descriptionOwen Finnegan
Owen Finnegan
Étranger Aline à tendance dessinateur Musicien(ne)
Généralités
- Nom
- Finnegan
- Prénom
- Owen
- Genre
- Homme
- Âge
- Date de Naissance
- Été de l'année 143
- Lieu de Naissance
- Laestroit, entre la Jungle d'Hulm et la Voleuse.
- Peuple
- Faël de mère, aline de père, alavirien de grand-mère. Un savant mélange d'un tout improbable.
- Métier
- Musicien
Description Physique
"Your heart is more than a Machine. Pumping blood through your body, doing things you've never seen." | S.H.
Cette douceur sous mes doigts, est-ce ma peau ? Je peine à en voir la couleur... Je sens ces courts poils courir le long de mes avant-bras, lisses. Mes longs doigts glissent dans ces cheveux soyeux semi-bouclés qu'ils disent blés. Devrais-je les croire sur parole ? Une couleur ou une autre, quelle différence ? Ce vocabulaire importe peu. Ces doigts tortillent les nombreuses mèches pourtant si fines, descendant vers ce visage fin qu'ils m'avouent symétrique. Mes sourcils sont feuillus, ma bouche fine. Je sens aux commissures de mes lèvres deux petites fossettes qui dansent au rythme de mes lèvres et de leurs rires.
Mes yeux, si grands et pourtant tellement insignifiants. Univers profond, univers vide. Mort. Mon index ne s'attarde pas dessus. Ils n'en valent pas la peine.
Glissant contre ce cou fin, je sens mon instrument trembler, mes paumes glissent encore, s'arrêtent. Bras croisés, je sens cette envie de la serrer dans mes bras revenir à nouveau. Pourquoi ici et pourquoi maintenant ? Le temps s'était évaporé, mais elle restait là, au coeur de cet espace battant sans cesse. Là, dans ma poitrine. Je le sens si bien, à présent. Il parle, il bat. Fort. Je le sens toujours. Tellement puissant. Pompe ultime brisée tant de fois qui pourtant ne cesse de se relever et de se battre.
Il bat pour elle. Toujours. Encore. A jamais.
Chassées, ces pensées. Mes mains se remettent à scruter ce corps élancé, grand, très grand. Trop. Qu'est-ce que grand ? Ce mot est abstrait. Aucun autre ne me vient malheureusement à l'esprit. Je suis grand, c'est tout. Grand et fin, je ne perçois qu'un rêve de musculature. Un rêve qui jamais ne saurait être réalité, j'ai abandonné depuis longtemps. J'ai laissé cet attribut à d'autres.
Mes mains sont faites pour jouer. Ma gorge pour chanter. Mes bras pour danser. Ce corps n'est pas celui d'un homme, mais celui d'un artiste. J'aime à le penser. Plus qu'un être vivant, je suis musique. Ma race est musicien, je ne suis rien de plus.
Je ressens chaque tendon, chaque frisson, chaque écho en moi alors que la musique résonne. Du bout des doigts, les vibrations secouent chacune des cellules de mon corps. Je suis fébrile. Je suis musique.
Mes oreilles me guident, ma voix me tire, mon coeur s'adapte.
Cette douceur sous mes doigts, est-ce ma peau ? Je peine à en voir la couleur... Je sens ces courts poils courir le long de mes avant-bras, lisses. Mes longs doigts glissent dans ces cheveux soyeux semi-bouclés qu'ils disent blés. Devrais-je les croire sur parole ? Une couleur ou une autre, quelle différence ? Ce vocabulaire importe peu. Ces doigts tortillent les nombreuses mèches pourtant si fines, descendant vers ce visage fin qu'ils m'avouent symétrique. Mes sourcils sont feuillus, ma bouche fine. Je sens aux commissures de mes lèvres deux petites fossettes qui dansent au rythme de mes lèvres et de leurs rires.
Mes yeux, si grands et pourtant tellement insignifiants. Univers profond, univers vide. Mort. Mon index ne s'attarde pas dessus. Ils n'en valent pas la peine.
Glissant contre ce cou fin, je sens mon instrument trembler, mes paumes glissent encore, s'arrêtent. Bras croisés, je sens cette envie de la serrer dans mes bras revenir à nouveau. Pourquoi ici et pourquoi maintenant ? Le temps s'était évaporé, mais elle restait là, au coeur de cet espace battant sans cesse. Là, dans ma poitrine. Je le sens si bien, à présent. Il parle, il bat. Fort. Je le sens toujours. Tellement puissant. Pompe ultime brisée tant de fois qui pourtant ne cesse de se relever et de se battre.
Il bat pour elle. Toujours. Encore. A jamais.
Chassées, ces pensées. Mes mains se remettent à scruter ce corps élancé, grand, très grand. Trop. Qu'est-ce que grand ? Ce mot est abstrait. Aucun autre ne me vient malheureusement à l'esprit. Je suis grand, c'est tout. Grand et fin, je ne perçois qu'un rêve de musculature. Un rêve qui jamais ne saurait être réalité, j'ai abandonné depuis longtemps. J'ai laissé cet attribut à d'autres.
Mes mains sont faites pour jouer. Ma gorge pour chanter. Mes bras pour danser. Ce corps n'est pas celui d'un homme, mais celui d'un artiste. J'aime à le penser. Plus qu'un être vivant, je suis musique. Ma race est musicien, je ne suis rien de plus.
Je ressens chaque tendon, chaque frisson, chaque écho en moi alors que la musique résonne. Du bout des doigts, les vibrations secouent chacune des cellules de mon corps. Je suis fébrile. Je suis musique.
Mes oreilles me guident, ma voix me tire, mon coeur s'adapte.
Caractère
"The sun comes up, and I'm doing okay. And I don't need your heart to show me the way." | S.H.
J'aime parler. J'aime rire. J'aime vivre. J'aime sentir mes lèvres grimper jusqu'aux commissures de mes yeux inutiles. Je hais Abandon, cet ami qui dévore ceux que j'aime.
Je hais cette nuit constante.
J'aime ce noir inviolable.
