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Rencontre sur les bords du Pollimage

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Aujourd’hui, Alizarine avait vingt-sept ans.

Et pour le soir de son anniversaire, elle cherchait une auberge dans une ville miteuse sur les bords du Pollimage, alors qu’un orage s’annonçait, lourd et moite comme tous les orages d’été. Oui, on avait vu mieux. Mais elle n’était pas si mal lotie : elle aurait pu se trouver dans les Marches du Nord, à se geler les orteils, ou dans un fossé d’Al-Far en train de guetter une planque de gangs cachée par un égout, ou bien… Bref, vous avez saisi l’idée. Alizarine avait connu nettement pire qu’un village miteux et quelques courbatures.

Elle avait cheminé durant deux semaines à travers les plateaux de l’Est. Un bon lit, une bonne bière et un plat en sauce, et peut-être un peu de compagnie.
Alizarine, contrairement à ce que certains pouvaient dire, n’était pas asociale. Elle aimait picoler avec des gens et rigoler en écoutant des blagues idiotes, rivaliser d’imagination et de verves dans les récits de batailles ou la description d’un partenaire particulièrement doué (que ce soit aux armes ou au lit). Elle aimait aussi partager le lit ou la vie d’un homme durant une semaine ou deux. Généralement, quand elle s’arrêtait quelque part et flashait sur un beau spécimen, elle restait tant que leur relation durait.

La moyenne était d’environ deux semaines. Alizarine était une personne difficile, éprise d’indépendance, et il en fallait assez peu pour mettre le feu aux poudres…

Levant les yeux vers le ciel de plus en plus gris, Alizarine retint un soupir. Sa dernière relation en date avait été avec Tivario, un garde d’Al-Chen : pour rester avec lui, Alizarine s’était engagé dans une mission d’escorte, au cours de laquelle ils avaient rompu. Ce qui l’avait mis de fort mauvaise humeur quand elle était revenue à Al-Chen empocher sa paie. Et comme si ça ne suffisait pas, elle était tombée sur son frère en quittant la ville !
Alizarine n’avait pas grand-chose contre Jorth, admettons-le. C’était le moins insupportable de ses frères. Du coup elle n’avait fait que l’assommer.

… Oui, Alizarine avait assommé son frère. Parce qu’il était chiant. Et geignard. Et qu’elle était de mauvais poil.

Ce sont des choses qui arrivent, okay ?

Si ça avait été son frère Indigo, par exemple, il y avait sans doute eut plus de sang impliqué. Alizarine et Indigo s’étaient toujours franchement détestés. Tandis que Jorth… Jorth avait toujours été gentil. Et timide, et inutile, mais gentil.
Mais voilà. Alizarine avait fait une croix sur la famille Rethelson depuis des années. Et en la retrouvant, Jorth avait bêtement cru qu’en faisait un câlin à sa petite sœur, ça la pousserait à ouvrir son cœur, lui raconter ses misères, et qu’ils redeviendraient copains. Triple crétin. Alizarine n’était plus la gamine d’autre fois : elle était dure, elle était une guerrière, et elle montrait les crocs. En se sentant menacé, Jorth avait essayé de lui piquer son épée grâce à son Don, une manière de désarmer sa sœur tout en lui montrant son adresse… Mais Alizarine tenait à son épée.
Alors boum. Elle lui avait envoyé sa botte coutée dans la poire et Jorth avait dit coucou au sol.

Ouais, les retrouvailles avaient été un peu brutales.

Du coup Alizarine avait fait le grand tour par les plateaux de l’Est, dans l’espoir de s’aérer l’esprit et de voir le moins de monde possible. C’était une réussite sur toute la ligne, elle avait même évité les quelques villages et fermes qui parsemaient la région. Mais ses pas l’avaient reconduite vers l’Ouest, vers le fleuve, presque à son insu.
Se ressourcer dans la solitude c’était bien, dormir dans un vrai lit et chanter des paillardes en bonne compagnie c’était mieux.

