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A l'aube de notre envol [Wyska Benorith & Elleynah Bàthory]

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Elleynah se trouvait dans une position délicate, qui la poussait à la fois à en dire le plus possible à son élève, mais aussi à garder pour elle certains passages sombres de son histoire. Elle n'avait pas envie de s'attarder sur ce qu'elle avait vécu, ni même de faire part à quiconque de ses origines. Et pourtant, ne pas vouloir le faire rendait la marchombre égoïste. Certaines de ces informations pouvaient aider Wyska à mieux comprendre la situation, et ainsi à mieux se protéger. Si elle savait qui était sa mère, pourquoi elle lui en voulait autant, pourquoi les temps prochains s'annonçaient particulièrement sombres, elle serait peut-être en mesure d'anticiper ce qui pouvait arriver. Elle n'osait imaginer ce qui adviendrait de Wyska si elle tombait entre les mains de Kaelleyn. Il était certain que la femme ne se contenterait pas de la tuer : elle l'anéantirait. Elleynah frémit, et elle fut reconnaissante à la nuit de masquer le trouble qui s'était emparé de son visage.

La nuit était particulièrement belle, ce soir-là. Sans baisser son attention, Elleynah prit la liberté d'admirer les étoiles qui brillaient bien davantage que dans le ciel nocturne d'Al-Jeit. Elle ne parvenait pas à croire qu'elle avait failli ne plus jamais voir un tel spectacle, et qu'elle avait manqué d'oublier à quel point le monde était beau. C'était ce qu'elle voulait montrer à Wyska, et c'était également ce qu'elle ne voulait, plus jamais risquer d'oublier ou de perdre de vue. Elle s'était faite une promesse, et jamais plus elle ne ferait l'erreur de s'égarer, et de croire que la part de chaos qui l'habitait était une tare dont elle devait se débarrasser. C'était une des choses qu'elle comptait également enseigner à son apprentie. Le monde n'était ni blanc, ni noir. Il était doté d'une multitude de nuances, plus ou moins claires, plus ou moins colorées, mais qui ne cessaient de révéler leurs surprises et la profondeur des merveilles qu'elles recelaient.

- J’ai bien compris que nous n’avons pas de temps à perdre. Que je n’ai pas de temps à perdre. Dans ce cas... Sur quel aspect de l’entraînement devrais-je me concentrer ? Qu’est-ce qui va me permettre de survivre ? Je sais qu’il y a beaucoup à faire, mais je me dis qu’en sachant sur quoi me pencher en premier, ça aidera peut-être... Je donnerai mon maximum.

Malgré la situation et l'inquiétude qui tenaillait les entrailles de la marchombre, elle fut heureuse d'entendre la détermination sans faille qui perçait à travers les paroles de Wyska. Elle avait déjà compris l'importance de l'entraînement et saisissait au moins une partie de l'urgence de la situation. Si elle fournissait les efforts nécessaires lors des entraînements, si elle écoutait ce que lui disait Elleynah, elle avait une chance de s'en sortir. Elleynah en était persuadée, et c'était tout ce qui comptait pour le moment. Wyska avait les armes nécessaires pour avancer dans leur périple, et pour échapper aux griffes acérées de ceux qui étaient à leurs trousses. Si Elleynah avait prévu de concentrer une grande partie de leurs efforts sur le combat, surtout au début, ça ne serait pas l'unique occupation qu'elles allaient avoir. Trois ans, c'était déjà court pour un apprentissage, mais dans le cas de Wyska, ça allait s'annoncer encore plus intense.

- Lorsque nous nous sommes revus à Al-Jeit, vous étiez poursuivis. Est-ce que... est-ce que tout cela est relié ? Serons-nous donc toujours poursuivis ainsi ? Je me demande simplement. Qu’est-ce qu...

Elleynah se figea sur sa monture. Elle savait pertinemment qu'elle était la question que Wyska voulait lui poser, et si elle lui était reconnaissante de ne pas être allée jusqu'au bout de sa réflexion, cela la ramenait au problème de conscience qu'elle avait. Lui dévoiler une partie de sa vie en bafouant son principe de liberté et lui offrir les premières armes pour se protéger, ou conserver ses secrets. Dans les deux cas, la marchombre risquait de ne pas bien le vivre. Dans les deux cas, elle allait sûrement regretter son choix. Elle ne pouvait pas en vouloir à l'acrobate, puisqu'elle n'avait strictement rien à voir avec tout ça, et qu'elle arrivait au coeur d'une histoire qui avait vu le jour bien avant elle, qui n'aurait jamais dû la concerner, mais qui se plaçait désormais au coeur de sa vie. Elleynah dû se rendre à l'évidence : si elle l'ignorait aujourd'hui, il y aurait bien un jour où elle découvrirait la vérité. Et elle préférait largement que la vérité vient d'elle plutôt que de sa mère ou d'un quelconque mercenaire du chaos. Néanmoins, Elleynah se tut.

- Au sujet des marchombres, Elleynah. Quel est le rôle de la guilde ? Comme les marchombres sont libres, je vois difficilement la guilde régir code et règles de conduite. Ai-je tort ? Et comment réagissent-ils à la menace des mercenaires ? Ça touche bien chaque marchombre, tout autant que vous et moi, n’est-ce pas ? Entre les marchombres et les mercenaires, c’est donc une guerre ? Mais... si chaos et harmonie font tous deux partie de l’équilibre, n’est-ce pas une guerre éternelle, dans ce cas ?

Les questions de Wyska étaient pertinentes. Le fonctionnement de la guilde n'était pas évident à comprendre, pour la simple et bonne raison qu'il n'y avait aucune organisation à proprement parler. Aucun marchombre ne pouvait accepter ou envisager de recevoir des ordres de quiconque, alors cela rendait le fonctionnement de la guilde complexe. Il était tout aussi complexe de l'expliquer à quelqu'un qui n'avait pas encore une idée précise de ce que le mot marchombre signifiait. Elleynah avait connu les marchombres dans son enfance, et quelque part, elle avait grandi avec eux. Cependant, elle avait mis très longtemps à comprendre les nuances les plus subtiles et les plus intéressantes de ces êtres particuliers qui peuplaient le monde avec discrétion. Elle avait également compris tardivement que tout n'était pas une question de bien ou de mal. Les mercenaires du chaos n'étaient pas tous foncièrement mauvais et méchants, tout comme les marchombres étaient loin d'être tous des modèles de bonté et de bienveillance.