Je hais ces mots inconnus. Voir. Pour les voyants, ce mot est enfantin. Pour moi, il est autre. Je vois, mais autrement. Certains mots seront toujours inconnus pour moi, mais je ressens tellement plus. Je ressens tout. J'aime mon handicap. Je le hais aussi. Mais je l'aime. Ces sensations qui parcourent mon corps, l'aventure est de toujours en découvrir davantage.
Cet amour, il danse au bras de cette haine. Mon coeur valse au rythme de ma musique, se demandant sans cesse s'il tiendra longtemps encore. Tenir ? Face à Abandon. Ce personnage sombre planant dans cet esprit optimiste, le torturant sans cesse, insatiable et infatigable. Creusant ces gouffres, pièges destinés à mes pieds incertains, dévorant ces mains que je tente de garder entre les miennes. Doigts glissants, je lâche prise, ou est-ce eux ? Ils me retiennent, puis me laissent tomber dans ces précipices, m'abandonnant aux bras de celui qui me poursuit. Sans cesse. Je garde alors la tête haute, sourire au coeur et chants éclatant ma gorge.
Je hais mon optimisme. Et je l'aime. Il me relève, donne la force et la foi à cette voix qui semble être mienne. J'aime mon rire. Sans concessions. Explosif, festif, vif. Feux d'artifice.
Je hais ces silences gênants lorsque mon regard traverse les vibrations de ces âmes face à moi, je hais ces soupirs compatissants qu'ils essayent en vain de cacher à mon oreille. Leur gentillesse me transperce parfois le coeur.
J'aimerais savoir crier, j'aimerais savoir hurler. Mais je ris. Je chante. Je danse. Gentillesse. Candeur. Et pourtant, ce sourire est feinte. Ils me pensent fort, ils me pensent ignorant. Et pourtant, mon esprit habile s'agite et ruse à volonté. Renard, mon corps entier est une ruse.
Ils me pensent heureux. Pourquoi le serais-je ?
Abandon est là. Derrière moi. En moi. Je suis lui, il est moi. A jamais.
Et elle n'est plus là. Ils ne le sont plus. Elle est partie avec eux. Le son de leur voix, déjà loin. Doux souvenirs d'une époque révolue, effacée par ses soins. D'une finesse implacable.
Et je suis moi. Je reste moi. Je souris. Je ris. Je danse. Je chante.
J'aime parler. J'aime rire. J'aime vivre. J'aime sentir mes lèvres grimper jusqu'aux commissures de mes yeux inutiles. Je hais Abandon, cet ami qui dévore ceux que j'aime.
Je hais cette nuit constante.
J'aime ce noir inviolable.
Je hais ces mots inconnus. Voir. Pour les voyants, ce mot est enfantin. Pour moi, il est autre. Je vois, mais autrement. Certains mots seront toujours inconnus pour moi, mais je ressens tellement plus. Je ressens tout. J'aime mon handicap. Je le hais aussi. Mais je l'aime. Ces sensations qui parcourent mon corps, l'aventure est de toujours en découvrir davantage.
Cet amour, il danse au bras de cette haine. Mon coeur valse au rythme de ma musique, se demandant sans cesse s'il tiendra longtemps encore. Tenir ? Face à Abandon. Ce personnage sombre planant dans cet esprit optimiste, le torturant sans cesse, insatiable et infatigable. Creusant ces gouffres, pièges destinés à mes pieds incertains, dévorant ces mains que je tente de garder entre les miennes. Doigts glissants, je lâche prise, ou est-ce eux ? Ils me retiennent, puis me laissent tomber dans ces précipices, m'abandonnant aux bras de celui qui me poursuit. Sans cesse. Je garde alors la tête haute, sourire au coeur et chants éclatant ma gorge.
Je hais mon optimisme. Et je l'aime. Il me relève, donne la force et la foi à cette voix qui semble être mienne. J'aime mon rire. Sans concessions. Explosif, festif, vif. Feux d'artifice.
Je hais ces silences gênants lorsque mon regard traverse les vibrations de ces âmes face à moi, je hais ces soupirs compatissants qu'ils essayent en vain de cacher à mon oreille. Leur gentillesse me transperce parfois le coeur.
J'aimerais savoir crier, j'aimerais savoir hurler. Mais je ris. Je chante. Je danse. Gentillesse. Candeur. Et pourtant, ce sourire est feinte. Ils me pensent fort, ils me pensent ignorant. Et pourtant, mon esprit habile s'agite et ruse à volonté. Renard, mon corps entier est une ruse.
Ils me pensent heureux. Pourquoi le serais-je ?
Abandon est là. Derrière moi. En moi. Je suis lui, il est moi. A jamais.
Et elle n'est plus là. Ils ne le sont plus. Elle est partie avec eux. Le son de leur voix, déjà loin. Doux souvenirs d'une époque révolue, effacée par ses soins. D'une finesse implacable.
Et je suis moi. Je reste moi. Je souris. Je ris. Je danse. Je chante.
Histoire
"I don't care that you're gone and you didn't even say goodbye. That's alright, I'm still here." | S.H.
« Aventure. Grand mot, vaste, éternel. Enlaçant de sa puissance celui qui décide de suivre sa Voie. Finnegan s'avance au bord du précipice, ferme les yeux et écoute ce vent féroce hurler à son tympan. Promesse d'une chute mortelle au moindre faux pas, promesse d'un chemin sinueux grimpant jusqu'au sommet. Finnegan ouvre ses bras, hurle. Son coeur éclate, le monde est son terrain de jeu, il se rit des dangers qui tentent inlassablement de le faire tomber. Il est celui qu'il est, rien ni personne ne possède la cage qui le retiendrait. Oiseau insaisissable, il plane loin au-dessus de ces êtres ignorants, riant à leur nez, leur faisant miroiter ce qu'est la véritable liberté.
Sans un regard en arrière, il ferme les bras et continue son ascension. Les cailloux sous sa botte gémissent de cet hiver incertain qui tombe soudain en étoiles blanches sur leur nez. Finnegan rit. Et avance. Son sourire éternel. Son courage sans limites. Son assurance inébranlable.
Et ces yeux qui brillent.
Ces yeux qui sourient.
Ces yeux qui parlent.
Je ne suis pas ce Finnegan. Je n'en ai que le nom. Emprunté à ce héros imaginaire hantant mon enfance.
