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Créer est le premier acte de sabotage [ PV Lenka ]

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Le ciel de minuit s’étendait sur Al-Far, contre lequel d’éparses lumières venaient lutter. Témoignages aux couleurs chaudes de l’insomnie citadine. Un homme vêtu de cuir noir longeait les murs gris d’un quartier désœuvré, furtif comme les autres ombres qui peuplaient la rue. Il connaissait les lieux, mais il marqua un temps d’arrêt devant une haute enseigne, délavée et difficile à déchiffrer dans la nuit. C’était bien ici. Regard rapide à la ronde, par réflexe. Seul un chat errant le dévisageait du fond de la rue, tout à fait immobile. Une seconde plus tard, l’animal fila sans demander son rester et, lui, il gravit un haut escalier de bois qu’il aurait cru prêt à céder sous chacun de ses pas. Quelle idée de placer un tripot en haut d’un échafaudage capable de rompre le cou du premier soûlard venu…

Il entra dans la vaste salle de l’étage, avec un air presque défiant même si personne ne lui accordait de réelle attention. Pourtant, il ne contrastait pas avec la faune de l’établissement, composée pour la majeure partie d’êtres retors sans envergure. Le Mercenaire trouva le bar, commanda et descendit une liqueur forte qui lui brûla la gorge. Commanda un autre verre presque dans le même mouvement, avant de filer à une table reculée, bringuebalante. Il prit place. Son gabarit de maigre escogriffe tenait mal l’alcool et il buvait, bien sûr, toujours trop vite. Et puis, dans les faits, il ne se permettait jamais de boire pour conserver une vigilance de tous les instants. Les derniers temps avaient été différents.

Les derniers temps avaient vu se succéder l’entrée fracassante d’Aure dans les rangs du Chaos, ainsi que sa pénible et funeste ascension en tant qu’Envoleur. Triomphe gâché par la fuite d’Elleynah.

Il avait failli y passer. Kaelleyn avait cherché un coupable.

Ça avait été lui : le geôlier qu’elle avait brièvement mandaté, voilà plusieurs mois, pour surveiller l’agonie son unique enfant. D'Envoleur, il était tombé en disgrâce aux yeux des siens.

Des exceptions s’étaient donc glissées dans les interstices de sa vie, sans qu’il n’y prenne garde. De petits verres descendus en vitesse ici et là. Presque rien. À peine de quoi lui calmer les nerfs.  

Figé, le regard rivé sur la chaise vide en face de lui, Indel se perdit un instant en lui-même. Il se revoyait être jeté à genoux, une frustration incandescente dans les veines et une terreur insondable au creux du ventre. Kaelleyn devant lui et la promesse d’une condamnation à mort répandue dans l’air. Anxiogène. Elle ne l’avait pas tué parce qu’il faudrait retrouver la renégate. Éventuellement. En outre, jamais Ysoba n’aurait permis l’insulte qu’Indel, son ancien protégé, soit exécuté sans son assentiment. Une déclaration de guerre envers nulle autre que l’illustre Envoleuse Ysoba Damas… Même Kaelleyn Bàthory devait y penser à deux fois.

En proie à une vague langueur, Indel perçut la caresse de l’alcool embrumer son esprit et apaiser ses sangs. Éventuellement. Peut-être était-il un homme en sursis, mais il retrouverait Elleynah, lui ferait payer au centuple sa trahison et recouvrerait sa réputation. Simple question de temps. Pour l’heure, d’autres affaires occupaient son attention. Comme cette mission de sabotage militaire qui l’avait amené ici, ce soir. Le Mercenaire releva la tête pour balayer la salle du regard, sans repérer la Mentaï qu’il avait convoquée en ces lieux. Il avait de l’avance, mais en son for intérieur, il craignait qu’elle ne daigne pas honorer leur rendez-vous. Il n’en aurait pas été surpris ; Lenka ne lui devait rien. C’était une Mentaï implacable, sans pitié, même envers ses alliés, d’après ce qu’on murmurait. Mais une Dessinatrice de sa trempe s’avérerait cruciale à la réussite de son plan. Il fomentait un coup d’éclat, d’ailleurs, parce qu’il avait cruellement besoin d’ajouter un exploit à sa feuille de route.

