens mieux l’alcool que toi, je t’accorde ça.

Elleynah finit de vider sa chope en souriant, en prenant son temps. Seulement alors, elle daigna lever le regard vers Syane, et plongea ses yeux ambrés dans ceux pétillants de son amie. Elle demeura ainsi, immobile pendant quelques secondes, un sourire presque moqueur sur les lèvres. Finalement, elle daigna se lever, les yeux baissés, les mains appuyées sur la table, et un rire secoua ses épaules. D'un seul coup elle releva la tête, un sourire jusqu'aux oreilles.

- Je n'ai pas besoin d'être sobre pour te battre, Sysy, souffla-t-elle.

Et elle vit la frontalière sortir de la cuisine, et d'un calme presque inquiétant, mais sans jamais cesser de sourire, la marchombre s'engagea à son tour dans les couloirs de la citadelle. Elle connaissait ce chemin par cœur. Elle ne venait pas souvent, mais curieuse de nature, elle avait déjà explorer la citadelle de fond en comble - sauf la vigie où une mystérieuse barrière l'empêchait de passer -, ombre parmi les ombres dans les couloirs, les tours, les escaliers et les salles. Elle était certaine que personne ne l'avait vue, ou peu de gens en tous les cas, et qu'il y avait des endroits interdits qu'elle avait violé plus ou moins délibérément. Elle n'était même pas sûre que Syane soit au courant. Enfin, il était peu probable que ses virées nocturnes lui aient échappée.

Elleynah était juste derrière Syane, parfois si près qu'elle aurait pu la toucher en tendant le bras. Elle se fit la réflexion que la frontalière avait vraiment la carrure d'une chef, et qu'avec leurs cheveux qui étaient quasiment de la même couleur, elles devaient se ressembler au point qu'on puisse les prendre pour deux sœurs. C'était d'ailleurs souvent que des frontaliers lui avaient posé la question, même si ils se connaissaient tous plus ou moins de vue. Et finalement, les deux jeunes femmes finirent par déboucher dans la cours principale de la citadelle, là où ils avaient l'habitude de s'entraîner. Elleynah s'arrêta au milieu, et vit Syane prendre un couteau, légèrement plus long que celui qu'elle avait choisi. La frontalière lui fit à nouveau face.

- Redis-moi ça pour voir.

Elleynah avait légèrement fléchi les genoux, et faisait toujours tourner son arme entre ses doigts, imperturbables. Autour d'elles, une foule commençait à se réunir, attirée par les éclats de voix des deux jeunes femmes. La marchombre se redressa, bloqua la lame entre ses doigts, et croisa les bras sous sa poitrine. Elle avait effacé son sourire pour rendre la scène plus prenante pour tous les spectateurs qui venaient s'agglutiner autour d'elles.

- Eh bien Syane Ril'Devah... Aurais-tu peur de te faire battre ?

L'ambiance était très étrange, presque pesante, même si ce n'était qu'un jeu pour les deux femmes. Elles s'amusaient, et cette ambiance faisait d'ailleurs partie de leur mise en scène, pour que tout soit parfait. Tout devait être parfait. Que le spectacle commence. Elleynah lâcha un petit rire entre ses lèvres closes, et d'un mouvement souple, elle envoya sa lame en l'air, dépliant ses bras. La lame retomba dans sa main, légèrement tendue vers son adversaire. Elle s'était remise en position de combat, et dans ses yeux brûlait une flamme ardente.


Spoiler :

descriptionLes retrouvailles [Syane & Elleynah] - Page 2 EmptyRe: Les retrouvailles [Syane & Elleynah]

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Syane n’était pas douée pour offrir son soutien dans les situations difficiles. Plus exactement, elle ne savait pas réconforter les gens. Elle savait manipuler les mots quand il fallait faire du sarcasme, mais pour trouver les mots justes dans les situations difficiles, elle était terriblement nulle. Haranguer en guise d’encouragement, se moquer élégamment, rétorquer sauvagement, rien ne lui posait problème, sauf les mots du réconforts. Elle ne savait jamais trouver les mots réconfortants. Peut-être parce qu’il était rare qu’elle se fasse elle-même réconforter. Elle ne parlait pas de ses problèmes et sans se refermer sur elle dans ces moments, elle avait tendance à préférer la solitude et les longues balades-méditations, plutôt que chercher du soutien auprès de ses amis. Pour les gens qui ne la connaissait pas assez, elle donnait un peu l’impression de n’avoir aucun problème et seulement des solutions. Ce n’était pas vrai, loin de là. Seulement, elle gardait ses problèmes pour elle et préférait le soutien silencieux plutôt que le bavard. Les mots qu’on pouvait lui donner dans ses moments-là, elle les trouvait bien trop souvent vide de sens et se refusait à faire de même. Alors, elle faisait ce qu’elle savait faire de mieux, se tenir à côté, en silence… offrant son soutien inconditionnel par sa seule présence. Et quelque part, même si elle aurait aimé en faire plus, elle savait que c’était beaucoup pour Elleynah. Tout comme, cela représentait beaucoup pour elle lorsqu’Elleynah la soutenait, plus ou moins de la même façon.

