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Avant l'orage [Indel Valaom & Elleynah Bàthory] - RP FlashBack

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descriptionAvant l'orage [Indel Valaom & Elleynah Bàthory] - RP FlashBack - Page 2 EmptyRe: Avant l'orage [Indel Valaom & Elleynah Bàthory] - RP FlashBack

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Les paroles d'Indel frôlait sa peau sans jamais parvenir à l'atteindre. Plus rien n'avait d'importance aux yeux d'Elleynah, et ni les lames ni les mots ne parvenaient à la blesser. Elle se sentait hors du temps, hors du monde, dans un endroit qui lui était à la fois familier et étranger. Etait-elle venue ici pour mourir, ou pour continuer à vivre ? Allait-elle se battre ou se laisser battre ? Sentiraient-ils, eux aussi, la douleur piquante de la défaite et de la mort ? Connaitraient-ils le souffle si froid de la mort, lorsqu'elle vient déposer ses lèvres sur les vôtres ? Même cette idée ne parvenait pas à réchauffer un peu le coeur de la marchombre déchue. Peut-être en serait-il autrement un jour, lorsque son âme si fragile aurait cicatrisé. Lorsque le souvenir de son élève, de sa famille, de ceux qu'elle avait tant aimé, se serait enfin évanouie. Elle n'avait pas l'espoir que cela arrive un jour.

A chaque matin qui se levait, à chaque soir qui tombait, Elleynah songeait à ces gens qui n'arrivaient pas même à lui manquer. Elle pensait à eux comme à des souvenirs que l'on voudrait effacer, comme à des blessures que l'on voudrait enfin voir cicatriser. Elle était profondément coupable de la peine, de la douleur et de la mort de beaucoup trop de personnes. Et lorsque ses paupières se fermaient, c'était encore à eux qu'elle pensait. Il n'y avait que la douleur physique qui l'extrayait momentanément de ses pensées, qui, paradoxalement, ne suffisaient pas à entretenir la flamme de sa colère et de sa haine. Elle n'était qu'une loque humaine, incapable de trouver la force d'accomplir ce qu'elle était venue chercher dans le lieu de son enfance.

Elleynah ne se reconnaissait plus. Elle n'avait jamais été quelqu'un de faible. Elle s'était toujours battue, et jamais elle n'avait laissé de place à la souffrance et aux lamentations. Et aujourd'hui, elle était à terre, abattue, détruite. Mais pas totalement. Pas autant qu'elle aurait dû l'être. Et pourtant, Kaelleyn s'était assurée qu'il ne reste que de la poussière et des cendres dans le coeur de sa fille. Peut-être balayait-elle encore l'espoir fou que sa fille soit enfin celle qu'elle avait toujours souhaité. Une envoleuse modèle, qui brillerait comme elle aurait dû briller. Une enfant, une héritière, l'ombre de Kaelleyn qui la remplacerait lorsqu'elle mourrait. Mais Elleynah n'y croyait pas. Sa mère ne pouvait pas être folle et insensée à ce point. Sa mère ne pouvait pas avoir oublié qu'elle n'avait jamais accordé la moindre importance à sa fille avant son départ. Kaelleyn n'avait jamais aimé Elleynah.

- C’est une question d’amour, alors ? J’aurais dû le comprendre dès le début. Tu t’es écorché le cœur, là dehors, et c’est ce qui t’as fait revenir…

Elleynah eut un haussement d'épaules ironique. Indel n'avait pas l'air de se rendre compte qu'aucune de ses paroles ne pouvait l'atteindre. Elle se moquait éperdument de ce qu'il voulait et de ce qu'il cherchait à avoir. Elle se moquait éperdument de ce qu'il pensait d'elle. Il la trouvait sûrement faible, lamentable, pitoyable. Et c'était ce qu'elle était, oui. Une loque humaine qui n'était vivante que pour satisfaire le délire pervers et étrange dans lequel sa mère s'enfermait. Lorsqu'elle aurait fini de s'amuser, l'envoleuse la tuerait sûrement de sa propre main. Elle ferait glisser sa lame sur la peau de sa fille unique, et ce serait la plus douce des caresses maternelles jamais offerte. Elleynah ne pouvait s'empêcher d'attendre cette instant avec une vive curiosité. Comment serait sa mère dans un réel rôle de mère ? Comment se passerait ce dernier moment en famille ? Kaelleyn s'en sortirait sûrement, mais Elleynah ferait en sorte que ce soit inoubliable pour elle aussi.

Et puis, comme si la marchombre n'était rien d'autre qu'une poupée de chiffon, le mercenaire l'attrapa et la fit sortir en partie de l'eau, plongeant son regard brûlant dans le sien. Elleynah soutint son regard. Il n'y avait pas d'air de défi dans son geste, pas de volonté de s'opposer à lui, mais une indifférence profonde. Il pouvait bien la noyer, la jeter, la saigner jusqu'à l'âme, ça ne lui faisait rien. Elleynah ne sentait plus la douleur, comme si son être tout entier était anesthésié. Comme si elle était enfermée dans une bulle faite d'éclats givrés, hors du temps, hors du monde. Cette bulle était prête à éclater à tout instant, mais pour le moment, elle tenait bon. Elleynah se passa la langue sur les lèvres, et à ce moment-là, avec la lumière étrange qui régnait à l'extérieur, on aurait presque pu croire qu'elle souriait.