Les meilleures auberges étaient le long du port, et c’est donc par là qu’elle se dirigea. Il y avait du monde dans les rues, et Alizarine claqua de la langue avec impatience en faisant louvoyer son cheval entre carrioles et passants. Plusieurs fois, elle talonna sa monture, poussant la placide Ellébore à forcer le passage entre les gens. Elle n’avait pas que ça à faire, il était presque l’heure du dîner tout de même ! Ces gens n’avaient aucun respect pour ce qui était important. Comme le fait de se remplir l’estomac, par exemple.

– T’es dans le chemin ! pesta un énième marchand bousculé dans la cohue.

– Quoi, t’as besoin d’aide pour faire un détour ? riposta la jeune femme.

Son ton agressif et l’épée sur son côté dissuadaient généralement les gens de chercher l’embrouille, même si nombre d’entre eux maugréaient en s’éloignant. Alizarine esquissa en coin. Sa charmante personnalité était son plus grand atout.
Ça éloignait les emmerdeurs aussi radicalement qu’un putois mort accroché à sa selle.

(Alizarine adorait cette métaphore colorée : c’était Morden, son ami/mentor/possible-criminel, qui l’avait décrite ainsi. Ça lui allait comme un gant.)

Le village où elle se trouvait était un relais bien connu des navigateurs, qui y refaisaient le plein de vivres avant de rejoindre le lac Chen : une dizaine de bateaux étaient amarrés aux quais, allant du petit bateau de pêche au grand navire à trois mats. Alizarine leur jeta un regard désintéressé, et chercha du regard une auberge d’apparence convenable.

Elle finit par jeter son dévolu sur la Les Quatre Chopes, un bâtiment rustique mais dont s’échappait de la musique et des rires, ainsi qu’un délicieux fumet de viande en sauce et de grillades.  Un palefrenier se tournait les pouces devant la porte, et en voyant Alizarine s’approcher, il leva sur elle un regard interrogateur :

– Voulez que j’prenne votre cheval le temps de manger ? L’écurie est juste derrière.

– Parfait, lâcha la jeune femme en descendant de selle et en récupérant son sac. Panse-la bien, elle a fait un long voyage. Je passerai peut-être la nuit ici. Si je reviens et que je suis satisfaite…

Elle fit sauter dans sa main une pièce d’argent percée d’un trou en forme d’étoile à cinq branches, et les yeux du gamins s’écarquillèrent. Pour un palefrenier, c’était un salaire royal… Il s’empressa de mener Ellébore vers l’écurie, traitant déjà le cheval comme si c’était la version équine de l’Empereur.

Alizarine leva les yeux, suivant du regard une pie qui se perchait sur le toit de l’auberge. Chrym avait déjà pris ses aises… A présent, c’était à son tour. Elle poussa la porte de l’auberge, et fut aussitôt assaillie par le bruit des rires et des conversations fortes, ainsi que par la mélodie d’un luth qui jouait dans un coin de la salle. Le bruit normal des soirées animées.
L’auberge était bien pleine. Elle se fraya un passage jusqu’au comptoir, où elle commanda une bière ainsi qu’un plat de poisson grillé aux champignons. Puis elle se chercha du regard une place, et fini par aviser une table libre, juste derrière une grande tablée de marins qui riaient et bavardaient.

Elle prit place, posant son sac sur la chaise à côté d’elle, et s’étira lentement. Irrésistiblement, un mince sourire se dessina sur son visage. Une auberge bondée, c’était toujours à qu’elle se sentait le mieux. Ne manquait plus que quelques compagnons de beuveries, et peut-être un homme mignon pour la distraire plus tard dans la nuit !

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Frustration. Frustration et colère latente.

Voilà l’état dans lequel le Capitaine du Fou de Bassan se trouvait depuis plusieurs mois déjà. Le temps avait réussi à faire disparaitre sa mauvaise humeur permanente au bout de quelques semaines, lorsqu’il avait acquérait son nouveau navire. Mais malgré les apparences de retour à la normale, le bouillonnement intérieur d’une rage aveugle, éclipsant les autres émotions qu’il aurait dû ressentir, telle la tristesse, la douleur, le vide, la perte, la honte, la trahison… tempêtait toujours en lui.