Elles se tenaient face à face, droite comme des piquets, en position de combat alors que les gens autour commençaient déjà à ralentir pour regarder ce qu’il allait se passer. Toutes deux au maximum de leur concentration, refusant de rompre le contact visuel qui s’était établi, elles donnaient l’impression qu’elles étaient en train de régler un différent… et un très grand. Reconnaissant le tic d’Elleynah, qui consistait à faire tourner sa lame entre ses mains, la Frontalière ne put s’empêcher de remarquer qu’elle en avait un, elle aussi. Elle faisait passer son sabre de sa main droite à sa main gauche, sans interruption, jouant avec comme s’il n’était qu’une brindille. En réalité, comme tout le monde ou presque dans cette Cour, il lui était impossible de se battre dans utiliser les deux mains si elle voulait donner suffisamment de force dans ses coups.

- Ce serait mal me connaître, lui répondit-elle avec la même défiance, ce qui l'électrisa.

Malgré son apparente certitude, elle savait pertinemment que cela risquait fort de se solder par sa défaite. Ce n’était qu’une question de statistiques. Sur toutes les fois où elles s’étaient affrontées… et bien, les fois où elle avait gagné se comptaient sur les doigts d’une main. Elle se rassurait en se disant qu’elle lui opposait tout de même une défense qui tenait la route. Et qu’elle la battait de toute façon à plate couture sur le nombre de Raï tué en un temps donné. Évidemment, Elleynah se défendait honorablement, aussi bien qu’elle se défendait en combat singulier face à elle. Si bien même qu’elles étaient en général à court de Raï avant d’être réellement fatiguée. Considérant que le temps de l’affrontement visuel avait assez duré, elles passèrent à l’attaque simultanément et reconnaissant la botte d’Elleynah, Syane décida dans l’instant de passer en mode défensif.

Autour d’elle, les groupes de jeunes frontaliers avaient progressivement arrêté de s’entraîner pour regarder l’échange de coups violents avec intérêt. Les différents maîtres d’armes avaient bien tentés de continuer leur leçon, puis avaient tous finis par abandonner, choisissant de commencer la technique de chacun des adversaires. Elles se connaissaient suffisamment bien pour s’opposer toute leur force, sans avoir à se retenir, ce qui donnait l’impression qu’elle souhaitait vraiment s'entre-tuer. Quand bien même tous les Frontaliers avaient déjà vu des situations réelles de combat, le leur était impressionnant. Toutes deux semblaient avoir oublié le reste du monde, parant un coup avant qu’il ne soit vraiment amorcé. Elles se le permettaient aussi du fait que la Citadelle n’était pas un champ de bataille, où il aurait plutôt fallu garder l’oeil ouvert sur ce qu’il se passait autour. Dans le cas présent, le fait que toute leur concentration était focalisée sur l’autre donnait un spectacle qu’on ne voyait que rarement. Il était difficile de dire si elles combattaient réellement amicalement, ou si l’une n’allait pas finir par mettre l’autre à terre. Certains des plus jeunes demandèrent s’ils ne fallaient peut-être pas les arrêter, ce qui aurait fit rire les plus âgés s’ils n’étaient pas captivés par le spectacle, ou tout simplement en train d’encourager l’une ou l’autre. Les paris d’argent n’étaient pas choses fréquentes, par contre, ceux en bière allait manquer de dépasser les réserves de la Citadelle.

Il y avait définitivement quelque chose de captivant dans leur ballet infini. La violence de leur coup, qui résonnait sous les arcades n’aurait pas plus contraster avec la souplesse de leurs mouvements. Si Syane se faisait extraordinairement souple pour rapport à d’habitude, et surtout par rapport au reste de son peuple, elle ne pouvait pas égaler Elleynah qui glissait entre ses coups et qui ne semblait pas vraiment avoir besoin de les parer. Quand elle le faisait, c’était avec une délicatesse déconcertante. Elle possédait définitivement le silence, la discrétion et la subtilité des marchombres, ce qui acheva sans doute de la trahir aux yeux des spectateurs qui avaient formés un large cercle autour d’eux. Au terme du combat, aucune des deux n’étaient vraiment capable de dire combien de temps il avait réellement duré. Toujours est-il que Syane se trouvait dans une mauvaise passe : son sabre venait de voler, rapidement rejoins par le poignard qu’elle avait tiré pour tenter de compenser et éventuellement récupérer l’espèce de long couteau qu’elle avait déniché. Mais Elleynah était trop bonne combattante pour seulement la laisser s’en rapprocher et comme prévu, elle ne réussit à la retenir longtemps avec une lame si courte et dont la prise laissait à désirer.