Indel fixa le fond de son verre à moitié vide et il se rendit compte qu’il ne savait même pas ce qu’il avait commandé. Il se trouva soudain misérable, lui et magouilles, ses combines désespérées pour reprendre du galon. Par le Dragon, autant se débattre dans ce bourbier tout seul! Lenka ne viendrait pas. Amer, il allait finir sa consommation cul sec pour retourner se fondre dans la nuit, lorsqu’il aperçut l’entrée d’une nouvelle venue vêtue d’une longue robe couleur cendre. Il se statufia tout à fait, sans la lâcher du regard. La Mentaï. Un long tissu de soie noire couvrait ses yeux aveugles, mais il sut tout au fond de lui-même qu’elle l’avait déjà repéré.

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La nuit était bien entamée lorsque Lenka se décida à prendre la route. Elle ne résidait pas bien loin de l'endroit où Indel Valaom lui avait donné rendez-vous. Un taudis sale, sans réputation, inconnu par ceux qui ne savent pas chercher et ceux qui n'ont aucune raison de vouloir le chercher. Mais Lenka avait plus d'une raison de connaître cet endroit. Malgré son don et sa dangerosité, le Fantôme avait appris très tôt que rien ne valait de bons larbins pour faire le sale travail qui ne nécessitait pas d'avoir des dons aussi exceptionnels que les siens.

Si elle partait si tard, c'est que le temps lui avait filé entre les doigts. Elle avait pris le temps de prendre une douche glacée pour effacer le sang de sa dernière victime, dont le cadavre trônait encore au centre de la chambre miteuse - qu'elle louait sous un faux nom dans une auberge tout aussi miteuse. Lenka était une reine qui méritait bien davantage que cette ambiance à l'odeur rance et aux bestioles grouillantes. Mais mieux valait se contenter de ce genre d'endroits lorsque l'on voulait torturer et assassiner quelqu'un sans avoir de compte à rendre.

Lenka connaissait bien les propriétaires, un vieux couple qui étaient liés à elle par un gros sac de pièce qu'elle leur laissait dès qu'elle avait besoin de leur service, et par une promesse de mort s'ils parlaient à quiconque. Ils savaient très bien qu'elle était capable de tenir ses engagements, et plus encore. Ce n'est pas souvent que l'on croise la Mort en personne. Ce n'est pas non plus souvent qu'on lui survit - encore moins quand on ose lui désobéir, lui tenir tête ou la trahir. Combien de traitres Lenka avait-elle tué ? Autant qu'il avait fallu. Et elle en tuerait encore davantage s'il fallait.

Mais ce soir, ce n'était pas un traitre qu'elle allait rencontrer, ni même un de ses disciples. Indel Valaom, c'était l'un de ses confrères - qu'elle ne considérait pas vraiment comme tel. Un envoleur à la réputation vacillante, mais qui avait tout de même eu son heure de gloire avant que la fille Bàthory ne lui échappe. Elle suivait cette histoire de loin, trop attachée à son indépendance pour risquer de s'en mêler. Grâce à son statut et son don, il n'y avait pas beaucoup de personnes pour lesquelles Lenka éprouvait réellement du respect, et il y en avait encore moins qu'elle craignait. Néanmoins, la mère Bàthory faisait partie de ce groupe restreint - surtout parce que sa place dans le conseil lui donnait des pouvoirs particuliers sur elle, et que tous ceux qui pouvaient avoir l'ascendant sur elle d'une quelconque façon était une menace sérieuse.

Après sa douche, Lenka s'était vêtue d'une robe grise, aussi morne que son visage fermé, aussi terne que sa peau translucide qui manquait définitivement de soleil. Elle recouvrit le tout d'une cape noire qui tombait au-dessus de ses yeux. Et tel un fantôme - ce qui lui avait valu son surnom - elle se mit en marche. Elle n'était pas pressée de retrouver Indel. S'il voulait vraiment lui adresser une requête, il l'attendrait. Et s'il la faisait déplacer pour rien, il le regretterait. Ombre parmi les ombres, elle se déplaçait sans à-coup, comme si elle flottait dans les airs.