Je ne suis qu'Owen.
La nuit, noire, éternel univers m'enlaçant de ses bras glacés. Et pourtant, je ris. Je souris. Malgré tout. L'abandon, ami incertain suivant chacun de mes pas. Infatigable. Sans surprise, il trace ma route avant même que je ne l'empreinte. Creusant encore et encore ces gouffres dans lesquels, insatiable, il dévore ceux qui croisent ma route. Sans remords.
Abandon est derrière moi. Abandon est en moi. Son odeur émane de chacun de mes pores, enivrant les âmes alentours. Ivres, elles suivent ses ordres. Et s'éloignent. Je tend mes bras, vide. Je murmure, silence.
Cette mère, ce père, cet amour, ce frère... Abandon a dévoré leur présence, une odeur amère envahissant ma narine. Ce coeur que j'entend battre rate quelques battements. Comme détruits par Abandon.
Et pourtant, je me relève. Cet espoir qui me tient sans cesse en haleine, pourquoi ne m'achève-t-il pas ? Et pourtant, je ris. Cet optimisme constant, ne pourrait-il pas me laisser haïr ces personnes ? Je ne les hais même pas... Je les comprend, même.
Sans cette malédiction que je fus pour mes parents, ma mère ne se serait pas enfuie alors que je n'étais qu'un ver tremblant de larmes. L'amour les consumait, leurs cultures obstacles en rien. Faëlle, aline, les sentiments dominaient cette vie qu'était la leur. Jusqu'à ce jour tempêtueux, jusqu'à ces cris.
Ces yeux vides s'étaient ouverts sur le monde. Incapables de briller de cet éclat de vie. Incapables de sourire à une mère déjà incertaine. Ni un aline, ni un faël. Un chiot aveugle. Apeuré par ce silence éternel. Enfant qui ne sera jamais celui que cette mère espérait, enfant incapable d'être faël. Jamais guerrier d'Illuin. Jamais ces yeux ne viseront. La Flèche l'avait maudite d'avoir quitté ses terres...
Cette mère s'envola. Cette voix que je n'ai qu'à peine perçu, cette voix m'abandonna. Seul avec ce père aimant, aux berceuses si douces.
Huit années durant, mes mains effleurèrent la pierre froide de ce modeste appartement qu'était notre chez nous. Cette nuit toujours, ces sons et ces odeurs venant à moi par les fissures délicates de la pierre. Parfois je rêvais d'être courant d'air, parfois je rêvais de pouvoir m'échapper par ce trou au coin de la fenêtre pour voir ce que mon père appelait “monde“.
Abandon. Toujours et irrémédiablement là. Guetter la moindre faille, la moindre opportunité pour agir. Pour me faire tomber une fois de plus dans un gouffre et rire de me voir battre des mains pour me relever. Optimisme éternel. Envie de vivre, de se battre. Malgré tout.
Abandon s'était immiscé dans ma vie comme un ami. Arrachant ce père à mes sens. Enlevant sa voix à jamais de ma mémoire. Cette dernière se souviendrait toujours de ce jour... Ces odeurs, ces bruits, ces sensations. Ce cri.
Long. Agonisant.
L'humidité de la ruelle était claire dans ma narine, le souvenir des dalles posées avec maladresse caressant la plante de mes pieds restait impérissable. Ma main serrant celle de mon père, mon coeur tremblant de peur lorsqu'elles se quittèrent. Cette sensation de me faire pousser en arrière, de ne pouvoir me retenir qu'à mon propre corps, incapable de trouver un point d'ancrage solide. Cette douleur lorsque mon corps heurta le sol, roula derrière un étalage abandonné.
Cette voix. Bienveillante, protectrice, donnant un ordre simple. Ne pas bouger.
Le silence, l'attente... Le cri.
Frissons parcourant mon échine, membres tremblotants. Je n'oublierais jamais le silence qui s'éternisa dans la ruelle. Abandon me souffla de me lever une vingtaine de minutes plus tard. Machiavélique. Mes pas résonnaient dans la ruelle, mes mains tâtonnaient pour trouver leur chemin dans cette ville froide.
Mes pieds heurtèrent quelque chose. Mon coeur rata un battement. Happé par Abandon.
Première fissure.
Mes mains glissèrent le long du mur de pierre, trouvèrent l'obstacle. Le choc m'atteignit le premier, gagnant cette course d'émotions. Ce visage aveugle défiguré par les larmes soudaines ne cessa de tourner dans tous les sens, cherchant à percer cette nuit éternelle pour voir ce père. Pour le voir une toute première fois. Et une dernière. Mais rien. La nuit et le silence de la ruelle.
Trou noir. Trois jours près de ce corps inanimé. Yeux torrents et coeur écrasé.
J'étais seul. Abandonné.
Cet estomac me rappela à l'ordre, ces instincts me revinrent en mémoire. J'étais faible, j'avais faim. J'allais mourir... Ce si petit corps, je le soulevais de cette seule force qu'il me restait. Trainant cette future carcasse à travers la ville, je tentais en vain de trouver de quoi manger. Mains posées contre la pierre froide des murs et maisons, mes yeux étaient secs.
Cette ville... Inconnue de mes yeux, inconnue de ma mémoire. J'y étais né, j'y habitais, mais j'ignorais tout d'elle. Ce père me protégeait, il me gardait en sécurité.
J'ignorais le monde. J'étais seul. Mon destin était tout tracé... J'allais mourir ici, contre cette pierre froide que je frôlais de mes mains moites. Et alors que mon optimisme se faisait à son tour dévorer par cette nuit qui m'englobait...
Mes pas croisèrent ceux de Shins.
Main tendue vers un estropié, elle me sauva. Faible lueur pour un enfant, Shins était devenue ma lumière. J'avais beau avoir une année de plus, c'était elle qui me protégeait.
Orpheline, nous tissions cette vie vagabonde à deux, petits êtres perdus tentant de survivre à ce village. Elle m'apprit alors le monde. En commençant par ce village qu'était le nôtre. Sorti de cette torpeur, échappé de cette ignorance, mon esprit commençait à apprendre. Nous étions les héros de notre propre histoire, affrontant les dangers de Laestroit.