Étrangement, personne n’osa lui faire remarquer qu’elle ruinait l’honneur des Frontaliers. Peut-être avaient-ils trop peur qu’Elleynah se propose pour les affronter. Car si elle avait l’air d’en avoir pas mal bavé, il ne faisait nul doute qu’elle était capable d’en mettre encore un à terre. Bizarrement, personne n’avait terriblement envie de s’y risquer. Et au vu de l’absence totale de rancune dans le ton amusé de la Frontalière, il n’y avait nul doute que c’était justement ce qu’il risquait de se passer. A moins que Syane décide de s’y coller elle-même, ce qui, après la démonstration qu’elles venaient d’offrir, ne tentait personne non plus. Reconnaissant encore une fois la supériorité de son amie, elle éclata d’un rire honnête et franc, tout en se tenant les côtes de fatigue. Un des jeunes Frontaliers que Syane connaissait, ramassa son arme et s’approcha pour lui rendre. Elle le récupéra en le remerciant, prenant soudainement conscience de la petite foule qui s’était réunit autour d’eux et qui commençait à se disperser.

- C’était au moins aussi éprouvant que la dernière fois, dit-elle encore en train de récupérer son souffle, je te félicite, tu n’as pas perdu la main… au contraire. Je te propose que tu me rejoignes en patrouille demain, si tu n’as pas peur de perdre ce coup-ci.

Elle n’avait aucun doute sur sa victoire demain, tout comme elle n’avait eu aucun doute sur sa défaite aujourd’hui. Elles avaient chacune leur spécialité, dont elles étaient d’ailleurs particulièrement fières et elles ne se le cachaient pas. Syane se rapprocha de son amie, lui donnant une grande tape sur l’épaule. La fierté de Syane était sans limite, mais elle savait reconnaître la supériorité de l’adversaire. Et en l'occurrence, il n’y avait aucune honte à avoir perdu. Elle était même fière d’avoir perdu, parce que cela signifiait que son amie avait gagné, elle.

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Le combat avait débuté sans ménagement, comme elle s'y attendait. Elleynah était particulièrement heureuse de se retrouver là, dans ces conditions, et de pouvoir se battre contre Syane comme si leurs vies en dépendaient. L'élément le plus ironique de l'histoire était sans doute que l'une comme l'autre était prête à se battre jusqu'à la mort pour se sauver mutuellement. La marchombre aurait donné sa vie pour la frontalière, sans l'ombre d'une hésitation.

Alors leur combat n'était pas un moyen pour elles de fanfaronner ou de se démarquer. Elles savaient toutes les deux parfaitement qu'il n’y avait rien à prouver. Cela faisait déjà bien longtemps que l’une et l’autre avaient fait leurs preuves. Syane et elle-même étaient d’ailleurs respectées ou craintes à travers une bonne partie de l’empire. Non, ce combat-là était devenu une tradition. Quelque chose de quasiment sacré à leurs yeux et qui attirait toujours autant la foule. Venez, venez voir ce que valent une maître marchombre et une frontalière au combat, approchez !

Lorsque leurs armes s’emmêlèrent, les deux jeunes femmes entrèrent dans une danse époustouflante. L’une comme l’autre semblaient se connaître par cœur, et leurs mouvements se complètaient à la perfection, comme si elles étaient capables de prévoir les moindres gestes de l’autre. C’était cette complicité là qu’Elleynah aimait par-dessus tout. La relation qu’elle avait avec Syane ne ressemblait à aucune autre. Elles s’admiraient et se respectaient tout en ayant une confiance aveugle en l’autre. Elles étaient capables de mener des joutes verbales spectaculaires, de se battre l’une contre l’autre avec des armes, en sachant pertinemment qu’elles n’avaient pas à craindre d’être blessée.

Elleynah menait un combat tout en finesse et en délicatesse, tandis que Syane avait pour elle la force brute d’un frontalier. Les deux combattantes avaient une valeur qu’on ne pouvait nier. Elles tourbillonnaient, valsaient, sans jamais retenir leurs coups. La marchombre bondissait, faisant des pirouettes impressionnantes, la frontalière se mouvait avec une puissance époustouflante. Elleynah savait qu'il y avait de fortes chances pour qu'elle gagne. Le duel, c'était son domaine de prédilection. Contre Syane, elle n'avait essuyé qu'une poignée de défaites, longtemps auparavant. Dans sa carrière de maître marchombre, elle n'avait jamais réellement perdu.

Lorsque la marchombre fit voler la dernière arme de la frontalière, elle sourit à son amie, et l'aida à ramasser ses armes. Autour d'elles, tout le monde les regardait avec des chuchotements. La défaite de Syane n'avait pas empêché le public de développer une admiration encore plus forte pour la frontalière. Et pendant un instant, Elleynah avait entièrement oublié les ombres qui gagnaient du terrain en elle depuis quelques temps.