Il en était de même pour la guerre. Ca n'était pas réellement ce qui s'orchestrait autour du combat éternel qui voyait s'affronter les mercenaires et les marchombres. Tout était plus complexe, et Elleynah avait la chance de pouvoir saisir une partie de l'ampleur de cette complexité, notamment grâce à l'ambivalence qui avait forgé ce qu'elle était. Lorsque Wyska se tut et laissa le silence reprendre ses droits, la marchombre ne lui répondit pas immédiatement, désireuse de choisir ses mots avec soin pour satisfaire au mieux la curiosité de sa jeune apprentie. Autour d'elles, le paysage changeait déjà, abandonnant les couleurs et les vastes pleines du sud pour se rapproches des landes de l'est. A ce rythme, elles ne risquaient pas d'arriver avant que le soleil ne soit déjà haut dans le ciel, mais la tranquillité du monde rassurait le coeur de la marchombre. Avec un peu de chance, elles parviendraient à se mettre à l'abri avant que l'orage nommé chaos n'éclate au-dessus de leurs têtes.

- Tes questions sont toutes pertinentes, Wyska. Je vais essayer de te répondre du mieux que je peux, mais il y a certaines choses que je ne te dirais qu'une seule fois, d'accord ?

Elleynah voulait que son apprentie prenne déjà l'habitude d'enregistrer les informations les plus importantes dans son esprit, et qu'elle soit capable de les solliciter aux moments opportuns. C'était aussi ce genre de choses qui pourraient lui sauver la vie dans des situations complexes et pressantes. En tous les cas, la maître marchombre l'espérait. Elle dut faire un gros effort pour rester maître d'elle-même, et ne pas céder à une angoisse existentielle qui n'aurait servi à rien si ce n'était à gâcher une partie de sa concentration pour des considérations inutiles. De toutes façons, elle ne pouvait rien faire de plus que ce qu'elle était en train de faire pour le moment : essayer de les mettre hors d'atteintes en attendant que la situation se calme un peu, et apprendre à Wyska l'histoire avec laquelle elle allait devoir vivre pendant au moins les trois prochaines années.

- Pour ce qui est de ton apprentissage, je ne te révélerai rien à l'avance. Comme je te l'ai dit, la Voie du marchombre est un chemin long et périlleux, qu'il te faudra aborder avec patience. La seule différence avec un apprentissage que tu aurais eu avec un autre maître sera que je serais plus exigeante.

Sa voix était sans doute plus sèche que ce qu'elle avait souhaité, mais Elleynah était sans appel sur cette question-là. Elle avait été reconnaissante toute sa vie à son maître pour l'enseignement qu'elle lui avait permis d'avoir. Ca avait été souvent dur, épuisant, douloureux, mais elle avait aimé chaque seconde où elle avait souffert, chaque minute où elle avait touché d'un peu plus près l'absolu, chaque heure où elle avait senti qu'elle repoussait les limites du possible. Elle refusait que sa mère ou que les mercenaires du chaos en général empêche Wyska de vivre cette intense immersion dans le bonheur. Elle refusait que quiconque ne puisse gâcher l'apprentissage de la jeune fille la plus prometteuse qu'elle ait jamais eu l'occasion de rencontrer auparavant. Elle refusait d'avoir peur que quelqu'un lui arrache une nouvelle fois ce qu'elle essayait de construire, elle refusait de se laisser avoir par sa mère et les plans diaboliques qu'elle mettait en oeuvre pour faire exploser son âme. Alors, Elleynah ferma les yeux un instant, et pris une inspiration profonde, comme pour redevenir maître d'elle-même.

- Les hommes d'Al-Jeit, ceux qui t'ont enlevés, ceux qui nous attaqueront dans le futur, sont effectivement tous reliés. J'espère qu'un jour les choses se calmeront, mais je doute que ce soit possible. Ces gens-là n'abandonnent jamais. Certainement pas dans notre cas.

Elleynah pensait à une personne en particulier, même si elle était loin d'être la seule à vouloir sa mort. Sa mère n'arrêterait de vouloir sa mort que lorsqu'elle mourrait. Il en était ainsi, et quelque part, Elleynah n'arrivait pas à détester l'intérêt que la femme lui portait. Pour une fois la marchombre avait l'impression d'avoir de l'importance pour elle, et malgré tout, ça comptait bien plus qu'elle n'oserait l'avouer. Enfant, elle avait souffert de l'absence de sa mère, et encore davantage lorsque son père était mort. Si elle était parvenue en grande partie à passer à autre chose et à guérir avec le temps, une petite partie d'elle n'avait jamais réussi à totalement oublier sa peine d'enfant.

- Les marchombres sont des êtres libres, Wyska. Si certaines traditions demeurent présentes, chacun d'entre nous est un électron libre. La guilde en soit ne sert qu'à veiller à l'ordre et au respect de certains préceptes clés, comme le secret. Un marchombre agit comme il l'entend, mais ça ne signifie pas qu'il fait n'importe quoi. La liberté implique d'avoir des responsabilités, des sacrifices et des choix à faire. Ca n'est que rarement simple, Wyska. Par exemple, je suis libre de me battre pour une cause, tout comme je suis libre d'ignorer ce combat et de vaquer à d'autres occupations. L'important est d'être en accord avec toi-même, et de te reconnaître dans chaque acte que tu fais. En suivant cette logique, tu comprendras que tous les marchombres ne se sentent pas concernés par le combat entre harmonie et chaos.

Elleynah flatta l'encolure de sa jument et la regarda avec bienveillance.

- Il y a très longtemps, un combat a fait rage entre mercenaires du chaos et marchombres. Beaucoup de marchombres sont morts, mais le chaos a été anéanti. En tous les cas, c'est que le monde a cru. Mais les mercenaires du chaos se sont reconstruits avec le temps, et ils sont en train de se reconstruire progressivement. Les marchombres qui ne croient pas à leur retour ne sont pas rares.

Elle marqua une pause, comme si la vérité qu'elle allait énoncé était douloureuse pour elle.

- Je ne connais pas de marchombres qui soient aussi touchés que toi et moi, même si certains ont souffert à cause des mercenaires.

Lorsqu'elle eut prononcé cette phrase, Elleynah avisa une rivière qui coulait juste devant elles.

- Nous allons faire une petite pause pour les chevaux. Profites en pour remplir ta gourde, nous ne nous arrêterons plus après ça.

Elleynah descendit de sa jument avec souplesse, et la laissa se désaltérer. La marchombre s'agenouilla au bord de l'eau, et but jusqu'à étancher totalement sa soif. L'eau était profonde : il n'y avait pas de pente douce qui déclinait progressivement mais un gouffre d'au moins deux mètres. Le courant était vif, sans être trop puissant. Tout autour d'elles, il n'y avait que des plaines, et malgré la nuit, Elleynah pouvait facilement voir d'éventuels ennemis approcher.

- Assez posé de questions gratuitement, Wyska. Maintenant, il va falloir que tu mérites les réponses. Je t'écoute, vas-y.