- Je te jure que je connais la chanson. À un moment, faire face à soi-même devient intolérable. Tout plutôt que de sentir la culpabilité te dévorer vive, hein ? Autant laisser ta mère se charger de ton cas. Autant crever… Sauf que t’as réussi qu’à te coincer ici. C’est bien joué.

Il la jeta à nouveau dans l'eau, et elle se laissa ballotter par les courants trop forts. Toute sa vie elle s'était battue contre ces mêmes courants. Et aujourd'hui plus que jamais, elle ne souhaitait plus lutter. Elle voulait simplement les accompagner, épuisée de toujours se battre, épuisée de toujours devoir avancer à contre-courant pour pouvoir espérer s'en sortir. Et, acharnée, elle replongea à nouveau son regard dans celui de l'homme, toujours silencieuse. Elle sentait ses mots heurter sa peau, mais ils n'y laissaient pas la moindre douleur, pas la moindre trace de choc. Il n'y avait que les cicatrices et les blessures physiques infligées par sa mère. Lui ne pouvait pas l'atteindre. Après tout, il ne savait pas. Il ne savait rien. C'était peut-être ça qui le rongeait le plus. C'était peut-être ça qu'il détestait. Après tout, il était bien plus simple d'avoir de l'emprise sur quelqu'un lorsque l'on savait pourquoi la personne souffrait.

- La personne qui a causé ta perte, au final, c’était qui ? Un amant ? Toute ta précieuse guilde ? À moins que ce soit la personne qui t’as poussée à t’enfuir pour commencer ? Ne t’avise pas de me dire que ça n’a pas d’importance, je sais quand on me ment.

Elleynah et Indel n'étaient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Elle aurait pu essayer de le tuer si elle l'avait voulu, il aurait pu l'anéantir sans même bouger. Elle était nue, amaigrie, blessée, vivante mais morte. Et pourtant, malgré le chaos dans son coeur, malgré la lutte contre elle-même, une certaine paix se dégageait de cette situation. Peut-être était-ce la baignade qui lui faisait un bien qu'elle n'aurait pas même pu soupçonner. Peut-être que pour la première fois depuis des semaines, elle se sentait à nouveau un peu vivante. Un peu moins morte. Un peu plus elle-même. Avait-elle un jour été vraiment elle-même ? La marchombre fit durer le silence, consciente qu'Indel était accroché à ses lèvres et attendait la réponse qu'elle pourrait lui fournir.

- Tu es tellement loin de la réalité que tu ne pourrais même pas m'en décrire les contours.

Elleynah fronça légèrement les sourcils pendant quelques interminables secondes. Elle n'avait pas dans l'idée de le défier, elle n'avait pas dans l'idée de s'opposer à lui. Elle savait qu'il avait raison sur certains points, même si rien ne pouvait lui permettre d'imaginer de près ou de loin à quoi ressembler sa vérité. Elle se détourna de lui, regagnant la berge et sa robe qu'elle avait laissé en plan. Elle prit tout le temps de la reprendre, et retourna vers l'eau pour la laver de la boue, du sang et de la sueur dont elle était recouverte.

- Je suis une fille du chaos, Indel. Bien plus que toi, bien plus que beaucoup d'entre vous. Je suis née ici, j'ai grandi ici, j'ai tué pour la première fois ici, j'ai vu la mort pour la première fois ici. J'ai dévié du chemin qui était tracé pour moi, mais on ne change jamais vraiment.

Elle frotta sa robe dans l'eau, regardant le sang s'y répandre, comme hypnotisée.

- J'ai aimé, oui, c'est vrai. Ou j'ai cru aimer. Ca non plus, ça n'a pas d'importance. J'ai cru en des réalités qui n'existent pas, je me suis engagée sur un chemin qui n'est qu'une impasse et aujourd'hui, je retrouve la seule vérité qui peut exister et que je n'aurais jamais dû perdre de vue. Traite moi de menteuse si tu y tiens, qu'est-ce que ça change pour moi ? Tu l'as dit toi-même, je suis coincée.

Lentement, elle se retourna, faisant à nouveau face à Indel. Elle prit sa robe et l'essora, le regard brûlant.

- Et contrairement à ce que tu as l'air de croire, je suis consciente de mes choix, et j'assume entièrement leurs conséquences. Si je dois mourir ici, et bien soit. Je n'ai plus rien à regretter.

Incapable de dire si elle-même croyait à ses paroles, elle se laissait pourtant bel et bien engloutir par le chaos. Cette part de chaos contre laquelle elle avait lutté pendant des années, mais qu'elle avait toujours eu en elle. Cette part de chaos qu'elle n'avait fait que rejeté, alors que la seule issue possible semblait être de l'accepter. Enfin, Elleynah commençait à comprendre.