La maître marchombre n'était pas en grande forme mentale. Elle avait la curieuse impression d'apporter le malheur, où qu'elle aille, quoi qu'elle fasse. La part d'elle-même qui appartenait au chaos gagnait du terrain au fil des jours, et elle ne savait plus quoi faire pour arrêter son avancée. Les couleurs lui échappaient peu à peu. Elle avait songé que voir Syane lui ferait du bien. Elle ne s'était pas trompée.

En réalité, Elleynah était épuisée. Bien plus qu'elle ne l'aurait avoué à Syane, ou à quiconque. Sa route vers l'harmonie était sans cesse barrée par le chaos, et elle avait l'horrible impression que rien ne pourrait lui permettre de lui échapper. La marchombre n'était pas du genre à se laisser abattre, mais le combat devenait difficile pour elle. Ces derniers temps, les évènements qu'elle avait dû affronter avait affaibli l'éclat dans son regard. Et le pire, c'était la sensation d'impuissance qui l'étouffait.

- C’était au moins aussi éprouvant que la dernière fois, je te félicite, tu n’as pas perdu la main… au contraire. Je te propose que tu me rejoignes en patrouille demain, si tu n’as pas peur de perdre ce coup-ci.

La voix de Syane fit revenir la marchombre à la réalité. Elle ressentit une bouffée de chaleur dans sa poitrine. Elle était heureuse de voir la frontalière à un point qu'elle n'aurait su exprimer. Malgré son amour pour le changement, il lui arrivait de se sentir chez elle, à quelques rares endroits. Et dans ses moments là, la marchombre ne troquerait sa place pour rien au monde. Elle la regarda avec un air malicieux, presque provocateur. Elleynah remit ses armes à leur place, et s'approcha de la frontalière, d'une démarche féline.

- Tu ne t'es pas mal débrouillée non plus, Sysy. Et si tu crois que je vais te laisser gagner sans même avoir essayé de te battre, laisse moi te dire que tu te trompes !

Après cela, les deux jeunes femmes décidèrent de se séparer. Syane avait beaucoup de choses à faire, et malgré tout, Elleynah affectionnait toujours autant la solitude. Elle en avait besoin pour survivre. La jeune femme décida d'aller errer autour de la citadelle, et s'aventura à peu près dans tous les endroits où elle le pouvait. Silencieuse comme une ombre, plus dangereuse qu'une goule et qu'un brûleur réunis, Elleynah se sentit revivre.

Pour la première fois depuis longtemps, la marchombre était incroyablement sereine. Elle s'entraîna jusqu'au coucher du jour, puis décida de rester un long moment sous le regard bienveillant des astres brillants. Lorsqu'elle s'endort, elle songe que cela faisait longtemps qu'elle ne s'était pas sentie aussi sereine.

Si elle n'avait pas beaucoup dormi, comme à son habitude, elle se sentait incroyablement en forme lorsque la nuit touche à sa fin. Elle s'habilla rapidement alors que le jour n'était pas encore installé, et une fois prête, elle sortit. Elle profita des derniers rayons de lune pour faire la gestuelle marchombre, à l'abri des regards. Puis, lorsqu'elle estima qu'il était l'heure, elle se dirigea vers l'entrée de la Citadelle, où elle retrouva Syane et trois autres frontaliers.

Ils se mirent en route, et tout le long du chemin, ils n'échangèrent presque aucune parole. Elleynah était concentrée. Il n'y avait encore une fois aucun enjeu, mais la marchombre prenait le RDC très à coeur. C'était quelque chose de sérieux à ses yeux, même si aucune récompense ne les attendait. On ne rigolait pas avec ce genre de rituel. Les trois frontaliers qui les accompagnaient sentaient bien cette tension presque palpable.

Pour le moment, Elleynah avait l'avantage. Elle menait le RDC un à zéro. Elle savait que ce n'était pas suffisant. Syane était bien meilleure qu'elle, pour tuer des raïs. Question d'habitude. La marchombre, malgré sa concentration, eut un sourire en coin.

- Ca fait bien trop longtemps que j'ai pas vu une charmante petite frimousse de Raïs. Ca m'a terriblement manqué. Ne crois pas que je vais te laisser me les prendre tous et gagner.[/b

Alors qu'elle termine sa phrase, son sourire devient immense. Le bruit est infime, presque inexistant. Elle ne doute pas que, Syane, avec l'expérience, l'a peut-être également entendu. Dans le regard d'Elleynah une flamme ardente se met à brûler.

- Enfin, murmure-t-elle.

A peine quelques secondes plus tard, une armée de raïs déboule à l'horizon. La marchombre plie légèrement les jambes, et attrape ses armes. Un immense sourire sur les lèvres, elle prend une lame dans chacune de ses mains. Elle regarde Syane et fait un léger mouvement de tête, qu'elle seule a pu déceler.