Elle s'approcha de son sac, en sortit deux bâtons dont elle assembla les morceaux pour les rallonger, et elle en jeta un dans la direction de Wyska. Sans la prévenir, la maître marchombre se mit à l'attaquer, si vive que, dans la nuit, elle donna l'impression de disparaître. Un seul coup pourrait suffire pour déséquilibrer la jeune fille et l'envoyer dans la rivière.

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Le silence à nouveau dominait. Ou presque. Les bruits de la nuit se faisaient discrets, mais leur présence était indéniable. Par contre, l’attention de Wyska n’était pas portée au monde nocturne, mais sur son maître. Avide de réponses aux questions qui avaient coupé la nuit. Elle ne pressait pas Elleynah, respectant le silence et observant la silhouette de la marchombre visible par la seule lueur des étoiles. Elle attendait en laissant les questions tournées en boucle dans sa tête, pour ne pas les oublier et y réfléchir en même temps. Wyska ignorait encore beaucoup de choses, mais une question à la fois, elle avait l’impression de pouvoir comprendre un peu plus tout ce qui lui échappait. Et elle fut heureuse d’entendre Elleynah accepter ses questions. Un petit sourire joyeux s’afficha un court moment sur ses lèvres et elle hocha la tête pour indiquer qu’elle avait compris. Depuis le début, elle était attentive aux moindres mots d’Elleynah. Elle voulait tout comprendre et se souvenir de chaque parole partagée. Elle restait silencieuse, à l’écoute, retenant presque son souffle pour ne pas manquer un seul mot. Car son maître ne répéterait pas.

- Pour ce qui est de ton apprentissage, je ne te révélerai rien à l’avance. Comme je te l’ai dit, la Voie du marchombre est un chemin long et périlleux, qu’il te faudra aborder avec patience. La seule différence avec un apprentissage que tu aurais eu avec un autre maître sera que je serais plus exigeante.

Lorsqu’Elleynah lui dit que l’entrainement restera un mystère, Wyska ressentit une pointe d’énervement à ne rien savoir, mais à la fois l’excitation et l’anticipation face à un entrainement à découvrir. Même si la tournure des événements lui avait fait un peu peur, elle avait confiance en Elleynah pour lui enseigner cette Voie. Elle savait pouvoir apprendre rapidement. Peut-être pas aussi vite qu’elle le voudrait, ou le devrait. Mais elle allait donner plus que son maximum, jusqu’à ne plus pouvoir bouger. Et chaque jour serait une surprise. Elle sentait la fébrilité l’envahir à nouveau maintenant que les événements inquiétants se trouvaient derrière elles. Elle avait conscience que ce n’était pas terminé, mais elle ne comptait pas se morfondre avec ça pour l’éternité. Elle avait toute une Voie à découvrir et elle ne laisserait personne lui enlever.

- Les hommes d’Al-Jeit, ceux qui t’ont enlevés, ceux qui nous attaqueront dans le futur, sont effectivement tous reliés. J’espère qu’un jour les choses se calmeront, mais je doute que ce soit possible. Ces gens-là n’abandonnent jamais. Certainement pas dans notre cas.

Wyska sentit qu’il y en avait plus à cette histoire, mais elle se contenta de ce que lui offrait Elleynah. Ils étaient tous reliés et voulaient la mort de son maître, c’était ce qu’elle devait savoir principalement. Que tous ces mercenaires étaient dangereux, ennemis des marchombres, qu’elle ne faisait pas le point contre eux, ou pas encore à tout le moins et qu’ils emploieraient probablement tous moyens nécessaires pour atteindre Elleynah. Wyska devait se montrer vigilante et prête à toutes éventualités. Prête à se défendre à n’importe quel moment et ne plus jamais se laisser prendre par surprise. Elle fronçait les sourcils en réfléchissant à tout ce que cela impliquait, à l’angoisse que lui procuraient ces nouvelles, mais aussi à l’excitation qui se profilait à l’horizon de cette voie qu’il l’appelait depuis longtemps. Elle avait accepté une fois les dangers et difficultés de cet entrainement. Et elle ne ferait pas demi-tour parce que les marchombres avaient des ennemis. Elle n’abandonnerait pas parce que les fantômes d’un passé qui ne lui appartenait pas revenaient les hanter. Elleynah était son maître, celle qui la guiderait sur la voie. Peu importait les difficultés et le comportement sévère de la marchombre. Elle avait confiance en Elleynah depuis les premières paroles qu’elles avaient échangées. Et elle ne changerait pas d’avis.

Wyska se concentra à nouveau sur son maître lorsque celle-ci reprit la parole pour répondre à sa question suivante. Celle qui portait sur la guilde. Elle écouta attentivement et réalisa certaines choses auxquelles elle n’avait pas pensé. En effet, être libre était une chose, mais les marchombres faisaient aussi partie de ce monde en évolution. Il y avait toujours des choix à faire, des décisions à prendre et même en étant libre de choisir, il n’était pas toujours facile de le faire. Elle comprit alors que la complexité des choses lui échappait encore. La guerre ne concernait pas tout le monde. Elle-même n’y avait jamais porté plus d’attention. Elle comprenait ce que voulait lui dire Elleynah. Un monde de possibilité s’ouvrait à elle, mais elle devait saisir celles qu’elle voulait suivre, les objectifs qu’elle voulait atteindre, les combats auxquels elle voulait prendre part et faire sens avec son soi intérieur.

- Il y a très longtemps, un combat a fait rage entre mercenaires du chaos et marchombres. Beaucoup de marchombres sont morts, mais le chaos a été anéanti. En tous les cas, c’est que le monde a cru. Mais les mercenaires du chaos se sont reconstruits avec le temps, et ils sont en train de se reconstruire progressivement. Les marchombres qui ne croient pas à leur retour ne sont pas rares. Je ne connais pas de marchombres qui soient aussi touchés que toi et moi, même si certains ont souffert à cause des mercenaires.

Elle sentit la pause avant qu’Elleynah ne prononce cette dernière phrase et une part d’elle se demanda tout ce qu’il impliquait dans le passé de la marchombre. Elle sentit une certaine tristesse poindre en elle en regardant Elleynah qui devait faire face à un passé qui semblait douloureux. Et elle ne pouvait pas comprendre. Elle ne pouvait que faire ce qu’on lui disait et avoir confiance en Elleynah. Écouter les quelques bribes d’informations qu’elle lui partageait, mais elle savait être son élève, pas sa confidente. Elle devait se contenter de ce qu’elle avait et réfléchir sur la réalité de ce combat entre les mercenaires du chaos et les marchombres, que plusieurs niaient. Elle ne savait pas trop comment elle devait réagir à cette réponse. Mais chaque marchombre était libre de croire ce qu’il voulait. Et puis, en tant qu’apprentie, nouvelle sur cette voie dont elle ignorait tout, elle n’avait pas son mot à dire sur la situation. Elle ne comprenait pas même la gravité de cette situation. Mais ça ne saurait tarder. Surtout impliquées comme elles l’étaient.