J'avais peur. Qu'Abandon revienne une fois encore. Je me sentais si bien avec elle ! Je l'aimais... Je l'aime...
Nous croisions énormément d'enfants dans les rues. Mais ce n'était jamais pareil.
Ewth se mit sur ma route. Perdu lui aussi, il vint à moi comme je vins à lui. Petit chiot perdu, orphelin. Le destin. Aujourd'hui encore, il est à mes côtés et je suis aux siens.
Abandon ne nous aura jamais.
C'est ce que je croyais, crédule. Il me fit à nouveau basculer dans le vide.
Ma précieuse Shins... Pourquoi étais-je si faible... Pourquoi étais-je plongé dans cette nuit ? Qu'avais-je fait pour mériter l'attention d'Abandon... POURQUOI ?...
Un gamin... Ma mémoire tente en vain de se remémorer pour quelles raisons mon visage fut la proie de son poing, mais n'a aucune peine à se rappeler le cri de Shins se jetant sur ce gamin. Allongé sur le sol, mon corps incapable de tenir debout face à un simple coup, ma tête se releva instinctivement pour tenter de comprendre ce qu'il se passait. Je sens encore ma voix gémir, mon coeur frissonner de peur.
Et ce silence. Toujours lui. Celui qui vient avant qu'Abandon ne fasse son apparition, enveloppé dans un nuage de fumée et de paillettes. Il aime préparer ses entrées.
Silence... La voix de Shins me ramena à la réalité. Je m'étais approché d'elle, trainant mon corps à quatre pattes vers celle qui comptait tant à mon coeur. Ma main se posa délicatement sur la sienne...
Elle me fut enlevée à cet instant. Sa main avait fuit la mienne, un cri résonna fort à mon oreille.
Non... Le même scénario. Les mêmes sensations. Ces mains qui glissent, se quittent. Ce cri. Terrifiant.
Le second cri n'était pas celui de mon amie. Le mien. Je sens à nouveau mon corps se lever, se précipiter vers cette voix que je chérissais, se faire stopper par des bras inconnus. Ma gorge me fait encore souffrir de tant de cris poussés... Et cette autre voix... Qui fait voler en éclat toutes ces larmes qui trempent ces yeux inutiles.
Shins m'avait sauvé. Mais elle avait tué pour ça. Le garçon était mort.
C'était ma faute.
Tout était de ma faute.
Incapable.
Ignorant.
Un fardeau.
Je sens encore ces bras me laisser tomber sur le sol, les angles des pierres blesser ma peau, la truffe de Ewth mouiller mon visage. Je me souviens maintenant. Le gamin prétendait qu'Ewth n'était pas un chiot, je prétendais le contraire. Je l'ai traité de menteur, il maintenait que c'était un renard... Je ne voulais pas l'écouter, il s'est énervé. Et m'a frappé.
Ma faute... Et Shins s'était retrouvée enfermée. Assassin.
Abandon lâcha à nouveau mon corps dans un de ses gouffres. Seul à nouveau.
Tout était de ma faute.
Je me souviens de l'année suivante. A tourner autour de ce bâtiment qui semblait si grand tant de fois mes pas en avaient fait le tour... Ewth sur mes talons, aussi silencieux qu'à son habitude.
Je me souviens ce jour où j'entendis des hommes parler. Je me souviens avoir senti mon coeur se déchirer avant qu'un sourire n'étire les traits de mon visage.
Shins s'était échappée. Abandon me l'avait enlevé, je sentais pour la première fois quelques remerciements poindre aux coins de mes lèvres. Elle serait bien mieux sans moi... Elle me manquerai. Elle me manque...
Je reste seul... Non. Je ne l'étais pas réellement. Ewth était là.
Dans ce gouffre qu'Abandon m'avait destiné à nouveau, Ewth entre mes bras, j'observais Shins courir loin devant moi.
Tout était de ma faute.
Pourquoi ne pourrais-je pas rester seul cette fois-ci ? Abandon ne me laissera jamais en paix. J'étais un fardeau, je suis un fardeau. Pourquoi ne pas rester lui et moi ? Pourquoi ne pas rester Ewth et moi... Je les fais fuir, mon handicap il...
Lâche. Faible. Je suis faible. Constamment. Je laisse les autres me protéger et n'apprends pas à le faire moi-même. Je suis lâche. Je suis incapable de me débrouiller seul.
Une année à gémir, une année à me plaindre, une année à déambuler dans les rues de Laestroit, seul, sans réellement savoir où elles me mèneraient. Une année durant laquelle j'appris à vivre par moi-même. Une année à sourire malgré tout, à rire avec Ewth.
Une année au bout de laquelle je pris une décision. Marre de me faire marcher sur les pieds. Marre d'être lâche, faible, incapable. Marre de ces bleus sur mon corps, marre de ce sang chaud coulant sur ma peau. Marre d'être qui j'étais.
Une caravane, messager d'un avenir probable, ne me laissa pas le choix. J'embarquai. N'ayant pas un sous en poche, je payai mon voyage à force de chants et chansons.
Ne l'ai-je pas précisé ? Mon unique bien était une petite flûte volée à un étalage par Shins. Elle me savait doué pour la musique, elle me l'avait offert. A moi. Qui ne possédais rien hormis son amour.
Je jouais. J'aimais ça. Je le faisais bien.
Un don.
Derrière moi ce passé douloureux, derrière moi cette ville inconnue, derrière moi cet Owen faible et ignorant.
Je voulais apprendre la vie, je voulais apprendre le monde, je voulais vivre et rire.
Les itinérants m'accueillirent comme l'un des leurs. Ils aimaient ma musique, ils m'écoutaient, aucun ne se défoulait sur moi. Existait-il des groupes dans lesquels je ne me faisais pas constamment rabaissé ? Pourquoi ne m'ignoraient-ils pas ? Etait-ce la musique ? Etait-ce ce feu que je sentais danser sur ma peau ? Etait-ce ces liens tissés à force de musique et de boissons ? De danses et de chants ?
J'hésitai à devenir l'un des leurs. J'hésitai. Rester ou découvrir ce monde ? Rester ou devenir ce Finnegan que je voulais être ?