- Prête ? A table.

Et sans plus attendre, Elleynah fonce sur la masse grouillante de Raïs qui s'approche à une vitesse impressionnante.

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Il ne fallut pas attendre longtemps après la fin de leur duel pour que la cour principale retrouve son ambiance habituelle. Parce qu’on ne pouvait pas vraiment parler de calme non plus. Autour d’elles, les élèves reprirent l'entraînement sous l’oeil sévère des maîtres d’armes bien décidés à rattraper le temps perdu. Les adultes retournèrent à leurs​ occupations​ usuelles, comme si rien ne s’était passé. Le temps s’était figé pour leur duel . Ce genre d'événement n’était pas anodin à la Citadelle. Des Frontaliers expérimentés s'entraînaient régulièrement en public, et plus rarement, certaines embrouilles donnaient lieu à des duels d’honneurs. Il restait néanmoins peu fréquent que les affrontements soient aussi intense que celui auquel les deux jeunes femmes venaient de se livrer sous l’oeil attentif de la Citadelle. On ne pouvait nier leur talent évident, ni leur complicité frappante. Rangeant les armes où elles les avaient prises, elles décidèrent d’un commun d’accord de se séparer pour le reste de la journée. Syane avait bien l’intention d’arriver au bout de ses tâches pas si passionnantes le plus rapidement possible et elle connaissait aussi suffisamment Elleynah pour savoir qu'elle avait besoin de solitude dans sa journée.

Après un crochet par l’intendance pour récupérer des chandelles, — elle risquait d’en avoir besoin pour la soirée — elle regagna son bureau. Ou du moins, la petite pièce presque dépourvue de fenêtres qu’elle avait réquisitionnée comme telle. Le combat n’avait pas été une mauvaise chose, il lui avait vidé la tête de toutes les angoisses qu’elle avait et de tous les problèmes auxquels elle avait à faire face. S’y replonger maintenant allait lui permettre de les appréhender de manière beaucoup rationnelle. Comme à son habitude, cette stratégie — involontairement appliquée cette fois — se montra terriblement efficace, si bien qu’à la fin de la journée, elle avait trouvé des solutions pour tout à chacun. Le reste n’était plus de son ressort et elle allait pouvoir se coucher sereinement. Le soleil était déjà couché depuis longtemps lorsqu’elle laissa les cartes, les rapports et les mémos derrière elle pour descendre dîner. Il était déjà passé l’heure à laquelle l’animation battait son plein dans la salle de repas, qui était un peu le centre névralgique de la Citadelle. Pour autant, ce n’était pas encore vide. Ravie de pouvoir se changer les idées, elle se servit une gamelle, une pinte de bières et s’assit en bonne compagnie. Immanquablement, le sujet finit par dériver sur son combat contre la marchombre et elle se fit allégrement charrier sur sa défaite par ses camarades jusqu’à ce qu’elle mentionne habilement que s’ils souhaitaient tenter de « laver l’honneur » des Frontaliers, la jeune femme était sûrement disponible pour d’autres duels. A cet instant, la discussion dériva brusquement sur un autre sujet. Le talent de Syane était respecté à sa juste valeur et il était évident qu’Elleynah n’était pas un adversaire facile. Elle ne resta une petite heure à peine avant de s’en retourner vers ses quartiers, pour une nuit bien méritée.

L’horloge interne de Syane la réveilla bien avant le lever du soleil, comme à son habitude. Elle avait assez peu dormi, mais elle ne cachait pas que, la journée d’hier ayant consommé plus d’énergie que d’habitude, elle s’était endormi à l’instant où sa tête avait touché l’oreiller. Conclusion, les quelques heures de sommeil qu’elle s’était accordés avait été pleinement rentabilisée. Et vu la journée qui l’attendait — les attendait — c’était plutôt une bonne chose. Après un passage efficace aux bains pour se débarbouiller, elle retourna chercher son équipement, repassa par la cuisine pour casser la croûte et fin prête, se dirigea vers le point de rendez-vous. Comme convenu, le soleil passait l’horizon lorsqu’elle arriva devant les immenses portes de la Citadelle, une fourrure sur le dos… bonne dernière, mais pas au retard ! S’assurant du regard que tout le monde était prêt à partir, ils franchirent les portes. L’hiver commençait à venir sur eux, les premières neiges, peu abondantes étaient tombées il y a quelques jours. Bientôt la Citadelle se refermait sur elle-même pour l’hiver et même les patrouilles se feraient plus rares. Le trajet se passa en silence dans sa grande majorité, à part quelques considérations stratégiques échangées à voix basses. Dans la grande étendue de la plaine, recouverte d’une fine couche de neige et de givre, les bruits pouvaient porter très loin. Même si Elleynah et Syane n’attendaient que ça… de tomber sur des Raïs, ce n’était pas franchement le but de la patrouille. Sans compter qu’ils ne pouvaient pas non plus affronter une armée à eux cinq !