- Nous allons faire une petite pause pour les chevaux. Profites en pour remplir ta gourde, nous ne nous arrêterons plus après ça.

La jeune fille releva la tête pour admirer la rivière qui s’écoulait tranquillement devant elles. Elle sentit alors la soif lui prendre la gorge. Elle glissa du dos de Tonnerre avec douceur et caressa l’équidé tout en attrapant sa gourde avant de le laisser trotter avec joie vers la rivière, près de la jument d’Elleynah. Wyska s’avança à son tour et s’agenouilla près de la marchombre pour plonger ses mains dans l’eau fraîche. Après avoir bu, elle trempa sa gourde afin de la remplir. Si c’était le dernier arrêt, elle ne voulait absolument pas oublier de le faire. Elle tourna la tête vers Elleynah, refermant sa gourde lorsque la marchombre reprit la parole une nouvelle fois :

- Assez posé de questions gratuitement, Wyska. Maintenant, il va falloir que tu mérites les réponses. Je t’écoute, vas-y.

Sur le moment, elle ne comprit pas ce que voulait dire la femme et fronça les sourcils avec curiosité. Wyska s’était douté que cet arrêt ne serait pas pour leur repos à elles, mais elle ne pouvait pas dire ce qu’Elleynah avait derrière la tête. Jusqu’à ce qu’elle lui lance un bâton que Wyska attrapa d’un réflexe maladroit. Elle ne s’attendait pas du tout à ça. À peine eut-elle le temps de réaliser ce que cela signifiait qu’Elleynah arrivait sur elle pour une première attaque. Wyska prit un temps avant de réaliser que son maître n’était plus là où elle devrait être et de la voir réapparaître presque par enchantement devant elle. Elle fit un bond sur le côté pour éviter l’arme qui filait vers elle, le cœur battant sous le coup de l’adrénaline provoquer par cette attaque soudaine.

- Mériter ? Comment ça ? demanda-t-elle sans cacher l’incompréhension et l’étonnement qui glissait en elle.

La surprise toujours écrite sur son visage, Wyska dut rapidement lever le bâton qu’elle tenait pour se défendre convenablement, ou enfin du mieux qu’elle pouvait avec ses capacités moindres. Et quelque chose changea dans son regard à l’instant où elle entra dans le jeu. Elle savait qu’elle ne pouvait pas seulement rêver de désarmer la marchombre, mais elle était décidée à tenir le plus longtemps possible. Ses yeux affichaient sa forte détermination et son regard était attentif à tous les mouvements de la femme qui lui faisait face. Elle était reconnaissante à son sens de l’observation qui lui permettait de remarquer les petits gestes, mais elle se doutait grandement qu’Elleynah lui laissait une petite chance pour commencer. Mais ça ne changeait rien au fait qu’elle allait donner tout ce qu’elle avait. Elle fit de son mieux pour bloquer, mais le bâton claqua parfois sur ses membres mal protégés et elle serrait les dents en reprenant sa position. Et elle n’eut pas la chance d’attaquer une seule fois avant de perdre l’équilibre grâce à un coup bien placé.

Elle s’attendait à s’effondrer sur le sol avant de réaliser que ce n’était pas de la terre qui se trouvait derrière elle. Elle pensa à retenir son souffle au même moment où elle sentait son dos frapper l’eau. Elle s’enfonça, créant une vague qui lui retomba dessus en voulant reprendre sa place. Et à cet instant, elle se détesta de ne pas savoir mieux nager. Elle coulait vers le fond et lorsqu’elle sentit des rochers sous ses pieds, elle voulut se donner un élan pour remonter à la surface. Cependant, son pied glissa sur une roche et sa jambe se coupa sur quelque chose de pointu. Wyska retint un gémissement en ressentant l’éclair de douleur dans sa jambe et se reprit. Elle gesticula pour retrouver la surface et lorsque sa tête émergea, elle prit une grande inspiration et leva le regard vers la berge en se disant que ce n’était pas amusant. Elle réalisa alors que le courant l’avait emmenée un peu plus loin et si elle voulait retrouver Elleynah, elle devrait nager à contre-courant.

- C’est bon. Tu peux y arriver. C’est seulement quelques mètres, ce n’est pas le lac Chen, s’encouragea-t-elle.

Elle mit en pratique les mouvements qu’elle avait pratiqués plus tôt dans la journée. Mais les forces n’y étaient plus autant et la fatigue se faisait sentir dans ses muscles. Et elle ne pouvait pas toucher le fond afin de s’arrêter un moment et reprendre son souffle. Elle devait sans cesse nager, gesticuler dans l’eau pour ne pas couler. Et l’eau était froide. Elle sentait déjà ses dents claquer. Même si les journées étaient belles, les nuits étaient encore fraîches et l’eau des rivières pouvait être glaciale. Tout en nageant, elle essaya de penser à autre chose et elle se permettait d’ouvrir la bouche pour parler à Elleynah entre deux souffles.

- Je ne sais pas si je le mérite, mais je me demandais, il nous reste combien de temps avant d’arriver à destination ?

Elle se tut rapidement pour reprendre son souffle. Son avancée se faisait plus lente, mais elle cherchait dans la moindre force de ses membres pour avancer jusqu’à la berge. Elle n’allait pas se noyer dans le milieu de cette rivière noire. Pas question. Et tout en avançant, elle essayait de se distraire. De penser à autre chose qu’à ses muscles endoloris et la douleur dans sa jambe. Elle pensait à une couverture chaude, à une bonne nuit de sommeil qui lui serait peut-être inconnu à partir de maintenant, à un bon repas aux saveurs multiples. Et au bout de ce qui lui sembla une éternité, elle retrouva la terre ferme et encore, elle ne savait pas comment elle avait pu y arriver. Elle s’avança lentement sur le sol, le souffle rauque et les muscles douloureux. Elle avait toujours eu l’habitude de s’entrainer, mais la fatigue commençait à lui peser et l’empêchait de reprendre toutes ses forces. Elle récupérait tout de même et pouvait répéter un effort physique après quelque temps de repos, mais une véritable sieste lui permettrait de se ressourcer au complet. Par contre, elle savait très bien qu’elles n’avaient pas ce luxe.

- En arrivant, on aura droit à une vraie sieste ? Ce n’est pas que je veux me plaindre, mais je pense que je suis encore très faible.

