Elleynah fixait le plafond, allongée dans le lit qu'elle ne quittait que lors des quelques balades que lui offraient généreusement Indel et sa mère. Les motivations de cette dernière lui étaient encore totalement inconnues, et elle avouerait volontiers qu'elle n'avait pas l'énergie nécessaire pour y réfléchir. Elle se contentait de se laisser couler, et de se raccrocher ponctuellement aux maigres rayons de soleil qui essayaient en vain de réchauffer sa peau glacée. La maître marchombre n'avait toujours pas la moindre notion du temps. Parfois, les heures semblaient s'écouler comme des secondes, et d'autres fois, la journée devenait éternité. Et aux yeux de la marchombre, ça n'avait plus de réelle importance.
Lorsqu'elle entendit la clé tourner dans la serrure de sa porte, elle ne réagit pas immédiatement. La lumière s'engouffra dans la pièce sombre, lui brûlant les yeux, et révélant son corps échoué et abîmé. Comme à chaque fois, elle fut incapable de savoir où elle trouva la force qui lui permit de se lever. La veille, ou peut-être l'avant veille, elle avait eu une petite entrevue avec Kaelleyn qui avait mal tourné. Des blessures qui commençaient quasiment à cicatriser s'étaient rouvertes, son visage était tuméfié, ses joues creusées, son être tout entier profondément pitoyable. Mais elle ne se plaignait toujours pas.
Lentement, douloureusement, Elleynah se traina dehors. Comme à chaque fois, elle s'attendait à trouver le contact bienfaisant du soleil sur sa peau, mais ce jour-là, il n'en fut rien. D'épais nuages gris recouvraient le ciel, et quelques gouttes d'une pluie froide commençaient à s'abattre sur ses épaules frêles. Pendant l'espace d'un instant, ce qu'il restait du coeur d'Elleynah se serra, et avec un bonheur qu'elle ne pensait plus pouvoir retrouver, elle offrit son visage au caprice céleste. La marchombre avait l'impression que cela faisait des années qu'elle n'avait pas pu sentir la bienveillance du contact de la pluie. Elle n'eut cependant pas le temps de profiter de cet instant : déjà, on la trainait devant la source d'eau habituelle. Pas de temps à perdre, elle n'avait pas plus d'une heure. On l'abandonna là, avec la promesse de souffrances terribles si elle avait l'audace de s'éloigner.
Malgré le froid, malgré la pluie, Elleynah n'hésita pas l'ombre d'une seconde. Elle entreprit d'enlever le bout de tissu qui lui servait de robe, tâché de sang, troué, abîmé, et elle le laissa tomber dans la boue. Pendant quelques instants, elle resta debout devant l'étendue d'eau, nue et frémissante. Son corps, bien qu'amaigri, conservaient le dynamisme qu'elle avait su créé au fil du temps. Il n'en demeurait pas moins abîmé, recouvert d'hématomes, de blessures, de cicatrices en tous genres. Elleynah s'en fichait. Lorsque les frissons sur sa peau s'accentuèrent, elle se décida enfin à s'avancer dans l'eau. Elle était particulièrement glacée, mais ça ne l'arrêta pas.
Rapidement, elle se laissa engloutir par le liquide, jusqu'à disparaître totalement. Le monde sous-marin lui rappelait des souvenirs d'un temps où elle s'était sentie heureuse. Un temps qui n'avait pas duré, mais qui avait rendu toutes ses souffrances bien pire que ce qu'elles auraient dû être. Elle se souvenait de son apprentie, et exceptionnellement, de la raison qui l'avait poussée à venir s'enfermer dans le lieu qu'elle avait cherché à fuir toute sa vie. La vengeance. Le sang doit être vengé par le sang. N'était-ce pas ce qu'on lui avait enseigné toute son enfance ? N'était-ce pas un des principes des mercenaires du chaos ? Mais elle n'était pas une mercenaire du chaos. Ou peut-être que si, après tout. Peut-être que l'harmonie n'était qu'un tissu de mensonge auquel elle avait cru trop longtemps. Elle ne savait pas. Elle ne savait plus.
Elleynah était perdue. Et alors que l'air commençait à lui manquer, elle hésita un instant à se laisser couler, vidée de la force qui l'aurait poussée à remonter immédiatement à la surface. Une part d'elle refusait de croire que sa maître ait pu se tromper à ce point. Une autre songeait aux paroles de Milah. Pourquoi était-elle partie ? Pourquoi était-elle vraiment revenue ? Elle ne savait pas. Elle ne savait plus. Alors, elle donna une impulsion avec son pied, et creva la surface de l'eau, comme si ce geste allait lui permettre de faire taire les interrogations qui envahissaient son âme meurtrie. Il pleuvait un peu plus fort. Tant pis, elle était déjà trempée.
Elleynah commença à nager maladroitement. Son corps lui faisait mal. Chaque geste était un supplice, et elle ne savait même pas pourquoi elle se donnait tant de mal pour essayer de faire travailler ses articulations. Peut-être parce que c'était le seul moyen qu'elle possédait pour se sentir encore en vie. C'était son dernier recours pour s'assurer qu'elle n'était pas morte. Elleynah serra les dents et continua sa nage. Au bout d'un moment qui lui sembla à la fois terriblement long et infiniment court, elle se tourna sur le dos. La marchombre se laissa flotter, les seins à découvert, les yeux fermés. A la dérive, dans un univers qui lui appartenait, là où la réalité n'existait plus vraiment. Il lui sembla percevoir un mouvement non loin d'elle, mais elle ne bougea pas immédiatement. Ce ne fut que lorsque le mouvement se fit plus précis qu'elle se redressa enfin, et planta son regard éteint sur ce qui venait de la déranger.