Pour Fynn Fearàin, il n’y avait que deux choses au monde auxquelles il ne fallait pas s’en prendre. Son navire et son équipage. Ross Crainn, son ancien meilleur ami et frère de cœur, avait planté une dague au cœur de ces deux intouchables. À cause de ses actions, trois membres de l’équipage de Fynn avaient perdu la vie dans un incendie, et le célèbre navire Aline, la Perle des Sables, la pupille des yeux de Fynn, lui avait été ravie. Dans une soif de vengeance et d’arrogance, Ross n’avait pas eu conscience d’éveiller quelque chose de dangereux. Peu de choses étaient aussi hypothéquant pour sa vie que de se mettre un Aline prêt à tout pour vous voir vous faire dévorer vivant par les requins.

Ross avait éveillé un ouragan. Un ouragan qui le suivait de loin, mais qui, comme toute tempête en mer, allait un jour le rattraper. C’était justement ce à quoi Fynn s’était occupé les dernières semaines. Après avoir volé le Vent du Large à un riche marchand Navigateur, Fynn l’avait renommé le Fou de Bassan, s’était fait passé pour membre de la Guilde Alavirienne, et avait mis cap sur l’Archipel. De là, il avait repêché quelques informations sur les allés et venus de Ross, sur les autres navires avec qui il faisait affaire, mais n’avait pu recueillir assez d’information pour le localiser dans l’immédiat. De retour près des côtes Alaviriennes, Fynn avait continué de se renseigner, mais Ross semblait avoir disparu momentanément de la carte. Aussi frustrante que soit sa situation, Fynn était convaincu qu’elle ne durerait pas longtemps. Ross était un homme qui ne restait jamais bien longtemps loin des projecteurs, et tôt ou tard, il allait commettre l’erreur d’écouter son orgueil et de révéler sa présence.

En attendant, il avait un équipage à faire vivre, des coffres à remplir et des affaires à reprendre. Sur l’Archipel, il avait acheté une cargaison d’alcool et de tabac de contrebande obtenu par raid sur la côte Alavirienne et des abordages sur des navires de l’Empire à un vieux capitaine Aline. La cale de son nouveau bateau rempli, il se dirigeait maintenant vers Al-Chen.

S’éloigner le plus possible d’Al-Vor et de la Capitale pour un certain temps était la chose la plus sage à faire pour l’instant. Un avis de recherche avait été émis concernant le Vent du Large, et si Fynn avait fait modifier l’apparence du navire, avait acheté une nouvelle voile et fait hisser un nouveau drapeau, trop de gens dans cette région risquaient de reconnaitre le navire. De ce qu’il avait appris de son ancien propriétaire, la soirée avant de voler le bateau, le Vent du Large faisait principalement affaire entre Al-Vor et Port Impérial, la plus grande ville portuaire au sud d’Al-Jeit. Al-Chen était donc tout désigner pour accueillir sa marchandise et son navire. Il n’y était plus retourné depuis environ deux ans, et ceux qu’il avait roulés dans la farine à ce moment-là, s’il s’en était un jour aperçu, ne devraient plus le rechercher activement.

Bref, la remontée du Pollimage s’était déroulée sans encombre et plus rapidement que prévu. Si tout continuait ainsi, ils gagneraient le lac Chen dans deux jours. En fin d’après-midi ce jour-là, profitant de leur proximité avec un petit village portuaire du Pollimage, Fynn avait mené son navire à quai pour permettre à son équipage de profiter des lits d’une auberge et d’une soirée de bonne nourriture et d’alcool avant de poursuivre leur voyage.

Trouver l’auberge idéale n’avait pas été difficile. À peine avaient-ils posé le pied sur le quai qu’une femme d’un certain âge à l’imposante poitrine et portant un lourd panier de poisson frais dans ses bras s’était approché d’eux.