Bien sûre, elles auraient été extrêmement déçue de ne pas tomber sur des Raïs. Après tout le RDC était un évènement qui, à défaut d’être véritablement sérieux, l’était aux yeux des deux seules compétitrices. Et ceux malgré le fait qu’elles aient arrêtés de compter les scores depuis des années. Histoire de les rassurer, le bruit infinitésimal, et pourtant si caractéristiques d’un bataillon de Raïs, se fit entendre au devant d’eux. Les Frontaliers sortirent leurs sabres plus vite que leur ombre, Syane ne faisant pas exception. L’adrénaline, grimpant en flèche, décuple ses sens et ses réflexes. Difficile de dire d’où ils viennent exactement avant qu’une vingtaine de Raïs ne sortent de nul part. Un faux plat, rendu encore plus imperceptible par la neige, les dissimulait les uns des autres. D’abord surpris, les guerriers-cochons ne tergiversent pas bien longtemps et déboulent sur eux.

- Toujours prête pour une victoire écrasante, répond-t-elle avec une pointe de prétention.

Tous ses sens aux aguets, elle n’attend pas que les monstres arrivent sur elle, mais prend les devants, partant quelques fractions de secondes avant la marchombre. Malgré le danger évident, elle est dans son élément. Et une vingtaine de Raïs, ce n’est que du menu fretin pour quatre frontaliers et une marchombre. A peine un échauffement. Tenant fermant son sabre des deux mains, elle fauche le premier sans aucune difficulté, l’achevant d’un glissement de lame expert sur sa gorge. Un. Fermement campée sur ses pieds, le deuxième ne résiste pas bien longtemps, reçoit un coup mortel à l’abdomen et termine comme le premier. Deux. Esquivant une des lames courtes et rouillées raïs, elle balance son sabre tout en pivotant sur elle-même. Trois et quatre. Sa lame déjà couverte de sang répugnant et odorant, elle l’essuie dans la neige avant d’intercepter trois fuyards. Elle stoppe le premier en empruntant une lame raï qui, lancée, se fiche dans le crâne. Les deux suivants trébuchent sur le corps du premier, la lame du dernier se plantant directement dans le dos du deuxième. Ce qui lui laisse à la Frontalière le temps de parcourir la mince distance qui les sépare. Le dernier oppose une résistance qui dure trois échanges avant qu’elle le désarme et lui tranche la gorge. Cinq, six et sept. Quand elle se relève, il ne reste que les Frontaliers et la Marchombre debout. Tout le monde a l’air en bon état.

- Sept, dit-elle presque machinalement en regardant Elleynah, un air de défi au fond des yeux.

Vérifiant du bout de sa lame que ses Raïs sont bien morts, elle rejoint le groupe dont elle s’était éloignée en poursuivant les lâches, un sourire carnassier aux lèvres. Machinalement, elle essuie une goutte de sang sur sa joue, puis sa lame poisseuse sur la neige avant de la sécher en utilisant sa fourrure. Les autres, d’un seul homme, l’imitèrent. L’une des premières choses qu’un guerrier apprenait, c’était de faire attention à son arme. Et un Frontalier qui se respectait savait que le sang de Raï était plus corrosif qu’un autre en ce qui concernait le métal. Le sabre d’un Frontalier était une extension de ses bras et il aurait été stupide de ne pas faire attention à ses propres membres.

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Elleynah partageait une joie non dissimulée avec Syane. Les autres membres du groupe étaient plus réservés et anxieux, mais toutes les deux n'avaient aucune raison de l'être. Elles savaient que, de toutes façons, qu'elles n'avaient rien à craindre. Être ici avec son amie, sa soeur d'armes, était un privilège qu'elle n'aurait su décrire. Cela lui faisait un bien inimaginable. Juste le temps de ces épreuves qu'elles avaient instauré pour s'amuser, la marchombre pouvait se vider totalement l'esprit et ne penser à rien d'autre. Juste à Syane et elle qui se disputaient cette victoire dont elles connaissaient déjà les finalités. L'une comme l'autre n'avait jamais eu besoin de prouver sa valeur. Elles étaient toutes les deux d'incroyables guerrières, et chacune d'elle avait ses spécialités et ses faiblesses.

En partant ce matin là, Elleynah savait très bien qu'elle n'avait pas la moindre chance de l'emporter contre Syane. La frontalière était bien trop douée et habituée à ce genre d'exercice pour se laisser battre par la marchombre. Et même si elle en était pleinement consciente, la cadette se sentait profondément heureuse. Elle était comme une enfant qui se rendait en bord de mer pour la première fois. Excitée, le sourire jusqu'aux oreilles, le regard empli d'un millier d'étoiles étincelantes. Ce moment-là était leur moment, et rien ni personne ne pourrait le leur dérober, d'une quelconque façon que ce soit. Et lorsque le premier corps tomba sur le sol, plus rien n'existait à part Syane, les guerriers cochons, et elle.