Ça lui faisait mal de l’admettre, mais c’était la vérité. Elle n’avait pas la force de nager pendant des heures et de passer une nuit sans dormir. Les événements de la journée, de la soirée et l’adrénaline qui l’avait envahie la laissait avec une fatigue soudaine. Les entrainements et les longues heures à cheval épuisaient ses muscles. Et le manque de sommeil se faisait sentir de plus en plus. Elle se sentait misérable, mais elle n’arrivait plus à se mettre debout sans ressentir les effets de la gravité avec force sur son corps. Elle se releva tout de même en ramassant le bâton qu’elle avait échappé. Elle repoussa ses cheveux mouillés vers l’arrière et prit une grande inspiration. Elle porta son poids sur la jambe qui n’était pas blessé et regarda par la suite son maître. Elle était prête pour la suite. Quelle qu’elle soit.

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Au fond d'elle, Elleynah savait que la pause qu'elles s'octroyaient n'était pas prudente. En quelques instants, tout pouvait basculer. Il suffisait de quelques poursuivants, d'un ou deux dessinateurs - des mentaïs ? - assez doués pour faire un pas sur le côté, et c'en serait finit d'elles. La marchombre ne pouvait pas encore espérer avoir un niveau suffisant pour affronter à nouveau sa famille. Pendant un instant, ses pensées voguèrent vers les personnes qu'elle avait côtoyée pendant les deux ans qu'elle avait passé au camp, et comme à chaque fois, son coeur se serra légèrement. Elle les détestait, c'était un fait. Mais au-delà de cette haine naturelle qui brûlait mais ne la consumait pas, il y avait autre chose. Autre chose qu'elle étouffait du mieux qu'elle pouvait, mais sans réel succès jusqu'à présent. Elleynah était marchombre, et elle en était désormais intimement persuadée. Ca ne l'empêchait pas d'éprouver de l'amour pour ceux qu'elle avait trahi. Elleynah aimait.

La rousse remercia silencieusement la noirceur de la nuit, qui masquait à merveille les émotions qui hurlaient en elle. Elle n'était pas en paix avec elle-même par rapport à ce qu'elle pouvait ressentir, et si elle avait conscience que c'était un des points à travailler, ça n'était pas aussi simple qu'elle l'aurait voulu. Il ne suffisait pas de vouloir supprimer ces images et ces sentiments pour qu'ils s'envolent comme par magie et ne reparaissent plus jamais. Encore aujourd'hui, lorsqu'elle fermait les yeux, elle voyait ces visages... Leurs visages. A travers l'opacité du manteau nocturne, Elleynah grimaça. Elle fixait son apprentie. Elle avait encore l'air si fragile, si frêle... Et pourtant, celui qui savait voir ne pouvait passer à côté ni de la force qu'elle dégageait, ni de l'énergie, presque bestiale, qu'elle avait en elle. Elle progressait déjà à une vitesse impressionnante, avec un courage qui laissait présager beaucoup de bonnes choses pour leur futur.

- Mériter ? Comment ça ?

Elleynah ne répondit pas. Il n'y avait rien à répondre. Wyska parlait encore beaucoup trop : elle posait des questions qui n'avaient pas lieu d'être poser, et elle gaspillait une énergie précieuse à formuler des pensées auxquelles elle pourrait simplement apporter des réponses. Elleynah se mouvait sans jamais risquer de s'épuiser, avec une aisance impressionnante. Pourtant, un oeil plus entraîné et connaisseur aurait pu deviner sans mal que la rousse était loin d'être dans sa meilleure forme. Il était agaçant pour ne pas dire insupportable de se sentir ainsi diminuée dans ses capacités. Mais elle devait reconnaître qu'elle avait bien rattrapé une partie du retard accumulé, et que ses faiblesses s'évanouissaient de jour en jour. Mais il y en avait encore tellement... La marchombre se baissa, donna un coup relativement faible à Wyska. Un coup qui fut amplement suffisant pour la déséquilibrer et l'envoyer dire bonjour aux poissons de la rivière.

D'un regard toujours aussi dur, Elleynah fixa son apprentie. Elle tenait son bâton dans une main, tandis que ses bras étaient croisés sous sa poitrine. A cet instant précis, Elleynah ne comptait absolument pas bouger. Elle avait l'air si ancrée dans le sol qu'elle donnait l'impression qu'elle aurait laissé son apprentie se noyer plutôt que de bouger pour lui venir en aide. Ca n'était pas si éloigné de la réalité. La marchombre rousse n'avait pas la moindre intention de se déplacer, et encore moins l'envie de se mouiller par des températures aussi fraîches. Seulement, Elleynah savait que Wyska ne se noierait pas. Elle se débrouillait déjà mieux que la veille, et les conditions étaient bien moins clémentes que lorsque la maître marchombre l'avait envoyée nager en plein jour, sous les rayons d'un soleil à la chaleur réconfortante et dans une eau sûrement plus chaude que celle-là.

- Je ne sais pas si je le mérite, mais je me demandais, il nous reste combien de temps avant d’arriver à destination ?

Elleynah continua à la fixer en silence pendant quelques instants. Wyska avait du mal et se débattait autant qu'elle le pouvait avec les flots - dont le courant menaçait de l'emporter à chaque erreur. Pourtant, la jeune fille ne baissa pas les bras. Malgré la fatigue, les émotions, le froid, la violence des promesses de sa nouvelle vie, Wyska se débattit et finit par réussir à regagner la rive, à l'endroit même où elle était tombée. L'impression était très certainement amplifiée par les pauvres rayons lunaires qui parvenaient à percer l'obscurité, mais l'acrobate semblait épuisée. Pendant l'espace d'une seconde, Elleynah crut voir son propre reflet, émacié, malade, morbide, dans les yeux de son apprentie. Elle frissonna mais chassa aussi vite qu'elle le put cette image qu'elle n'avait pas encore digéré, malgré un travail physique et psychologique quotidien.

- En arrivant, on aura droit à une vraie sieste ? Ce n’est pas que je veux me plaindre, mais je pense que je suis encore très faible.

Elleynah offrit un sourire bien plus sinistre que ce qu'elle aurait souhaité à Wyska. Le sommeil était une notion qu'on apprenait à oublier lorsque l'on devenait marchombre. Il n'y avait jamais de véritable repos, parce qu'il s'agissait de toujours être sur ses gardes. Toujours être prêt à faire face à n'importe quelle éventualité. Il s'agissait d'être capable de se relever, d'attraper une arme et de riposter en moins d'une seconde, mais lorsque l'on était endormi. Le marchombre prenait son repos lorsqu'il s'autorisait à voyager avec le vent, ou à se couler parmi l'Onde majestueuse des flots. Il se ressourçait en effectuant la gestuelle marchombre, et lorsqu'il fermait les yeux, ça n'était jamais pour s'en aller bien loin. Être marchombre, être libre, signifiait qu'on acceptait de devoir se battre pour cette liberté. A n'importe quelle heure du jour et de la nuit, quelque soit ses conditions physiques.