Lorsqu'elle entendit la clé tourner dans la serrure de sa porte, elle ne réagit pas immédiatement. La lumière s'engouffra dans la pièce sombre, lui brûlant les yeux, et révélant son corps échoué et abîmé. Comme à chaque fois, elle fut incapable de savoir où elle trouva la force qui lui permit de se lever. La veille, ou peut-être l'avant veille, elle avait eu une petite entrevue avec Kaelleyn qui avait mal tourné. Des blessures qui commençaient quasiment à cicatriser s'étaient rouvertes, son visage était tuméfié, ses joues creusées, son être tout entier profondément pitoyable. Mais elle ne se plaignait toujours pas.
Lentement, douloureusement, Elleynah se traina dehors. Comme à chaque fois, elle s'attendait à trouver le contact bienfaisant du soleil sur sa peau, mais ce jour-là, il n'en fut rien. D'épais nuages gris recouvraient le ciel, et quelques gouttes d'une pluie froide commençaient à s'abattre sur ses épaules frêles. Pendant l'espace d'un instant, ce qu'il restait du coeur d'Elleynah se serra, et avec un bonheur qu'elle ne pensait plus pouvoir retrouver, elle offrit son visage au caprice céleste. La marchombre avait l'impression que cela faisait des années qu'elle n'avait pas pu sentir la bienveillance du contact de la pluie. Elle n'eut cependant pas le temps de profiter de cet instant : déjà, on la trainait devant la source d'eau habituelle. Pas de temps à perdre, elle n'avait pas plus d'une heure. On l'abandonna là, avec la promesse de souffrances terribles si elle avait l'audace de s'éloigner.
Malgré le froid, malgré la pluie, Elleynah n'hésita pas l'ombre d'une seconde. Elle entreprit d'enlever le bout de tissu qui lui servait de robe, tâché de sang, troué, abîmé, et elle le laissa tomber dans la boue. Pendant quelques instants, elle resta debout devant l'étendue d'eau, nue et frémissante. Son corps, bien qu'amaigri, conservaient le dynamisme qu'elle avait su créé au fil du temps. Il n'en demeurait pas moins abîmé, recouvert d'hématomes, de blessures, de cicatrices en tous genres. Elleynah s'en fichait. Lorsque les frissons sur sa peau s'accentuèrent, elle se décida enfin à s'avancer dans l'eau. Elle était particulièrement glacée, mais ça ne l'arrêta pas.
Rapidement, elle se laissa engloutir par le liquide, jusqu'à disparaître totalement. Le monde sous-marin lui rappelait des souvenirs d'un temps où elle s'était sentie heureuse. Un temps qui n'avait pas duré, mais qui avait rendu toutes ses souffrances bien pire que ce qu'elles auraient dû être. Elle se souvenait de son apprentie, et exceptionnellement, de la raison qui l'avait poussée à venir s'enfermer dans le lieu qu'elle avait cherché à fuir toute sa vie. La vengeance. Le sang doit être vengé par le sang. N'était-ce pas ce qu'on lui avait enseigné toute son enfance ? N'était-ce pas un des principes des mercenaires du chaos ? Mais elle n'était pas une mercenaire du chaos. Ou peut-être que si, après tout. Peut-être que l'harmonie n'était qu'un tissu de mensonge auquel elle avait cru trop longtemps. Elle ne savait pas. Elle ne savait plus.
Elleynah était perdue. Et alors que l'air commençait à lui manquer, elle hésita un instant à se laisser couler, vidée de la force qui l'aurait poussée à remonter immédiatement à la surface. Une part d'elle refusait de croire que sa maître ait pu se tromper à ce point. Une autre songeait aux paroles de Milah. Pourquoi était-elle partie ? Pourquoi était-elle vraiment revenue ? Elle ne savait pas. Elle ne savait plus. Alors, elle donna une impulsion avec son pied, et creva la surface de l'eau, comme si ce geste allait lui permettre de faire taire les interrogations qui envahissaient son âme meurtrie. Il pleuvait un peu plus fort. Tant pis, elle était déjà trempée.
Elleynah commença à nager maladroitement. Son corps lui faisait mal. Chaque geste était un supplice, et elle ne savait même pas pourquoi elle se donnait tant de mal pour essayer de faire travailler ses articulations. Peut-être parce que c'était le seul moyen qu'elle possédait pour se sentir encore en vie. C'était son dernier recours pour s'assurer qu'elle n'était pas morte. Elleynah serra les dents et continua sa nage. Au bout d'un moment qui lui sembla à la fois terriblement long et infiniment court, elle se tourna sur le dos. La marchombre se laissa flotter, les seins à découvert, les yeux fermés. A la dérive, dans un univers qui lui appartenait, là où la réalité n'existait plus vraiment. Il lui sembla percevoir un mouvement non loin d'elle, mais elle ne bougea pas immédiatement. Ce ne fut que lorsque le mouvement se fit plus précis qu'elle se redressa enfin, et planta son regard éteint sur ce qui venait de la déranger.