descriptionPour faire le portrait d'un oiseau
Été 165, 1er mois
Le doux son de l’eau se déversant joyeusement dans une fontaine égayait l’atmosphère paisible de cette cour intérieure de l’Académie d’Al-Jeit. L’immense bâtiment recelait d’une multitude de ces petits havres de paix verdoyants et ce fut avec délectation qu’Énéole y trouva refuge. Elle plongea les mains dans l’eau fraiche et s’en aspergea le visage. Quelle chaleur ! Elle avait bien cru se dessécher entièrement durant le peu de temps qu’il lui avait fallu pour venir depuis le Palais Impérial. Aucun doute, l’été était bien là ! Les grandes rues ensoleillées de la capitale étaient désertées dès la fin de matinée, et tous quêtaient l’ombrage des étroites ruelles des différents quartiers. Pour l’heure, ce jardin était encore désert, comme les étudiants suivaient encore leurs cours du matin.
Admirant la flore colorée des lieux, la jeune femme replaça distraitement une mèche sombre qui s’était échappée de son chignon. Elle s’installa confortablement sur la margelle de la fontaine, lissant du plat de la main sa longue jupe turquoise. Elle apprécia un instant l’air frais sur ses pâles épaules laissées nues par une simple chemise blanche sans manche. Puis elle se mit à fouiller dans sa sacoche en cuir, parmi les carnets et les étuis. Elle écarta sans regret les notes de ses entrevues du matin. Les discussions avec certains nobles, ou bien leurs conseillers, pouvaient être interminables. Heureusement, d’autres savaient se montrer très direct. Certains projets discutés intéresseraient grandement son Seigneur, mais son rapport attendrait l’après-midi.
Énéole se sentait effectivement affamée. Elle tira enfin du sac son déjeuner, enveloppé dans un carré en tissu qu’elle posa sur ses genoux. Elle ne résistait jamais en passant la devanture de la boulangerie du coin du Lac Miroir. Ah, les tourtes y étaient fameuses ! Particulièrement celle au Coureur, agrémentée d’épices. Elle contempla quelques brèves secondes la belle pâte dorée avant de l’attaquer avec avidité. Malgré cela, elle mangeait tout de même de manière très distinguée.
Tout en savourant son repas, elle laissa ses pensées dériver vers Kastiel. Voilà longtemps qu’elle n’avait pas vu le jeune professeur. Ils s’échangeaient de temps à autre des messages grâce à leurs Chuchoteurs respectifs, mais prenaient rarement un moment pour se parler de vive voix. Pourtant, tous deux vivaient à Al-Jeit ! Mais la charge de conseillère pour l’une et de professeur en cycle avancé pour l’autre ne leur laissait plus guère de répits. Quand elle l’avait rencontré, il enseignait encore uniquement en premier cycle. Elle avait alors eu le plaisir de suivre ses cours d’Histoire du Dessin pendant trois ans. C’était un homme facilement abordable, agréable, et les années les séparant n’étaient pas si nombreuses, si bien que, lorsqu’elle ne fut plus son élève, leur relation évolua en amitié. Énéole n’avait également pu cacher sa curiosité pour son Don de Navigateur. Toutes les formes du Dessin la passionnaient et, contrairement à ce qu’on aurait pu croire vu son arrogance habituelle, elle faisait preuve de respect envers tous ceux qui usaient d’un Don particulier.
Un brouhaha d’abord lointain, puis de plus en plus proche, commença à s’élever, la sortant de ses réflexions. Les cours devaient s’être achevés. La dessinatrice s'imagina les étudiants qui se déversaient dans les couloirs de l'Académie : de futurs dessinateurs, mais aussi historiens, conseillers, professeurs... Elle eut un léger sourire au souvenir des sorties de cours à l’époque où elle-même étudiait. Sourire qui fit bientôt place à la surprise, puis à l’agacement.
« Va donc manger des graines, comme tes semblables ! », s’exclama-t-elle, irritée.
Voilà qu’un petit oiseau s’était invité à son déjeuner, picorant sans gêne les miettes tombées sur la serviette couvrant ses genoux. Celui-là n’avait pas froid aux yeux et ne semblait pas décidé à partir. Le passereau tourna même un bec menaçant vers le morceau de tourte qu’elle avait encore en main.
« Toi… », murmura Énéole en le fixant du regard.