- Si tout va bien, nous pouvons espérer arriver à la mi-journée. Tu auras le droit de te reposer, mais pas trop longtemps. Nous avons du travail.

Et sans crier gare, Elleynah se remit en mouvement, balançant à nouveau son bâton avec force et vivacité. Après quelques échanges, elle cueillit Wyska en plein ventre et l'envoya à nouveau dans l'eau. Cette fois, la marchombre la retint avec son bâton pour l'empêcher d'être emportée par le courant. Elle était déjà satisfaite par le travail que son apprentie fournissait, et la blessure qu'elle avait à la jambe ne lui avait pas échappé. Elle observa la jeune fille un instant, la sondant de son regard comme si elle était capable de lire en elle et de comprendre chacune de ses failles, puis elle finit par hocher la tête, comme si elle était venue à bout d'un conciliabule silencieux mené avec elle-même. Lorsqu'elle fut à nouveau sur la terre ferme, Elleynah posa son arme sur l'épaule de la jeune fille.

- Tes mouvements manquent de fluidité parce que tu n'es pas en accord avec le monde. Soit fière de ce que tu es, Wyska, et soit fière d'être là où tu es. Sent la terre bouger sous tes pieds, le vent caresser chaque partie de ton corps et accompagne-les dans tes mouvements. Cesse de lutter contre les éléments. Tu dois apprendre à comprendre ce qui t'entoure, et à en faire une force et un soutien indéfectible dans tout ce que tu fais. Tout à l'heure, tu as eu du mal à remonter la rivière parce que tu n'étais pas son amie, mais son ennemie. Tu luttais contre elle alors que tu aurais dû la comprendre et l'accompagner : alors, elle t'aurait aidée à revenir vers moi.

Elleynah envoya son arme en l'air, et ouvrit sa main, paume vers le ciel. Au bout de trois secondes, le bâton vint se poser dans sa paume, et elle le planta dans le sol rendu mou par l'humidité. L'abandonnant là, elle s'approcha de Wyska et posa une main sous le menton de la jeune fille. Les yeux dans les yeux, leurs visages proches l'un de l'autre, le monde semblait s'être arrêté autour d'elles, comme si rien d'autre qu'elles n'existait à ce moment précis. Le regard d'Elleynah redevint doux et bienveillant, abandonnant les éclats durs qu'il avait revêtu un peu plus tôt. Elle sourit avec tendresse à Wyska, sans pour autant relâcher son menton ou s'éloigner d'elle.

- Tu dois apprendre à te connaître et à te faire confiance, Wyska Benorith. Tu as ce qu'il faut en toi. Tu entends déjà le murmure des flots et celui du vent. Tu sens déjà les palpitations du coeur de la terre, les rires et les pleurs de la lune ou les éclats de voix du soleil. Seulement, tu n'écoutes pas. Tu pourrais tout voir, mais tu fermes encore les yeux. Je n'ai pas dit que c'était simple, et celui qui prétend le contraire est un idiot. Je suis là pour t'apprendre à t'ouvrir à ces sensations-là, mais ça n'est pas moi qui fait le travail. C'est toi. Tu es la seule à le pouvoir. Et si tu n'en étais pas capable, tu ne serais pas ici avec moi.

Elleynah avait déjà une confiance indéfectible en son apprentie. Elle n'avait jamais vu personne apprendre aussi vite, avec une aussi grande efficacité et un aussi grand désir d'avancer et de progresser. Si Wyska était déjà capable d'entrevoir un début de compréhension, Elleynah avait hâte de voir ce qu'elle pourrait faire dans plusieurs mois. Elle était inquiète, à cause des ennuies qu'elle trainait derrière elle, mais rassurée parce qu'une certitude avait remplacé ses peurs d'antan. Wyska devait vivre, et elle vivrait. Elle vivrait pour devenir marchombre, et serait une grande marchombre. Elleynah veillerait à ce qu'elle profite d'un enseignement de qualité, qui lui permettrait de progresser autant qu'elle le devait, et de s'ouvrir autant qu'elle le pouvait. Un jour Wyska, tu prendras ton envol. Et ce jour-là, je donnerai tout ce que j'ai encore pour te voir déployer tes ailes. Elleynah posa une main sur le torse de la jeune fille.

- N'ait pas peur de voir ou d'écouter ce qu'il y a ici, Wyska.

Puis, sans rien ajouter, Elleynah la relâcha, tourna les talons et reprit le bâton planté dans le sol. Elle le fit tourner entre ses mains avant de le replier. Elle reprit également l'autre bâton, celui qu'elle avait prêté à Wyska, et le replia également. Un jour peut-être, elle lui ferait cadeau d'un bâton identique, qui serait vraiment le sien. Un jour. Elle n'était pas encore prête pour ce genre de chose. D'un pas léger, elle s'approcha de son sac, toujours accroché à sa jument, et les rangea. A la place, elle sortit de son sac une couverture épaisse et chaude qu'elle lança à son apprentie, encore trempée à cause de sa petite baignade nocturne.

- Il fait froid ce soir, il ne faudrait pas que tu tombes malade. Je n'ai pas d'autres habits à te donner pour le moment, mais enveloppe toi dans cette couverture, et ça devrait aller.

Sans rien ajouter, la marchombre remonta souplement sur le dos de sa jument et jeta un regard à Wyska.

- Nous repartons. Les chevaux ont eu une pause suffisante pour récupérer, et j'ai cru comprendre que tu étais pressée d'arriver à destination.

Puis, Elleynah fit claquer sa langue, et Zéphyr secoua sa longue crinière noire avant de reprendre sa progression d'un pas tranquille.

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Lorsqu’elle remonta en selle, avec difficulté, et usant de ses dernières énergies, elle se laissa choir sur le dos de Tonnerre. Elle serra la couverture chaude autour de ses épaules et enfouit son visage un moment, fermant les yeux et profitant de ce confort qu’elle ressentait soudainement. En relevant la tête, son regard se posa presque aussitôt sur la marchombre qui se tenait quelques pas en avant. Elleynah paraissait par moment dure, intraitable et sévère, mais aussi incroyablement douce et encourageante. Et chaque fois que Wyska voyait cette tendresse dans son regard, elle savait qu’elle ne renoncerait jamais à cette voie qui était la sienne. Elle n’hésitait plus. Elle ne regardait pas en arrière. Elle gravait les indices que lui fournissait Elleynah dans son esprit. Impatiente de tout apprendre, de tout comprendre. Elle voulait progresser plus rapidement qu’elle ne le pouvait. Caresser cette voie avec douceur. La joie l’envahissait à chaque petite victoire, même si elle n’avait presque rien appris encore. Elle était tout simplement impatiente. Elle était épuisée, certes. L’envie de se reposer se faisait très fort et pourtant, une autre partie d’elle ne voulait pas arrêter. Le sourire éclairait son visage alors que les chevaux avançaient dans la nuit. Elle était heureuse d’être où elle était. Même si les muscles de son corps étaient engourdis. Même si elle avait mal. Et même si elle peinait à garder les yeux ouverts. Elle ne voulait rien d’autre à ce moment précis.