La caravane me posa aux pieds de la Citadelle. Je ne savais alors pas même ce qu'était cet endroit. Un nouveau départ seulement élançait des frissons sous ma peau si frêle.
Alec se mit sur ma route. Littéralement.
Un itinérant m'amena à l'entrée de la Citadelle, me laissa me débrouiller seul. Lentement, j'étais entré. Lentement, un sourire s'était glissé sur mon visage. Lentement, j'entrevoyais un avenir. Mes nuits seraient-elles moins agitées ? Abandon me laisserait-il en paix ? Vivre ? Je l'espérais... Je le sentais sur mes talons... Je sentis sa présence s'arrêter à l'entrée de la Citadelle, indécis. Un murmure, il me laissa continuer ma route, seul.
Ewth dans les bras, je percutais quelqu'un. Alec.
Shins m'avait montré Laestroit. Alec m'apprit le monde. Majeur enfin, il m'apprit à vivre. A rire. A ne plus être cet être faible et geignard que j'avais pu être un jour. Il m'apprit à aimer cette vie, à aimer cette nuit. Même si je la haïssais parfois.
Et la musique...
Ils me trouvèrent un luth. Un tambourin.
La musique libéra cette âme profondément ancrée en moi, elle libéra cet être que je réfrénais. Les chants transportèrent mon souffle. Je criais ce passé par ma voix, je hurlais ces peines et ces joies par les cordes ou les vents.
Je vivais. Et je le devais à Alec. Deux années durant lesquelles il me reconstruit. Il sut trouver les failles et me montrer comment les combler. Il sut me montrer à quel point ma vie pouvait être ce que je voulais en faire et que le destin n'était qu'une affaire de choix.
Il fut le premier à me convaincre que je pouvais faire fuir Abandon.
Et le quatrième à le laisser me prendre.
Violemment, je me fis happer par ce précipice. Je compris cependant. Me serais-je habitué à Abandon ? D'abord Shins. Puis Alec. Je les laissais partir, loin de moi et de cette malédiction qui pesait sur mes épaules. Abandon. Tous ceux à qui je m'attache, partent un jour.
Alec me tourna le dos à la mort de son frère. Son coeur se ferma à moi, son souffle s'échappa au loin.
Je compris, mais je n'étais plus ce gosse faible et lâche.
Je n'étais plus simplement Owen. J'étais Finnegan.
Ma colère explosa. Ce frère que je m'étais trouvé, il m'avait poussé dans les bras d'Abandon. Ce frère, je n'entendrais plus sa voix. Je n'entendrais plus son rire.
Ma haine explosa alors que je m'étais échappé en douce de la Citadelle. Je ne supportais plus d'être protégé, je ne supportais plus de dépendre de quelqu'un. Alors je m'échappais parfois.
Ma frustration explosa contre ces arbres alentours, effaçant ce rêve de larmes qui pointait sa proue.
Toutes ces années de retenue, tout explosa ce jour-là.
Les Spires s'ouvrirent à moi.
Comment aurais-je pu le savoir ? Je suis aveugle. Mon esprit tourmenté s'échappa, volant à travers un monde inconnu que je ne sentis pas même changer. Mes pensées dessinèrent, illustrant cette rage incommensurable qui m'animait alors.
Un cri résonna dans les montagnes, ébranlant le sol. Il ne venait ni de ma gorge ni de la gueule d'Ewth. Toujours à mes côtés.
Un dessin.
Incapable de voir le monde, je dessinais les sons. Les odeurs. La nuit. Je pouvais dessiner à l'aide de mes quatre autres sens. Mais la couleur... Mes dessins éternellement sombres, sans lumière.
Je ne me suis rendu compte de cela une seule année plus tard. La rage me tenait alors tant au ventre que je ne m'en rendis pas compte.
Je ne ressentais plus rien. J'acceptais. Ma mère, mon père, mon amour, mon frère... Et Abandon. Toujours là. Fidèle à lui-même. Je venais de tout évacuer. Tout. Seul cet optimisme inébranlable me restait. Et ces rires. Ces sourires.
Cette envie de vivre. De découvrir. De sentir.
Et je vis. Quatre nouvelles années. A la Citadelle, apprenant les coutumes frontalières, apprenant leur honneur. Ils m'avaient adopté, pauvre aveugle que j'étais. Ils me prenaient pour qui j'étais et pas pour ce que j'étais, ils aimaient entendre ma musique et j'aimais jouer pour ceux qui m'acceptaient.
Rire. Sourire. Chanter. Danser.
Mais je ne l'avais pas oublié. Comment l'aurais-je pu... Elle avait été la première.
Je n'oubliais rien. Encore moins cette envie de courir, de sentir, d'entendre. La Citadelle ne me convenait plus. Quelque chose me manquait, je ne me sentais pas complet.
Cette envie d'aventure, cette envie du monde, cette envie de partager cette musique qui pulsait en mon âme.
C'est pour cette raison que nous sommes, Ewth et moi, dans cette caravane, en direction du Sud. En direction de l'aventure. De l'avenir.
... »
L'homme barbu observait le jeune aveugle, son regard explorant ces yeux morts et pourtant paradoxalement si vivants.
« Quelle histoire... Joueras-tu pour nous ce soir ? »
L'aveugle sourit, yeux vides plissés d'une hâte à peine voilée.
« Aventure. Grand mot, vaste, éternel. Enlaçant de sa puissance celui qui décide de suivre sa Voie. Finnegan s'avance au bord du précipice, ferme les yeux et écoute ce vent féroce hurler à son tympan. Promesse d'une chute mortelle au moindre faux pas, promesse d'un chemin sinueux grimpant jusqu'au sommet. Finnegan ouvre ses bras, hurle. Son coeur éclate, le monde est son terrain de jeu, il se rit des dangers qui tentent inlassablement de le faire tomber. Il est celui qu'il est, rien ni personne ne possède la cage qui le retiendrait. Oiseau insaisissable, il plane loin au-dessus de ces êtres ignorants, riant à leur nez, leur faisant miroiter ce qu'est la véritable liberté.
Sans un regard en arrière, il ferme les bras et continue son ascension. Les cailloux sous sa botte gémissent de cet hiver incertain qui tombe soudain en étoiles blanches sur leur nez. Finnegan rit. Et avance. Son sourire éternel. Son courage sans limites. Son assurance inébranlable.