Enfin, elle arriva devant le lieu de rendez-vous. Elle sentit l'énergie d'Indel avant même d'entrer dans la salle. Il se démarquait des autres d'une manière singulière, et même aveugle, elle n'aurait pu le rater. Lentement, elle escalada les marches qui menait à la porte et entra, apportant avec elle un souffle glacial. Sans marquer le moindre arrêt dans ses mouvements lents mais fluides, elle referma la porte derrière elle et se dirigea vers la table d'où émanait l'énergie d'Indel. Sa main se posa instinctivement sur le dossier de la chaise devant elle, et elle la tira pour s'y asseoir. Une fois installée, elle avança la chaise jusqu'à pouvoir poser ses avant-bras sur la table, joignit ses mains sur le bois froid et croisa ses jambes, le dos droit et le port de tête altier.

- Bonsoir, Indel.

Sa voix n'était qu'un murmure emprunt de glace et de ténèbres. Impossible de douter qu'elle était dangereuse. Tout dans son être le criait.

descriptionCréer est le premier acte de sabotage [ PV Lenka ] EmptyRe: Créer est le premier acte de sabotage [ PV Lenka ]

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Avec une aisance confondante, la Mentai s’avança jusqu’à la table, mue par un instinct qu’Indel ne s’expliquait pas. Sur son sillage, quelques regards se baissèrent et des conversations s’éteignirent, comme si un lourd serpent venait de faire onduler les hautes herbes. Et c’était lui que cette grande silhouette grise venait trouver… Au creux d’une heure de la nuit où plus personne n’envisageait l’avenir. Là, où l’aube rose et or ne semblait qu’une lointaine promesse. Le Mercenaire observa la Mentai prendre place sur la chaise en face de lui sans esquisser le moindre geste. L’idée même de faire preuve de galanterie à l’égard de Lenka lui parut un affront qu’il ne sentait pas d’humeur à risquer.

- Bonsoir, Indel, souffla-t-elle, la posture droite.

À défaut de ses yeux, Indel planta son regard sur ses lèvres carmin, comme s’il pouvait y lire un indice de la marche à suivre et se raccrocher à quelque chose. Mais l’expression de la femme en face de lui demeurait aussi neutre que celui d’une statue. Elle avait un visage étroit et un corps au port élégant, mais austère. Ils se ressemblaient un peu, à quelque part. Qu’est-ce que le Chaos pouvait bien induire dans les âmes de ses disciples pour qu’ils finissent tous par évoquer ainsi des épouvantails armés jusqu’aux dents?

-Bonsoir, Lenka,
grommela le Mercenaire avec tout le civisme dont il était capable dans les circonstances. Il détourna les yeux pour attraper ceux de la jeune serveuse qui tentait de les rejoindre à leur table. D’un geste de la main, il lui commanda deux verres, sans trop savoir si la Mentai désirait quelque chose. Il voulait simplement éloigner les oreilles indiscrètes l’espace d’un instant sans pour autant sacrifier la possibilité d’avoir un verre à nouveau plein. Il vit la tavernière acquiescer d’un hochement de tête, puis repartir vers le bar avec une opiniâtreté qui forçait le respect.

Indel soupira, s’empara de son verre pour vider d’un trait ce qui en restait. Il grimaça lorsque qu’il sentit la brûlure de l’eau de vie dans sa gorge, puis dans sa poitrine, et s’aperçut avec une triste pointe de soulagement que ses mains tremblaient déjà un peu moins.

-Je crois que la dernière fois que l’on s’est croisés, je venais de rentrer de ma toute première mission. Ça doit bien faire six ans.


Le Mercenaire esquissa pour lui-même un sourire amer, conscient que sa tentative d’entamer une conversation légère serait vouée à l’échec. De fait, il se buta à l’impassibilité de son interlocutrice.

-Ce doit être la seule et unique fois, d’ailleurs. Que je t’ai rencontrée.