Les minutes s’écoulaient en silence. Wyska repensait aux paroles d’Elleynah. Lorsque la marchombre avait posé son regard dans le sien, le monde avait semblé s’arrêter autour d’elles. Rien n’avait plus d’importance mise à part les mots de la femme. « Tu dois apprendre à te connaître et à te faire confiance, Wyska Benorith. Tu as ce qu’il faut en toi. Tu entends déjà le murmure des flots et celui du vent. Tu sens déjà les palpitations du cœur de la terre, les rires et les pleurs de la lune ou les éclats de voix du soleil. Seulement, tu n’écoutes pas. Tu pourrais tout voir, mais tu fermes encore les yeux. Je n’ai pas dit que c’était simple, et celui qui prétend le contraire est un idiot. Je suis là pour t’apprendre à t’ouvrir à ces sensations-là, mais ça n’est pas moi qui fait le travail. C’est toi. Tu es la seule à le pouvoir. Et si tu n’en étais pas capable, tu ne serais pas ici avec moi. N’ait pas peur de voir ou d’écouter ce qu’il y a ici, Wyska. » L’apprentie porta la main à son cœur. Ce que lui avait dit Elleynah lui réchauffait le cœur et l’encourageait à persévérer. Elle y arriverait. Elle devait apprendre à écouter. À voir. Elleynah était là pour l’aider. Elle lui tendrait la main ; elle lui montrerait. Mais Wyska était celle qui devait le faire. Et elle le ferait.

Fermant les yeux, l’apprentie calma sa respiration. Son corps s’accorda au mouvement du cheval qui avançait. Elle écouta les battements de son cœur et apprécia le silence vivant que leur procurait la nuit. Plutôt que de se plonger dans ses pensées comme elle le faisait si souvent, elle ouvrit son esprit à ce qui l’entourait. Ressentir l’existence du monde qui l’entourait. Elle sentit d’abord la caresse du vent sur son visage. Douce et piquante tout à la fois. La nuit se montrait fraîche, mais enrouler dans la couverture, Wyska n’avait pas froid. Elle entendait les pas des chevaux et sentait la présence rassurante d’Elleynah près d’elle. Le monde s’étendait à leurs pieds et il n’attendait que d’être compris. Avec un sourire, l’acrobate ouvrit les yeux. Dans le calme de la nuit, elle essayait d’écouter, se concentrer sur les murmures du monde auquel elle appartenait. Par contre, elle n’entendait que l’eau qui s’écoulait avec nonchalance et le battement d’aile d’un oiseau qui passait au-dessus de leur tête par moment. Elle se doutait bien qu’elle ne réussirait pas du premier coup, mais elle ressentit une pointe de déception malgré tout. Elle voulait tant être capable de tout accomplir, mais les échecs lui renvoyaient à sa faiblesse. Elle devait y faire face. Apprendre et se dépasser. Elle n’allait pas se laisser abattre. Elle n’entendait peut-être rien de ce qu’elle voulait à l’instant, mais une certitude caressait le fond de son âme. Elle était au bon endroit. Elle leva les yeux au ciel pour admirer les étoiles et la lune qui éclairait faiblement le chemin. Elle plongea son regard dans la lumière de l’astre céleste, qui avait longtemps écouté ses moindres secrets, ses moindres inquiétudes. Une chaleur s’installait au creux de son âme alors qu’elle murmurait quelques mots à la nuit. Remerciement, joie et certitude. Elle lui partagea tout à demi-voix.

Ce fut après une longue route, durant laquelle Wyska ne put s’empêcher de sombrer par moment dans la somnolence que les mouvements de Tonnerre venaient éveiller au bout de quelques minutes, qu’elles arrivèrent à destination. Une expression soulagée était apparue sur le visage de l’apprentie. Dès qu’elle posa le pied à terre, avec un peu de difficultés il fallait avouer, ses jambes endolories et ses fesses engourdies lui rappelèrent qu’elle n’avait pas l’habitude de monter à cheval. Surtout pour une si longue randonnée. Elle sentait ses muscles élancés alors qu’elle s’occupait de Tonnerre. Après avoir brossé et nourri l’étalon, Wyska suivit Elleynah à l’intérieur. Et dès l’instant où elle s’allongea, le sommeil l’envahit sans qu’elle ne puisse rien y faire. Elle était épuisée et elle ne pouvait pas garder les yeux ouverts une minute de plus.

Quelques heures plus tard, elle fut réveillée par un bruit provenant de l’extérieur. Elle ouvrit les yeux et laissa son regard se diriger lentement vers la fenêtre. Elle constata que le soleil était rendu bien bas. Elleynah l’avait laissée se reposer et malgré le peu de sommeil, Wyska se sentait en pleine forme. Elle s’étira lentement, sentait son corps endolori par les efforts physiques auxquels elle n’était pas habituée. Par la suite, elle se leva et se mit en tête de trouver Elleynah, car celle-ci n’était pas dans la pièce. S’approchant d’une fenêtre, Wyska laissa son regard parcourir le paysage. La tranquillité des lieux fut la première chose qui retint son attention. Puis, elle remarqua un petit oiseau piquant le bois d’un vieil arbre. Avec un sourire, elle admira un moment le petit animal au long bec, avant de se diriger vers l’extérieur.

Elle se glissa par la porte sans un bruit et avança prudemment sur le terrain. Il n’y avait personne. Elle croisa un lièvre en marchant vers l’arbre, mais ce fut le seul mammifère qui croisa son chemin. Elle s’arrêta quelques mètres plus loin, devant l’arbre que l’oiseau avait finalement épargné. L’apprentie posa sa main sur le bois rugueux et puissant de l’arbre centenaire. Ses branches étaient larges, fortes et grimpaient haut dans le ciel. Sans un moment d’hésitation, elle sauta pour atteindre la première branche. Elle s’y hissa avec facilité, malgré ses muscles courbaturés. Une fois sur la branche, elle avisa le chemin à poursuivre pour atteindre le sommeil. Lorsqu’elle fut décidée, elle commença son parcours. Elle grimpait, marquant parfois une hésitation, mais l’arbre lui offrait des branches larges et faciles d’accès l’une à l’autre. Elle se rendit le plus haut que lui permettait les branches et son poids. Une fois là-haut, elle s’arrêta un moment pour observer la beauté du monde sous le soleil d’après-midi. Elle sourit, paisible. Puis, elle s’assit sur la branche, fit la paix dans son esprit et calma sa respiration. Elle écouta le bruissement des feuilles et le sifflement du vent. Elle se laissa envahir par les sensations. Lorsqu’elle ouvrit à nouveau les yeux, l’éclat du soleil sur l’eau d’un lac l’aveugla un instant. Elle se sentait étrangement en accord avec la nature qui la dominait. Même si elle ne comprenait pas, elle apprenait à écouter. Lentement, mais elle apprenait. Assis là-haut, elle se sentait paisible, calme. En harmonie avec elle-même. Elle prit ensuite une grande inspiration et amorça sa descente.