Et ces yeux qui brillent.
Ces yeux qui sourient.
Ces yeux qui parlent.
Je ne suis pas ce Finnegan. Je n'en ai que le nom. Emprunté à ce héros imaginaire hantant mon enfance.
Je ne suis qu'Owen.
La nuit, noire, éternel univers m'enlaçant de ses bras glacés. Et pourtant, je ris. Je souris. Malgré tout. L'abandon, ami incertain suivant chacun de mes pas. Infatigable. Sans surprise, il trace ma route avant même que je ne l'empreinte. Creusant encore et encore ces gouffres dans lesquels, insatiable, il dévore ceux qui croisent ma route. Sans remords.
Abandon est derrière moi. Abandon est en moi. Son odeur émane de chacun de mes pores, enivrant les âmes alentours. Ivres, elles suivent ses ordres. Et s'éloignent. Je tend mes bras, vide. Je murmure, silence.
Cette mère, ce père, cet amour, ce frère... Abandon a dévoré leur présence, une odeur amère envahissant ma narine. Ce coeur que j'entend battre rate quelques battements. Comme détruits par Abandon.
Et pourtant, je me relève. Cet espoir qui me tient sans cesse en haleine, pourquoi ne m'achève-t-il pas ? Et pourtant, je ris. Cet optimisme constant, ne pourrait-il pas me laisser haïr ces personnes ? Je ne les hais même pas... Je les comprend, même.
Sans cette malédiction que je fus pour mes parents, ma mère ne se serait pas enfuie alors que je n'étais qu'un ver tremblant de larmes. L'amour les consumait, leurs cultures obstacles en rien. Faëlle, aline, les sentiments dominaient cette vie qu'était la leur. Jusqu'à ce jour tempêtueux, jusqu'à ces cris.
Ces yeux vides s'étaient ouverts sur le monde. Incapables de briller de cet éclat de vie. Incapables de sourire à une mère déjà incertaine. Ni un aline, ni un faël. Un chiot aveugle. Apeuré par ce silence éternel. Enfant qui ne sera jamais celui que cette mère espérait, enfant incapable d'être faël. Jamais guerrier d'Illuin. Jamais ces yeux ne viseront. La Flèche l'avait maudite d'avoir quitté ses terres...
Cette mère s'envola. Cette voix que je n'ai qu'à peine perçu, cette voix m'abandonna. Seul avec ce père aimant, aux berceuses si douces.
Huit années durant, mes mains effleurèrent la pierre froide de ce modeste appartement qu'était notre chez nous. Cette nuit toujours, ces sons et ces odeurs venant à moi par les fissures délicates de la pierre. Parfois je rêvais d'être courant d'air, parfois je rêvais de pouvoir m'échapper par ce trou au coin de la fenêtre pour voir ce que mon père appelait “monde“.
Abandon. Toujours et irrémédiablement là. Guetter la moindre faille, la moindre opportunité pour agir. Pour me faire tomber une fois de plus dans un gouffre et rire de me voir battre des mains pour me relever. Optimisme éternel. Envie de vivre, de se battre. Malgré tout.
Abandon s'était immiscé dans ma vie comme un ami. Arrachant ce père à mes sens. Enlevant sa voix à jamais de ma mémoire. Cette dernière se souviendrait toujours de ce jour... Ces odeurs, ces bruits, ces sensations. Ce cri.
Long. Agonisant.
L'humidité de la ruelle était claire dans ma narine, le souvenir des dalles posées avec maladresse caressant la plante de mes pieds restait impérissable. Ma main serrant celle de mon père, mon coeur tremblant de peur lorsqu'elles se quittèrent. Cette sensation de me faire pousser en arrière, de ne pouvoir me retenir qu'à mon propre corps, incapable de trouver un point d'ancrage solide. Cette douleur lorsque mon corps heurta le sol, roula derrière un étalage abandonné.
Cette voix. Bienveillante, protectrice, donnant un ordre simple. Ne pas bouger.
Le silence, l'attente... Le cri.
Frissons parcourant mon échine, membres tremblotants. Je n'oublierais jamais le silence qui s'éternisa dans la ruelle. Abandon me souffla de me lever une vingtaine de minutes plus tard. Machiavélique. Mes pas résonnaient dans la ruelle, mes mains tâtonnaient pour trouver leur chemin dans cette ville froide.
Mes pieds heurtèrent quelque chose. Mon coeur rata un battement. Happé par Abandon.
Première fissure.
Mes mains glissèrent le long du mur de pierre, trouvèrent l'obstacle. Le choc m'atteignit le premier, gagnant cette course d'émotions. Ce visage aveugle défiguré par les larmes soudaines ne cessa de tourner dans tous les sens, cherchant à percer cette nuit éternelle pour voir ce père. Pour le voir une toute première fois. Et une dernière. Mais rien. La nuit et le silence de la ruelle.
Trou noir. Trois jours près de ce corps inanimé. Yeux torrents et coeur écrasé.
J'étais seul. Abandonné.
Cet estomac me rappela à l'ordre, ces instincts me revinrent en mémoire. J'étais faible, j'avais faim. J'allais mourir... Ce si petit corps, je le soulevais de cette seule force qu'il me restait. Trainant cette future carcasse à travers la ville, je tentais en vain de trouver de quoi manger. Mains posées contre la pierre froide des murs et maisons, mes yeux étaient secs.
Cette ville... Inconnue de mes yeux, inconnue de ma mémoire. J'y étais né, j'y habitais, mais j'ignorais tout d'elle. Ce père me protégeait, il me gardait en sécurité.
J'ignorais le monde. J'étais seul. Mon destin était tout tracé... J'allais mourir ici, contre cette pierre froide que je frôlais de mes mains moites. Et alors que mon optimisme se faisait à son tour dévorer par cette nuit qui m'englobait...
Mes pas croisèrent ceux de Shins.
Main tendue vers un estropié, elle me sauva. Faible lueur pour un enfant, Shins était devenue ma lumière. J'avais beau avoir une année de plus, c'était elle qui me protégeait.