La serveuse choisit ce moment pour déposer un verre devant chacun d’eux, un sourire crispé sur le visage. Professionnelle, elle s’éclipsa aussitôt sans demander son reste. Elle savait quel genre de clientèle fréquentait son établissement. Indel se trouva tout à fait incapable de lui en vouloir, de toute façon des énergumènes salaces s’occupaient déjà d’accaparer son attention. lndel se pencha un peu vers Lenka, tenta à nouveau de déchiffrer quelque chose dans son expression. En vain. Il détestait ça. Être incapable de déceler quoi que ce soit de l’état d’âme de la personne en face de lui.

-Tu sais sans doute que, depuis ce temps, j’ai surtout opéré en tant que soldat infiltré, continua le Mercenaire à voix basse, peu désireux de perdre plus de temps en badinage inutile. Ce n’est pas du travail facile, mais au fil du temps j’ai réussi à obtenir quelques résultats. À fragiliser quelques… positions.

Indel, sous les ordres des hauts commandants du Chaos, avait effectivement vite été affecté au sabotage d’opérations militaires. Il ne s’en était jamais plaint, bien au fait de ses propres forces, à savoir son sens de la discipline, de la discrétion et du cynisme. Il demeurait toujours au niveau des recrues sans monter en grade, ce qui lui permettait de changer d’identité et de « ressusciter » au gré des missions. Indel ne pouvait se permettre d’agir en grande gueule, mais il était efficace et insidieux comme poison. Son feu à lui brûlait de l’intérieur de sorte qu’on ne se rendait compte que trop tard de l’imminence de l’explosion. Ça l’avait servi, lui et sa cause, à maintes reprises.

- À ce titre, il se trouve qu’un avant-poste situé à l’entrée de la Chaîne de Poll recevra des renforts sous peu. Et une missive de l’Empereur avec des directives. Je ne appesantirai pas sur les détails, mais je ferai partie du bataillon envoyé en renfort et je sais comment procéder pour subtiliser la missive. En fait, ce dont j’ai besoin, c’est l’appui d’une Dessinatrice de talent pour créer une diversion au bon moment. Car si nous jouons nos cartes efficacement, cette diversion pourrait potentiellement couper l’accès aux troupes à du ravitaillement et ainsi affaiblir l’armée.

Le Mercenaire s’interrompit une seconde, un peu pour parer à la lourdeur croissante de l’alcool sur sa concentration et pour guetter la réponse de son interlocutrice, puis il enchaîna :

-Ta réputation n’est plus à faire Lenka, mais je sais que tu préfères agir seule. C’est pour cette raison que je fais appel à toi. Nous ne serons pas dans les pattes l’un de l’autre, mais à deux nous pourrons frapper un dur coup. Un très dur coup.

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Lenka s'assied. Lenka écoute. Et il ne tarde pas à lui expliquer. Il doit savoir que son temps est précieux, et qu'elle ne le perd pas pour rien. Il doit également savoir que si ses idées ne lui plaisent pas, elle va se contenter de se lever et de s'en aller. Sans un mot. Sans un bruit. Presque comme elle est arrivée. Presque comme elle existe. Pour le moment, elle est intriguée. Il a son attention, presque intégralement. Elle reste concentrée sur ce qui se passe autour d'eux. Un bruissement, quelqu'un qui approche, qui repart. La serveuse. Deux verres qui se posent devant eux. La serveuse qui s'en va encore, pour aller s'occuper d'un groupe d'hommes dégoûtants. Ceux que Lenka exècre le plus. La mentaï tourne légèrement sa tête en direction du petit groupe, attentive aux mots d'Indel autant qu'à ceux des porcs et de la serveuse. S'ils tentaient quoi que ce soit, ils étaient morts.

Pour autant, son visage était toujours parfaitement impassible. Son regard aurait certainement exprimer une rage glaciale, mais ni ses lèvres ni sa peau pâle ne pouvaient retransmettre une telle émotion mieux quand dans leur impassibilité. Lenka était pourtant intéressée par les dires de l'envoleur. Il avait tout pour qu'elle s'y intéresse. Le plan, le moyen d'y parvenir, l'efficacité, le respect de ses principes personnels. Tant d'éléments qui la poussaient à accepter sa proposition. Travailler avec lui, pour le chaos. Pour la cause. Toujours le chaos. Toujours la cause.