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Indel ne manqua pas le demi-sourire ténu, fin et blanc comme une cicatrice, qui passa sur le visage creusé d’Elleynah avant qu’elle ne bascule à nouveau dans l’eau dans une gerbe de froides éclaboussures. Il existait toujours un moyen de se rendre inaccessible, n’est-ce pas ? Ou, du moins, d’essayer de faire croire qu’on était hors d’atteinte. Le Mercenaire comprit mieux ce qui embrasait avec une telle efficacité la colère de Kaelleyn. Pour sa part, il ne lui en tint pas rigueur. Pas vraiment. Après tout, elle réussissait peut-être à l’érafler, mais elle ne pouvait pas le couper, lui, jusqu’à l’os. Il demeurait un acteur secondaire de cette histoire, libre de tirer ses conclusions et d’apporter son bagage à lui. S’il avait eu voix au chapitre, pourtant, jamais il ne serait entré dans la valse à laquelle se livraient la mère et la fille. La fin ne saurait être que tragique et sanglante. Il n’était pas assez voyeur pour vraiment tenir à assister à la mise à mort. Il voulait simplement que, à terme, elle soit effective. Il recula, contempla le corps de la Marchombre exposé dans le bassin à l’eau aussi limpide que du verre, l’oeil sombre et perçant.

- Tu es tellement loin de la réalité que tu ne pourrais même pas m'en décrire les contours.

À ces mots, Indel demeura silencieux et immobile, comme lui seul savait le faire. Sa haute présence en bordure de la berge dût paraître s’assombrir et se densifier davantage. Il ressentait ce fourmillement électrique au bout de ses doigts. Celui que chaque criminel connaît et où naissent tous les méfaits exécutables. Non, au contraire, il était formellement certain d’avoir touché quelque chose de vital.

- Je suis une fille du chaos, Indel. Bien plus que toi, bien plus que beaucoup d'entre vous. Je suis née ici, j'ai grandi ici, j'ai tué pour la première fois ici, j'ai vu la mort pour la première fois ici. J'ai dévié du chemin qui était tracé pour moi, mais on ne change jamais vraiment. J'ai aimé, oui, c'est vrai. Ou j'ai cru aimer. Ca non plus, ça n'a pas d'importance. J'ai cru en des réalités qui n'existent pas, je me suis engagée sur un chemin qui n'est qu'une impasse et aujourd'hui, je retrouve la seule vérité qui peut exister et que je n'aurais jamais dû perdre de vue. Traite moi de menteuse si tu y tiens, qu'est-ce que ça change pour moi ? Tu l'as dit toi-même, je suis coincée.

Elle parlait tout en tâchant de laver l’espèce de robe grossière qui lui servait d’unique vêtement. Le sang se répandait en volutes lourds et écarlates, indifférents. L’eau devait lui glacer les mains.

- Et contrairement à ce que tu as l'air de croire, je suis consciente de mes choix, et j'assume entièrement leurs conséquences. Si je dois mourir ici, et bien soit. Je n'ai plus rien à regretter, dit-elle.

Je n’ai plus rien à regretter…
Elle mentait. Il avait cru la majeure partie de son discours, jusqu’à cette ultime affirmation... Elle mentait. Mais sans doute pas qu’à lui. Les regrets représentaient sa seule compagnie. C’était ça qui la maintenait plaquée au sol. Indel en était convaincu. Il détourna la tête vers sa gauche, un rictus improbable et acerbe au possible taillé dans son expression. Sans joie. En guise de réponse, il finit par cracher avec dédain sur les galets, comme le font les dévoyés aux angles des ruelles malfamées.

-C’est fini pour aujourd’hui. Rhabille-toi, on rentre,
acheva t-il d’un ton grinçant.


***

Indel referma la porte en bois sombre de la chambre d’Elleynah, verrouilla derrière lui. En chemin vers la demeure, il lui avait semblé entrepercevoir une femme à la chevelure aussi noire que le plumage de son corbeau. Une mentaï au profil racé, qui avait suivi leur progression du regard. Il songerait à l’interroger, car si la rumeur était exacte et si il ne se trompait pas sur la personne, cette femme avait connu Elleynah dans son enfance. Il savait quelle mine d’informations elle pouvait représenter pour la mission qui lui avait été confiée. Mais pas maintenant. Il devait d’abord livrer son rapport à Kaelleyn. Indel dépassa son collègue, assis avec nonchalance sur sa chaise. Cette fois, il avait ignoré leur présence avec ostentation, plein d’une sorte de triomphalisme obscène.

Indel prit en compte avec amertume que c’était vrai ce que certains murmuraient.
Le geôlier n’est qu’un autre prisonnier. Il ignorait seulement qu’Elleynah, elle, réussirait à échapper à son sort. Mais ce jour allait devoir attendre.

Le Mercenaire sortit dehors.
Là-haut, le ciel commençait à devenir noir.
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