Et l’oiseau se retrouva en cage.
Le doux son de l’eau se déversant joyeusement dans une fontaine égayait l’atmosphère paisible de cette cour intérieure de l’Académie d’Al-Jeit. L’immense bâtiment recelait d’une multitude de ces petits havres de paix verdoyants et ce fut avec délectation qu’Énéole y trouva refuge. Elle plongea les mains dans l’eau fraiche et s’en aspergea le visage. Quelle chaleur ! Elle avait bien cru se dessécher entièrement durant le peu de temps qu’il lui avait fallu pour venir depuis le Palais Impérial. Aucun doute, l’été était bien là ! Les grandes rues ensoleillées de la capitale étaient désertées dès la fin de matinée, et tous quêtaient l’ombrage des étroites ruelles des différents quartiers. Pour l’heure, ce jardin était encore désert, comme les étudiants suivaient encore leurs cours du matin.
Admirant la flore colorée des lieux, la jeune femme replaça distraitement une mèche sombre qui s’était échappée de son chignon. Elle s’installa confortablement sur la margelle de la fontaine, lissant du plat de la main sa longue jupe turquoise. Elle apprécia un instant l’air frais sur ses pâles épaules laissées nues par une simple chemise blanche sans manche. Puis elle se mit à fouiller dans sa sacoche en cuir, parmi les carnets et les étuis. Elle écarta sans regret les notes de ses entrevues du matin. Les discussions avec certains nobles, ou bien leurs conseillers, pouvaient être interminables. Heureusement, d’autres savaient se montrer très direct. Certains projets discutés intéresseraient grandement son Seigneur, mais son rapport attendrait l’après-midi.
Énéole se sentait effectivement affamée. Elle tira enfin du sac son déjeuner, enveloppé dans un carré en tissu qu’elle posa sur ses genoux. Elle ne résistait jamais en passant la devanture de la boulangerie du coin du Lac Miroir. Ah, les tourtes y étaient fameuses ! Particulièrement celle au Coureur, agrémentée d’épices. Elle contempla quelques brèves secondes la belle pâte dorée avant de l’attaquer avec avidité. Malgré cela, elle mangeait tout de même de manière très distinguée.
Tout en savourant son repas, elle laissa ses pensées dériver vers Kastiel. Voilà longtemps qu’elle n’avait pas vu le jeune professeur. Ils s’échangeaient de temps à autre des messages grâce à leurs Chuchoteurs respectifs, mais prenaient rarement un moment pour se parler de vive voix. Pourtant, tous deux vivaient à Al-Jeit ! Mais la charge de conseillère pour l’une et de professeur en cycle avancé pour l’autre ne leur laissait plus guère de répits. Quand elle l’avait rencontré, il enseignait encore uniquement en premier cycle. Elle avait alors eu le plaisir de suivre ses cours d’Histoire du Dessin pendant trois ans. C’était un homme facilement abordable, agréable, et les années les séparant n’étaient pas si nombreuses, si bien que, lorsqu’elle ne fut plus son élève, leur relation évolua en amitié. Énéole n’avait également pu cacher sa curiosité pour son Don de Navigateur. Toutes les formes du Dessin la passionnaient et, contrairement à ce qu’on aurait pu croire vu son arrogance habituelle, elle faisait preuve de respect envers tous ceux qui usaient d’un Don particulier.
Un brouhaha d’abord lointain, puis de plus en plus proche, commença à s’élever, la sortant de ses réflexions. Les cours devaient s’être achevés. La dessinatrice s'imagina les étudiants qui se déversaient dans les couloirs de l'Académie : de futurs dessinateurs, mais aussi historiens, conseillers, professeurs... Elle eut un léger sourire au souvenir des sorties de cours à l’époque où elle-même étudiait. Sourire qui fit bientôt place à la surprise, puis à l’agacement.
« Va donc manger des graines, comme tes semblables ! », s’exclama-t-elle, irritée.
Voilà qu’un petit oiseau s’était invité à son déjeuner, picorant sans gêne les miettes tombées sur la serviette couvrant ses genoux. Celui-là n’avait pas froid aux yeux et ne semblait pas décidé à partir. Le passereau tourna même un bec menaçant vers le morceau de tourte qu’elle avait encore en main.
« Toi… », murmura Énéole en le fixant du regard.
Et l’oiseau se retrouva en cage.