Cependant, quelque chose la retient encore. Un détail, certainement. Un détail sur lequel elle n'arrive pas à mettre le doigt. Un simple pressentiment, peut-être. Un simple pressentiment non-fondé, qui ne repose que sur des suppositions, sur des vécus antérieurs, sur la réputation d'Indel. Parce que Lenka n'est jamais étrangère à tout ce qui remue la guilde. A-t-elle vraiment envie d'être associée à lui ? A-t-elle vraiment envie de risquer sa tranquillité pour une mission ? Mission qui, certes, semble pleine de cette ambition dont elle aime se nourrir parfois. Pleine de cette tension excitante qui lui faire ressentir ces émotions lointaines - celles qui l'empêchent de n'être qu'un cadavre ambulant.

Derrière elle, les hommes se font plus insistants envers la serveuse qui se défend admirablement bien. Elle a certainement l'habitude. L'habitude d'être traitée comme un morceau de viande. L'habitude de n'être qu'un objet de plaisir pour les soulards et les bandits. Pour les hommes. Ces animaux incapables de se retenir, incapable de se comporter d'une manière décente, incapable de lutter contre leurs pulsions répugnantes. Lenka les abhorre. Tous, sans exception. Il n'y a qu'avec ceux qui partagent son dessein qu'elle est capable d'avoir un semblant de conversation. Un semblant de respect. Un semblant de confiance. Un semblant de quelque chose, qui ne l'éloigne pourtant jamais bien longtemps de ses ressentiments - trop profonds, trop ancrés en elle.

Elle se rappelle qu'Indel est un homme. Peut-être est-ce là la raison de son appréhension inexplicable ? Peut-être que le détail sur lequel elle n'arrivait pas à mettre le doigt était simplement dû à son manque de confiance envers la gente masculine ? Quoi qu'il en soit, elle avait déjà eu affaire à Indel. Elle n'avait aucune raison de penser que malgré ses récentes déboires, ses capacités avaient faiblis. Elle savait aussi que personnellement, elle n'avait rien à lui reprocher. Alors elle réfléchit. Muette, immobile, elle respirait à peine, totalement concentrée sur sa tâche. Elle laissa le silence s'installer entre eux, et se prolonger. Il était hors de question qu'elle lui demande davantage de détails sur leur plan ici, même si c'était un endroit relativement sécurisé pour les gens comme eux.

- C'est d'accord, dit-elle simplement. Nous discuterons des détails ailleurs.


Dans un ailleurs ou elle allait l'emmener. Elle se leva donc gracieusement, et reprit la direction de l'extérieur du bâtiment, invitant Indel à la suivre. Elle n'avait pas l'intention de faire un pas sur le côté devant tout le monde. Elle préférait la discrétion des endroits moins facilement traçable. Derrière elle, la tête des hommes irrévérencieux et salaces commencèrent à enfler, et l'une après l'autre, elles éclatèrent. Sans marquer la moindre hésitation dans son déplacement, Lenka sortit de la taverne.

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Indel jeta une œillade rapide vers le groupe d’hommes qui monopolisaient l’attention de l’unique serveuse de l’établissement. L’humeur encore assombrie, la mâchoire serrée, le Mercenaire reporta avec circonspection son attention vers Lenka. Il avait remarqué la rage silencieuse de la Mentai, dont le dos s’était raidi à l’écoute de leurs brimades déplacées. Il savait qu’elle se plaçait en bourreau implacable des phallocrates. Tout le monde le savait au sein des Mercenaires du Chaos. Y compris lui. En toute honnêteté, il la comprenait et ne s’opposait pas à ses prises de position. Mais, par conséquent, il se doutait que la Mentai ne lui pardonnerait aucun faux pas, le considérait déjà comme coupable d’une faute originelle.  Pour sa part, d’une manière indéfectible, il avait toujours tâché d’aborder ses homologues féminines sur un pied d’égalité. Sans arrière-pensée. Ce qui ne signifiait pas que Lenka était au courant ou que ce serait suffisant. Ils se connaissaient peu. N’avaient jamais travaillé ensemble. Il espérait, cependant, qu’elle garderait à l’esprit qu’ils allaient devoir se faire un minimum confiance pour mener à bien la mission. Pour l’heure, à ce sujet, Indel entrevoyait la situation sous un jour plutôt pessimiste.