Orpheline, nous tissions cette vie vagabonde à deux, petits êtres perdus tentant de survivre à ce village. Elle m'apprit alors le monde. En commençant par ce village qu'était le nôtre. Sorti de cette torpeur, échappé de cette ignorance, mon esprit commençait à apprendre. Nous étions les héros de notre propre histoire, affrontant les dangers de Laestroit.
J'avais peur. Qu'Abandon revienne une fois encore. Je me sentais si bien avec elle ! Je l'aimais... Je l'aime...
Nous croisions énormément d'enfants dans les rues. Mais ce n'était jamais pareil.
Ewth se mit sur ma route. Perdu lui aussi, il vint à moi comme je vins à lui. Petit chiot perdu, orphelin. Le destin. Aujourd'hui encore, il est à mes côtés et je suis aux siens.
Abandon ne nous aura jamais.
C'est ce que je croyais, crédule. Il me fit à nouveau basculer dans le vide.
Ma précieuse Shins... Pourquoi étais-je si faible... Pourquoi étais-je plongé dans cette nuit ? Qu'avais-je fait pour mériter l'attention d'Abandon... POURQUOI ?...
Un gamin... Ma mémoire tente en vain de se remémorer pour quelles raisons mon visage fut la proie de son poing, mais n'a aucune peine à se rappeler le cri de Shins se jetant sur ce gamin. Allongé sur le sol, mon corps incapable de tenir debout face à un simple coup, ma tête se releva instinctivement pour tenter de comprendre ce qu'il se passait. Je sens encore ma voix gémir, mon coeur frissonner de peur.
Et ce silence. Toujours lui. Celui qui vient avant qu'Abandon ne fasse son apparition, enveloppé dans un nuage de fumée et de paillettes. Il aime préparer ses entrées.
Silence... La voix de Shins me ramena à la réalité. Je m'étais approché d'elle, trainant mon corps à quatre pattes vers celle qui comptait tant à mon coeur. Ma main se posa délicatement sur la sienne...
Elle me fut enlevée à cet instant. Sa main avait fuit la mienne, un cri résonna fort à mon oreille.
Non... Le même scénario. Les mêmes sensations. Ces mains qui glissent, se quittent. Ce cri. Terrifiant.
Le second cri n'était pas celui de mon amie. Le mien. Je sens à nouveau mon corps se lever, se précipiter vers cette voix que je chérissais, se faire stopper par des bras inconnus. Ma gorge me fait encore souffrir de tant de cris poussés... Et cette autre voix... Qui fait voler en éclat toutes ces larmes qui trempent ces yeux inutiles.
Shins m'avait sauvé. Mais elle avait tué pour ça. Le garçon était mort.
C'était ma faute.
Tout était de ma faute.
Incapable.
Ignorant.
Un fardeau.
Je sens encore ces bras me laisser tomber sur le sol, les angles des pierres blesser ma peau, la truffe de Ewth mouiller mon visage. Je me souviens maintenant. Le gamin prétendait qu'Ewth n'était pas un chiot, je prétendais le contraire. Je l'ai traité de menteur, il maintenait que c'était un renard... Je ne voulais pas l'écouter, il s'est énervé. Et m'a frappé.
Ma faute... Et Shins s'était retrouvée enfermée. Assassin.
Abandon lâcha à nouveau mon corps dans un de ses gouffres. Seul à nouveau.
Tout était de ma faute.
Je me souviens de l'année suivante. A tourner autour de ce bâtiment qui semblait si grand tant de fois mes pas en avaient fait le tour... Ewth sur mes talons, aussi silencieux qu'à son habitude.
Je me souviens ce jour où j'entendis des hommes parler. Je me souviens avoir senti mon coeur se déchirer avant qu'un sourire n'étire les traits de mon visage.
Shins s'était échappée. Abandon me l'avait enlevé, je sentais pour la première fois quelques remerciements poindre aux coins de mes lèvres. Elle serait bien mieux sans moi... Elle me manquerai. Elle me manque...
Je reste seul... Non. Je ne l'étais pas réellement. Ewth était là.
Dans ce gouffre qu'Abandon m'avait destiné à nouveau, Ewth entre mes bras, j'observais Shins courir loin devant moi.
Tout était de ma faute.
Pourquoi ne pourrais-je pas rester seul cette fois-ci ? Abandon ne me laissera jamais en paix. J'étais un fardeau, je suis un fardeau. Pourquoi ne pas rester lui et moi ? Pourquoi ne pas rester Ewth et moi... Je les fais fuir, mon handicap il...
Lâche. Faible. Je suis faible. Constamment. Je laisse les autres me protéger et n'apprends pas à le faire moi-même. Je suis lâche. Je suis incapable de me débrouiller seul.
Une année à gémir, une année à me plaindre, une année à déambuler dans les rues de Laestroit, seul, sans réellement savoir où elles me mèneraient. Une année durant laquelle j'appris à vivre par moi-même. Une année à sourire malgré tout, à rire avec Ewth.
Une année au bout de laquelle je pris une décision. Marre de me faire marcher sur les pieds. Marre d'être lâche, faible, incapable. Marre de ces bleus sur mon corps, marre de ce sang chaud coulant sur ma peau. Marre d'être qui j'étais.
Une caravane, messager d'un avenir probable, ne me laissa pas le choix. J'embarquai. N'ayant pas un sous en poche, je payai mon voyage à force de chants et chansons.
Ne l'ai-je pas précisé ? Mon unique bien était une petite flûte volée à un étalage par Shins. Elle me savait doué pour la musique, elle me l'avait offert. A moi. Qui ne possédais rien hormis son amour.
Je jouais. J'aimais ça. Je le faisais bien.
Un don.
Derrière moi ce passé douloureux, derrière moi cette ville inconnue, derrière moi cet Owen faible et ignorant.
Je voulais apprendre la vie, je voulais apprendre le monde, je voulais vivre et rire.
Les itinérants m'accueillirent comme l'un des leurs. Ils aimaient ma musique, ils m'écoutaient, aucun ne se défoulait sur moi. Existait-il des groupes dans lesquels je ne me faisais pas constamment rabaissé ? Pourquoi ne m'ignoraient-ils pas ? Etait-ce la musique ? Etait-ce ce feu que je sentais danser sur ma peau ? Etait-ce ces liens tissés à force de musique et de boissons ? De danses et de chants ?