    « Bonjour Messires! Vous ne chercheriez pas un endroit où passer la nuit par hasard? »


Fynn avait souri, amusé. La courtoisie de cette femme était, de toute évidence, en grande partie, sinon entièrement attribuable à la perspective de profit. Vingt marins débarquant dans une auberge, c’était quelque chose dont elle pouvait difficilement ne pas se réjouir. Cela dit, il pouvait difficilement lui en tenir rigueur, étant lui-même incapable de refuser une bonne affaire.

Ils s’étaient donc retrouvés dans une grande auberge du nom de Les Quartes Chopes. Déjà, c’était encourageant. L’équipage de Fynn boucla un peu plus de la moitié des chambres de l’établissement. Le Capitaine Aline réussit à marchander un rabais pour le groupe, échangeant également quatre bouteilles de rhum de grande qualité pour leur souper et approvisionnement en alcool pour la soirée. Celle-ci s’annonça définitivement bien lorsque, tous attablés dans la grande salle commune de l’auberge, un succulent ragout de Siffleur leur fut servi accompagné de légumes de racines de niam et d’un hydromel local qui les laisserait léger plus tard dans la soirée.

Le repas terminé, plus d’alcool leur fut amené et Fynn croisa les bras sur sa poitrine, s’adossant au dossier de sa chaise avec un sourire satisfait en observant son équipage. Devant lui se trouvaient les seules personnes au monde en qui il avait confiance et pour qui il s’inquiétait réellement du bienêtre. Les dernières semaines n’avaient pas été uniquement difficiles moralement pour lui. Ses hommes avaient souffert également de la mort de trois d’entre eux, et la perte du navire avait été un coup dur. Les voir rire, chanter et s’animer vivement dans leurs conversations lui tirait donc un sourire à la fois amusé et rassuré. Ils passaient du bon temps, oubliaient leurs problèmes… Son but était atteint.

Soan Ezalyn, son quartier maitre, ainsi que son petit frère Theo se levèrent alors et entamèrent une chanson à boire typique des iles Alines. La boisson les rendant chancelant et ils se tenaient tous deux par les épaules, une chope de bière à la main, tandis que les autres membres d’équipage tapaient le rythme avec la leur sur la table de bois, faisant trembler les murs.

    « Qui veut chasser une migraine
    N’a qu’à boire toujours du bon,
    Et maintenir la table pleine
    De cervelas et de jambon.

    L'eau ne fait rien que pourrir le poumon,
    Boutte, boutte, boutte, boutte compagnon,
    Vide-nous ce verre et nous le remplirons. »


En temps normal, Fynn aurait tiqué en les entendant chanter cette chanson dans un lieu public Alavirien. Ils étaient sensés être des Alaviriens eux-mêmes, membres de la Guilde des Navigateurs, et le Capitaine préférait éviter que trop de démonstrations de leur appartenance au peuple rival ne viennent faire voler leur couverture en éclat. Néanmoins, il n’en fit rien. La joie sur le visage de ses hommes valait bien ce petit risque. Et si quelqu’un dans cette auberge perdue le long du Pollimage connaissait les chansons traditionnelles de soirées arrosées de chez lui, alors il s’agissait soit d’une Aline, soit de quelqu’un trempant les deux pieds dans la criminalité et le marché noir.

Ness Cricerelle, la jeune vigie du bateau à la chevelure roux éclatante, se leva alors, entrainant d’autres avec elle, et se mit à danser en tenant deux matelots par les bras. Bientôt, presque tout l’équipage dansait, bras dessus bras dessous, autour de la table, et Fynn avait été entrainé au passage par Ness. Affichant un air faussement exaspéré au début, il se mit rapidement à rire et à chanter en cœur avec les autres. Fynn remarqua que son équipage avait également entrainé trois Alaviriens dans leurs festivités, soit les deux serveuses de l’auberge, deux jeunes femmes dans la vingtaine aux cheveux blonds qui devaient être les filles de l’aubergiste, ainsi qu’une femme qui n’avait visiblement eu aucune option sur sa participation à la danse. Il l’avait remarqué vaguement lorsqu’elle était venue s’assoir quelques minutes auparavant à la table adjacente à la leur. Elle était visiblement seule, ce qui avait dû motiver Ness à l’entrainer de force dans leurs festivités. Elle faisait la mi- vingtaine, abordait une chevelure longue et noire et vivait visiblement sur les routes. Un simple regard suffit à Fynn pour savoir qu’elle vivait également de ses armes. Et maintenant qu’il la voyait mieux, elle n’était définitivement pas déplaisante à regarder.