Dans le froid de l'hiver, Elleynah se mouvait avec aisance. Tous ses gestes n'étaient qu'harmonie. Elle faisait des ravages dans les rangs des raïs, tout en demeurant intouchable et inatteignable. Les guerriers cochons n'avaient pas la moindre chance. En quelques minutes seulement, ils étaient tous morts. La marchombre essuya sa lame contre les vêtements d'un des cadavres, et se redressa, cherchant le regard de Syane. Elle ne put retenir une moue lorsque la frontalière lui annonça son score. Sept. C'était excellent. Avec un petit sourire, elle inclina légèrement la tête, signe qu'elle acceptait sa défaite.

- Seulement cinq et demi, dit-elle.

Le "et demi", elle le valait au raï qu'elle avait bien entamé, mais qui avait été fini par un des trois autres frontaliers. Dommage, elle aurait sans doute l'opportunité de faire mieux une prochaine fois. D'un point de vue extérieur, les scores pouvaient paraître serrés. Et quelque part, c'était vrai. Le défi qu'elles représentaient l'une pour l'autre avait le mérite de les obliger à se dépasser toujours davantage. Depuis qu'elles avaient commencé, elles se devaient de progresser tout le temps pour ne pas se laisser distancer par l'autre. Et malgré la distance qui les séparait parfois, malgré le temps qui s'écoulait sans qu'elles ne se voient, elles continuaient à avancer en parallèle, et à toujours rester à la hauteur. C'était peut-être la plus belle preuve du lien qui les unissait.

Pas entièrement rassasiées par les quelques malheureux raïs qu'elles avaient pu se mettre sous la dent, elles choisirent de poursuivre leur tour pour tenter d'en dénicher quelques autres. La victoire n'était plus en jeu ; Elleynah savait reconnaître sa défaite, et pour rien au monde elle ne l'aurait remise en doute. Les deux jeunes femmes étaient à égalité, et seule la dernière épreuve pourrait les départager. Tailler des guerriers cochons en pièce n'était donc plus qu'une activité ayant pour but de les divertir. Malheureusement, après une demie heure de marche, elles durent se rendre à l'évidence. Les saletés de raïs n'avaient pas l'intention de montrer leurs répugnants visages.

A moitié déçue seulement, Elleynah haussa les épaules. Après tout, elles avaient eu la chance de pouvoir tomber sur une troupe qui leur avait permis de poursuivre le RDC malgré tout. Elles n'avaient pas à se plaindre. La marchombre croisa les bras sur sa poitrine tandis que le groupe s'arrêtait progressivement. Ils s'étaient suffisamment éloignés de la citadelle, et désormais, il fallait qu'ils y retournent. Elleynah avisa la silhouette presque invisible de l'énorme bâtiment, seul véritable rempart contre l'invasion des Raïs. Elle lança un regard en coin à Syane.

- Je crois qu'on ne trouvera plus rien aujourd'hui. C'est dommage, je commençais à m'amuser un peu.

Elle accompagna ses paroles d'un haussement d'épaules exagéré, dans le but de donner à ses mots une sonorité tragique. Puis, d'un mouvement de poignet, elle balaya ses paroles et sa déception, et un sourire joueur vint planer sur ses lèvres. Elles savaient toutes les deux comment tout ceci allait se finir. Elles devaient être à une vingtaine de minutes de la citadelle, en courant à un bon rythme. C'était parfait pour la dernière épreuve. La fine couche de neige rendait le sol légèrement glissant, mais ça n'était un handicap ni pour l'une ni pour l'autre. Au contraire, ça pimentait tout juste assez les choses pour que ça devienne réellement intéressant.

- Pas trop fatiguée ? Demanda-t-elle à l'intention de Syane.

Elleynah marqua une pause, le regard perdu vers l'horizon. D'un mouvement du menton, elle désigna la citadelle.

- Il doit y avoir vingt minutes jusqu'à là-bas. Peut-être un peu moins. Partante ?

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Le combat était déloyal. Les Frontaliers, même moins nombreux, étaient mieux organisés que des Raïs. Sans compter la présence d’une Marchombre à leur côté. La petite équipe n’en avait fait qu’une bouchée. Une fois qu’ils furent assurés de leur mort, ils reprirent leur chemin presque comme si rien ne s’était passé. A leurs yeux, les Raïs ne méritaient pas d’être enterré. Les guerriers cochons eux-mêmes n’avaient aucun rituel pour leurs propres morts et encore moins pour leurs ennemis. Alors les Alaviriens laissaient la nature disposer de leur corps. Rapidement, la terre viendrait absorber le sang, les animaux sauvages mangeraient jusqu’aux os et la neige recouvrirait le reste jusqu’au printemps suivant. Il s’écoula une demi-heure supplémentaire avant que la petite troupe ne se rende à l’évidence. Ce fut cependant Elleynah qui l’énonça à voix haute : ils ne rencontreraient plus aucune troupe ennemie pour la journée. Syane leva les yeux vers le ciel. Il y avait quelques nuages, mais on pouvait deviner clairement la position du soleil. La matinée était déjà bien avancée et le temps qu’ils retournent à la Citadelle, l’astre serait à son zénith.