Au moment où ses pieds touchèrent le sol, elle jeta un regard à la ronde et s’avança vers la source d’eau qui s’étendait à quelques mètres de là. Elle retira le fourreau qu’Elleynah lui avait donné, le regarda un moment avant de le déposer près d’une roche. Puis, elle s’étira et comme elle avait l’habitude de le faire, elle se lança dans ses routines acrobatiques qu’elle connaissait par cœur. Elle ne voulait pas perdre la forme qu’elle avait acquise avec ses années d’entrainement et ressentait ce besoin d’étirer ses membres et de pratiquer l’agilité qui la caractérisait si bien. Les nouveaux vêtements que lui avait offerts son maître étaient comme une deuxième peau et n’empêchaient aucun de ses mouvements. Plus elle les mettait à l’épreuve et plus elle était surprise.

Dès qu’elle eut terminé sa dernière routine, elle ne prit pas le temps de s’asseoir et retira ses vêtements pour s’avancer dans l’eau. Malgré le printemps frisquet, la morsure de l’eau froide lui fit grand bien sur sa peau réchauffée par le soleil. Elle avança jusqu’à ce que ses pieds ne puissent plus toucher le fond et se retourna. Elle nagea jusqu’à la rive, puis s’en éloigna. Par moment, elle se laissa porter par le courant, et à d’autres elle essaya de glisser entre les vagues. C’était toujours aussi difficile, mais elle avait l’impression de comprendre déjà mieux que la veille. Elle se rapprochait à nouveau de la berge lorsqu’elle reconnut la silhouette qui s’y tenait. Un petit sourire se dessina sur les lèvres de l’apprentie.

- Je n’ai pas pu résister à l’appel de l’entrainement, dit-elle avec un certain amusement à Elleynah.

Elle était sincère. Wyska avait toujours passé sa vie à s’entrainer. C’était différent du cirque, elle avait conscience. Mais ça ne changeait pas celle qu’elle était. Elle ne pouvait pas arrêter lorsqu’elle avait un but en tête. Son entrainement ne faisait que commencer et elle n’était pas au bout de ses peines. Elle s’en doutait. Et elle voulait apprendre les bases le plus rapidement possible, les maîtriser pour s’enfoncer toujours plus loin. En apprendre toujours plus. Se dépasser complètement.

***


Les jours passaient. Et si la plupart du temps, Wyska ne sentait plus son corps lorsqu’elle s’allongeait, jamais elle ne s’était sentie aussi heureuse de vivre. Elle se réveillait trop tôt. Elle se couchait, épuisée, parfois pour quelques heures seulement. Elle donnait le maximum d’elle-même à chaque épreuve. Elle repoussait des limites qu’elle n’aurait jamais pensé atteindre. Et elle redécouvrait le monde dans lequel elle avait grandi. Avec l’aide d’Elleynah, elle essayait de comprendre la nature avec laquelle elle vivait. Elle essayait de s’harmoniser avec elle, d’écouter ce qu’elle avait à dire et de converser avec elle. Plus le temps avançait et plus elle réalisait qu’elle avançait. Elle ressentait le monde d’une façon différente. Même si cela faisait peu de temps qu’elle arpentait la Voie, elle avait conscience que des changements s’opéraient déjà en elle. Elle s’ouvrait complètement à ses changements ; elle les accueillait avec le sourire. Elleynah lui avait tendu la main et depuis que Wyska avait accepté cette proposition, tout prenait maintenant son sens. Elle était exactement là où elle devait être.

Wyska leva les yeux au ciel. Assise seule au sommeil d’une colline, elle écoutait le chant des étoiles. Celles-ci récitaient la nuit. L’apprentie conversait doucement avec la lune, comme elle l’avait toujours fait. Partageant ses pensées, ses découvertes, les difficultés et les joies qui l’accompagnaient. Elle ne comprenait pas tout encore, mais elle accueillait les sensations que lui transmettait chaque élément. Ce fut le murmure du vent qui lui rappela que quelqu’un l’attendait. Sans attendre, elle offrit un dernier sourire à la nuit avant de se dépêcher pour rejoindre Elleynah. La marchombre se tenait près de Zéphyr et Wyska s’approcha de Tonnerre pour lui caresser l’encolure. Elle posa ensuite son regard sur son maître.

- Nous repartons ce soir ? demanda-t-elle avec curiosité.

Elleynah ne lui avait pas dit ce que serait la suite du voyage. Mais l’apprentie avait été prête à repartir à tout moment s’il le fallait. Elle ne savait pas où elles allaient, mais ça avait peu d’importance pour l’instant. Elle faisait complètement confiance à Elleynah et, plutôt que de se prendre la tête avec des questions sans importance, elle préférait concentrer son énergie sur son entrainement. Elle avait encore beaucoup à apprendre. Elle avait l’impression qu’elle n’avançait pas assez vite, même si chaque minute qui passait elle faisait un pas en avant. Elle apprenait à danser avec la rivière, mais ses pas étaient encore hésitants. Il lui arrivait trop souvent de tomber. Elle apprenait à écouter les murmures de la nuit, mais ne les comprenait pas encore complètement. Elle apprenait à se mouvoir plus silencieusement qu’une ombre, mais le tapis de feuilles au sol lui jouait parfois des tours. Elle avançait à chaque jour qui passait, et apprenait à vaincre ses faiblesses. Elle n’avait pas l’intention d’abandonner parce que les choses se montraient difficiles. Il y avait une tonne de cours d’eau en Gwendalavir. Elle aurait d’autres moments pour devenir amante de l’océan. Le monde continuait de lui parler et si elle l’écoutait, elle finirait par comprendre. Toujours vers l’avant, elle avancerait. Wyska sourit à Elleynah. Elle se sentait impatiente de repartir. Elle ne maîtrisait pas encore tout ce que lui avait appris la marchombre, mais elle restait confiante. Elle n’allait pas arrêter d’apprendre en chemin. Bien au contraire.

[Rp Terminé]

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