Lorsque la chanson prit fin, la danse s’arrêta et un toner d’applaudissements et de cris de joie résonnèrent dans l’auberge. Alors que tous regagnaient leurs places dans un vacarme de conversations, de cris lancés par-dessus la table et de chopes de bières s’entrechoquant, Fynn se dirigea vers la jeune Alavirienne, vrilla ses yeux bleu sombre dans les siens et lui tendit la main.

    « Capitaine Felix Luïwen. »


Il inclina la tête, un sourire amusé et – bien entendu – charmeur accroché aux lèvres, puis fit un grand geste de la main vers sa tablée et son équipage. Le nom d’emprunt qu’il venait de lui révéler était celui de sa couverture de Navigateur. Tant qu’il avait un pied à terre, ses hommes étaient dans l’obligation de l’appeler par ce nom. Ce dernier changeait plutôt fréquemment, soit dès qu’il commettait un assez gros coup pour être recherché ou démasqué.

    « Après ce que viennent de vous faire vivre mes hommes, la moindre des choses est de vous payer un verre. Vous vous joindrez à nous? »



descriptionRencontre sur les bords du Pollimage EmptyRe: Rencontre sur les bords du Pollimage

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La table voisine de celle d’Alizarine avait commencé à manger avant elle, et la chasseuse de prime finissait à peine son plat de siffleur que déjà les marins entamaient l’alcool et se mettaient à chanter. Tout en sauçant négligemment son assiette, la Pie Voleuse les observa avec un demi-sourire. L’ambiance joyeuse, l’odeur d’alcool, le son des gobelets frappés en rythme sur la table, et les grands rires lui rappelaient les soirées passées avec les Thüls, quand ils faisaient la fête après une mission. Succès ou échec, ils célébraient le fait d’être en vie, et oubliaient un peu leurs soucis.
L’air lui était vaguement familier, mais elle n’arrivait pas à le placer. Une simple chanson à boire, à en juger par les paroles… Peut-être une chanson du Sud ? Ça faisait quelques années déjà qu’Alizarine n’était pas allée jusqu’à la côte de la mer des Brumes.

Ah, le Sud ! C’était loin, si loin… Elle se tenait toujours au courant des avis de recherche qui y circulaient (si jamais un gros poisson faisait entendre parler de lui, tous les chasseurs de primes convergeraient vers la région, et la Pie Voleuse avait la ferme intention d’être de la partie !), mais elle n’y avait pas mis les pieds depuis au moins quatre ans.
Il y avait quatre années de ça, Alizarine avait poussé sa route jusqu’à Al-Vor, quelques années après s’être fait une réputation comme chasseuse de prime : mais ses retrouvailles avec sa famille avaient été si désagréables qu’elle avait ensuite quitté la ville, et n’y était pas retournée…
Al-Jeit était également une ville merveilleuse, mais dans laquelle elle n’avait pas mis les pieds depuis des lustres. Les criminels n’y couraient pas les rues, et Alizarine n’avait guère vécu dans l’opulence là-bas. Quelques malfrats de moindre importance étaient tombés dans ses filets, mais la Pie Voleuse savait que ses compétences étaient moins à remercier que l’exactitude des informations fournies par le réseau souterrain d’Al-Jeit. Les gamins des rues, petits messagers diligents, pouvaient aisément donner à la jeune femme le nom et l’adresse du domicile de sa proie, si elle était disposée à payer et demandait poliment. Les trois quarts du job étaient faits en cinq minutes !

Si les autres villes disposaient d’un réseau aussi efficace que celui d’Al-Jeit, la vie d’Alizarine aurait été grandement simplifiée.
Et beaucoup moins savoureuse.