Il restait cependant une dernière épreuve à leur petit défi et à juger par le sourire qu’affichait Elleynah, elle pensait à la même chose qu’elle. Syane s’arrêta net, avant de pivoter en silence vers son amie, surprise par la question. Le coin gauche de la bouche pincée et son sourcil droit relevé lui donnait un air sceptique. Son ton sérieux de son amie lui colla le doute. Elle était vraiment sérieuse ? Parce que ce n’était pas quelques heures de marche et une petite escarmouche qui allait la fatiguer.

- Tu me prends pour ta grand-mère ? lui répondit-elle du tac-au-tac, faussement piquée au vif. Je ne te demande pas si t’es fatiguée, toi.

Ses lèvres s'élargirent en un sourire amusé. Si la question était venue de quelqu’un d’autre, elle l’aurait sans doute mal pris, ou différemment en tout cas, mais venant d’Elleynah, elle se doutait que ce n’était qu’une petite pique amicale. Effectivement, il devait y avoir quelque chose comme une vingtaine de minutes en courant à un bon rythme. La troupe ne s’était, en fait, pas énormément éloignée de la Citadelle. S’ils avaient d’abord marché en lui tournant le dos, ils avaient ensuite bifurqué pour la longer. A cette période de l’année, les Raïs n’étaient, de toute manière, pas très aventureux et les patrouilles se limitaient donc à un rayon de quelques kilomètres autour de la place forte. Syane hocha la tête en guise de réponse. La dernière épreuve du RDC les attendait toujours et les derniers kilomètres étaient parfaits pour ça. C’était facile, un peu glissant avec la fine pellicule de neige, mais facile. Mais avant, elle se tourna vers l’un des Frontaliers les plus âgés de la troupe.

- Regar, je te laisse le commandement, dit-elle en reprenant son sérieux pour quelques secondes. Rejoignez-nous à la Citadelle.

Ce dernier hocha la tête en silence, sans rien dire. Syane savait qu’il n’approuvait pas particulièrement son idée, mais elle se moquait pas mal de son avis. Le danger était limité et Regar avait un bon instinct. Elle ne mettait pas la troupe en danger, pas plus qu'elle-même. Les formalités étant maintenant remplies, elle se tourna vers Elleynah en se frottant les mains. Pour l’instant, elles étaient à égalité. Tout allait donc se jouer maintenant. Si les résultats des autres épreuves étaient généralement prévisibles, cette dernière était beaucoup plus aléatoire. Une victoire de l’une sur l’autre était donc globalement valable jusqu'à la prochaine rencontre et il arrivait même régulièrement que le résultat soit bien trop serré pour arriver à une conclusion satisfaisante.

Les deux femmes laissèrent les frontaliers partir devant, se plaçant côte à côte sur une ligne de départ imaginaire. C’est Syane qui prit la responsabilité du décompte.

- Trois. Deux. Un. Maintenant !

Syane avait une avance confortable quand elle arriva à moins de quelques minutes de la Citadelle. C’est à cet instant exact qu’elle sentit son pied s’enfoncer beaucoup plus bas qu’il n’aurait dû. Mais ce fut plutôt l’inclinaison de sa cheville qui l’inquiéta. Avant même qu’elle n’ait eu le temps de comprendre ce qu’il s’était passé, elle était étalée lamentablement au sol. Elle venait bêtement de mettre le pied dans un terrier de lapin que la petite couche de neige avait dissimulé. Un rapide contrôle mentale lui assura qu’elle ne devait pas s’être fait vraiment mal. Elle avait eu le réflexe de ne pas porter plus de poids que possible sur son pied mal assuré, ce qui avait sûrement aidé. Si on omettait son amour propre, tout allait bien. Bon, et elle était trempée jusqu’aux os, aussi. C’était une chance qu’elle n’ait pas loin à aller pour retrouver la chaleur d’un feu. Elle se retourna sur le dos – vu qu’elle était trempée de toute manière – juste à temps pour voir arriver Elleynah qui ne la suivait de pas grand chose. Elle effaça rapidement son sourire vicieux, pour laisser une expression plus neutre le remplacer. Histoire qu'Elleynah ne présage rien de son mauvais coup. Les marchombres étaient déjà bien suffisamment difficile à surprendre. Discrètement, elle ramassa une poignée de neige, qu’elle tassa rapidement. Elle attendit qu'Elleynah soit un peu plus à portée avant de lancer dans sa direction, visant à peu près à hauteur de sa tête.

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