J'hésitai à devenir l'un des leurs. J'hésitai. Rester ou découvrir ce monde ? Rester ou devenir ce Finnegan que je voulais être ?
La caravane me posa aux pieds de la Citadelle. Je ne savais alors pas même ce qu'était cet endroit. Un nouveau départ seulement élançait des frissons sous ma peau si frêle.
Alec se mit sur ma route. Littéralement.
Un itinérant m'amena à l'entrée de la Citadelle, me laissa me débrouiller seul. Lentement, j'étais entré. Lentement, un sourire s'était glissé sur mon visage. Lentement, j'entrevoyais un avenir. Mes nuits seraient-elles moins agitées ? Abandon me laisserait-il en paix ? Vivre ? Je l'espérais... Je le sentais sur mes talons... Je sentis sa présence s'arrêter à l'entrée de la Citadelle, indécis. Un murmure, il me laissa continuer ma route, seul.
Ewth dans les bras, je percutais quelqu'un. Alec.
Shins m'avait montré Laestroit. Alec m'apprit le monde. Majeur enfin, il m'apprit à vivre. A rire. A ne plus être cet être faible et geignard que j'avais pu être un jour. Il m'apprit à aimer cette vie, à aimer cette nuit. Même si je la haïssais parfois.
Et la musique...
Ils me trouvèrent un luth. Un tambourin.
La musique libéra cette âme profondément ancrée en moi, elle libéra cet être que je réfrénais. Les chants transportèrent mon souffle. Je criais ce passé par ma voix, je hurlais ces peines et ces joies par les cordes ou les vents.
Je vivais. Et je le devais à Alec. Deux années durant lesquelles il me reconstruit. Il sut trouver les failles et me montrer comment les combler. Il sut me montrer à quel point ma vie pouvait être ce que je voulais en faire et que le destin n'était qu'une affaire de choix.
Il fut le premier à me convaincre que je pouvais faire fuir Abandon.
Et le quatrième à le laisser me prendre.
Violemment, je me fis happer par ce précipice. Je compris cependant. Me serais-je habitué à Abandon ? D'abord Shins. Puis Alec. Je les laissais partir, loin de moi et de cette malédiction qui pesait sur mes épaules. Abandon. Tous ceux à qui je m'attache, partent un jour.
Alec me tourna le dos à la mort de son frère. Son coeur se ferma à moi, son souffle s'échappa au loin.
Je compris, mais je n'étais plus ce gosse faible et lâche.
Je n'étais plus simplement Owen. J'étais Finnegan.
Ma colère explosa. Ce frère que je m'étais trouvé, il m'avait poussé dans les bras d'Abandon. Ce frère, je n'entendrais plus sa voix. Je n'entendrais plus son rire.
Ma haine explosa alors que je m'étais échappé en douce de la Citadelle. Je ne supportais plus d'être protégé, je ne supportais plus de dépendre de quelqu'un. Alors je m'échappais parfois.
Ma frustration explosa contre ces arbres alentours, effaçant ce rêve de larmes qui pointait sa proue.
Toutes ces années de retenue, tout explosa ce jour-là.
Les Spires s'ouvrirent à moi.
Comment aurais-je pu le savoir ? Je suis aveugle. Mon esprit tourmenté s'échappa, volant à travers un monde inconnu que je ne sentis pas même changer. Mes pensées dessinèrent, illustrant cette rage incommensurable qui m'animait alors.
Un cri résonna dans les montagnes, ébranlant le sol. Il ne venait ni de ma gorge ni de la gueule d'Ewth. Toujours à mes côtés.
Un dessin.
Incapable de voir le monde, je dessinais les sons. Les odeurs. La nuit. Je pouvais dessiner à l'aide de mes quatre autres sens. Mais la couleur... Mes dessins éternellement sombres, sans lumière.
Je ne me suis rendu compte de cela une seule année plus tard. La rage me tenait alors tant au ventre que je ne m'en rendis pas compte.
Je ne ressentais plus rien. J'acceptais. Ma mère, mon père, mon amour, mon frère... Et Abandon. Toujours là. Fidèle à lui-même. Je venais de tout évacuer. Tout. Seul cet optimisme inébranlable me restait. Et ces rires. Ces sourires.
Cette envie de vivre. De découvrir. De sentir.
Et je vis. Quatre nouvelles années. A la Citadelle, apprenant les coutumes frontalières, apprenant leur honneur. Ils m'avaient adopté, pauvre aveugle que j'étais. Ils me prenaient pour qui j'étais et pas pour ce que j'étais, ils aimaient entendre ma musique et j'aimais jouer pour ceux qui m'acceptaient.
Rire. Sourire. Chanter. Danser.
Mais je ne l'avais pas oublié. Comment l'aurais-je pu... Elle avait été la première.
Je n'oubliais rien. Encore moins cette envie de courir, de sentir, d'entendre. La Citadelle ne me convenait plus. Quelque chose me manquait, je ne me sentais pas complet.
Cette envie d'aventure, cette envie du monde, cette envie de partager cette musique qui pulsait en mon âme.
C'est pour cette raison que nous sommes, Ewth et moi, dans cette caravane, en direction du Sud. En direction de l'aventure. De l'avenir.
... »
L'homme barbu observait le jeune aveugle, son regard explorant ces yeux morts et pourtant paradoxalement si vivants.
« Quelle histoire... Joueras-tu pour nous ce soir ? »
L'aveugle sourit, yeux vides plissés d'une hâte à peine voilée.
Informations Personnelles
- Pseudo
- Elea
- Age Réel
- Pas trop mal sur le plan des printemps. Les rouleaux de printemps. Miam.
- Parle-nous de toi
- J'sais pas si c'est nécessaire, je suis trop bizarre, vous auriez peur
- Es-tu familier avec l'univers de Pierre Bottero ?
- Oui, j'ai tout lu.
- Comment as-tu connu le forum ?
- Ca c'est un secret
- Un commentaire sur le forum ?
- As-tu besoin d'un parrain ou d'une marraine ?
- Non, je me débrouille.