D’un geste tout à fait machinal, pour parer au trou blanc d’angoisse qui commençait à se former à l’intérieur de sa cage thoracique, il attrapa une nouvelle fois le verre devant lui et avala une gorgée, de plus en plus insensible à la brûlure dans sa gorge. De longues secondes s’écoulèrent. De sorte qu’Indel commença à se tordre les mains, puis cessa, certain que son interlocutrice pouvait percevoir la nervosité de ses interlocuteurs malgré sa cécité.

- C'est d'accord. Nous discuterons des détails ailleurs, annonça t-elle finalement.

En réponse, il l’observa en silence, les yeux comme des éclats de silex. Il aurait du concevoir du soulagement de cette réponse. Or, il savait que le plus difficile demeurait encore à venir. Sans attendre qu’il ne réplique, elle se leva, pleine de cette grâce léthale propre à donner froid dans le dos.

-Très bien, alors, marmonna t-il plus pour lui-même que pour elle. Il se leva, sans oublier, bien sûr, de finir sa consommation, puis emboîta le pas à la Mentai. En les voyant passer devant elle, la serveuse leur adressa un sourire plaqué, l’air de les enjoindre sans y croire à revenir au sein de l’établissement un jour prochain. Discrètement, Indel lui adressa un signe de tête, l’air de lui souhaiter sans y croire une bonne fin de soirée. Il ne remarqua qu’une seconde plus tard le sang qui commençait à s’écouler des oreilles des clients qui l’avaient importunée. Les traits de l’un commencèrent à se distendre, sous l’effet de ce qu’Indel interpréta d’abord comme de l’étonnement. Il tiqua, mais suivit Lenka sans marquer de temps d’arrêt. Il refermait la porte de la taverne derrière eux, lorsqu’il entendit des cris horrifiés derrière le battant. Des cris de mort. Perdus au milieu de la nuit. Au seuil de ce tripot malfamé.

Le Mercenaire demeura interdit une fraction de seconde. Il allait interroger sa comparse, lorsque la main de Lenka se referma comme des serres sur son avant-bras. Il eut alors l’impression de basculer, d’une longue chute entre les fentes du temps et de l’espace. Ou d’une ascension trop brusque vers des cimes irréelles. La sensation le cueillit au creux des tripes et avant qu’il n’arrive à comprendre ce qui se passait, les contours enténébrés d’une petite pièce se précisaient déjà autour de lui.

Le Mercenaire inspira un grand coup. Comme un nageur qui crève la surface de l’eau. Chercha ses repères dans ce monde qui semblait encore valser. Il n’avait presque jamais voyagé par le biais d’un Pas sur le Côté. Et il ne pouvait pas prétendre qu’il raffolait de l’expérience. Il se força à juguler la vaste nausée qui s’emparait de lui. Indel se morigéna. Il n’aurait pas dû boire comme il l’avait fait…

Il avança à grands pas au milieu de la chambre anonyme. Probablement louée par la Mentaî. Il pivota enfin vers elle, alors qu’elle se tenait encore silencieuse et immobile à l’endroit où elle venait d’apparaître, éclairée seulement par quelques rayons de lune gris. Il la jaugea des pieds à la tête, l’expression impénétrable. En tout cas, elle savait entretenir ses effets.

-Tu voulais parler davantage de certains détails? Je t’écoute.


Oui, ils seraient plus tranquilles pour discuter ici. Dans un coin de son esprit, le Mercenaire nota une odeur désagréable dans la pièce. Subtile et presque indécelable. Mais persistante. Une odeur de putréfaction.

HRP :

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