Enfin bref. Le Sud, c’était loin, et ce n’était pas non plus sa tasse de thé. La chaleur, les moustiques, les pécores frileux, beurk.  Depuis l’âge de seize ans, Alizarine préférait la vie rude et les défis que lui offrait le Nord, aux environs du lac Chen mais surtout au-delà. C’était surtout le territoire des Thüls qui offrait à la Pie Voleuse les opportunités dont elle rêvait. Du défi, du travail, de grands espaces, de la bonne compagnie, de la bière et de l’animation ! Que demander de plus ?
Du pognon. Certes. Mais bon, c’était comme le beau temps, ça allait et venait au gré du vent…

Un instant, Alizarine songea à faire demi-tour et à retourner dans le Nord, chasser la fripouille et se saouler avec les escortes de caravanes. Mais non, pas question. Cet hiver, à Al-Far, elle s’était jurée de sortir un peu de son territoire habituel, et d’aller au moins jusqu’à Al-Jeit. Le Sud n’était pas dépourvu que tout criminel, après tout ! Bandits, pirates, voleurs et autres brigands avaient leurs têtes mises à prix. Elle trouverait bien de quoi casser la croûte.
Et puis, elle n’avait jamais vu la mer des Brumes. L’océan ne devait pas être si différent du lac Chen : une vaste étendue d’eau à perte de vue. Mais elle était curieuse. Alors, pourquoi pas ?

Elle haussa mentalement les épaules, le bout de ses doigts battant distraitement la mesure de leur chant sur sa table, et détailla la petite assemblée. Tous les âges, sexes et gabarits étaient présents : plus qu’un équipage fonctionnel et pragmatique, c’était une petite famille, une machine rôdée par l’habitude. Pas des marchands, qui rassemblaient leurs marins plutôt choisis en fonction de leur efficacité : c’était sans doute des Navigateurs, dont les équipages étaient plus des clans que de simples groupes de travail.

Alizarine remarqua un grand gaillard aux cheveux noirs, qui chantait plus fort que les autres et qui était loin d’être moche : mais ce fut surtout le chef de la bande, qui affectait un air faussement réprobateur et qui présidait discrètement l’assemblée, qui retint ses yeux. Large d’épaule, grand, un visage aux traits bien dessiné et au teint hâlé ; des cheveux bruns qui auraient mérités un coup de peigne et une barbe de quelques jours qui, ma foi, n’avait absolument rien de désagréable à regarder sur ce séduisant visage. S’appuyant sur un de ses coudes, Alizarine se décida à le déshabiller discrètement du regard pour occuper sa soirée.

Les Navigateurs s’étaient mis à danser, entraînant une, puis deux des serveuses de l’auberge. Et c’était sans doute parce qu’elle était distraite par l’angle de la mâchoire du marin aux cheveux châtain qu’elle ne protesta pas excessivement quand une petite rouquine l’attira dans la danse : elle râla pour la forme, puis se joignit de bon cœur à la ronde endiablée. L’allégresse des marins à moitié ivres était contagieuse, tout comme leur entrain : très vite, Alizarine se retrouva à rire et à tournoyer comme si elle avait picolé elle-même.

La danse prit fin dans un tonnerre d’applaudissements, de sifflements et de cris de joie. Retenant elle-même un rire, Alizarine secoua la tête et défi son chignon : il n’était plus très soigné après une journée de route, alors là il s’était à demi-écroulé lors de sa galopade avec les marins. Sa longue chevelure noire aux reflets d’acajou lui dégringola sur les épaules, et elle la rejetait négligemment dans son dos quand elle vit, du coin de l’œil, que le beau brun de tout à l’heure s’approchait d’elle.

Marins, guerriers et mercenaires étaient la compagnie préférée d’Alizarine, tout simplement parce que les civils essayaient de lui plaire en lui déballant des platitudes sur sa beauté ou sur les dangers qu’elle devait courir. La plupart des citadins n’avaient guère eut l’occasion de quitter leur ville (ou village) de naissance, et étaient donc d’un ennui mortel… Que ce soit dans une conversation, ou dans un lit. Autant faire la causette avec un traversin.
Mais les voyageurs, et surtout ceux qui expérimentaient un peu les dangers de la vie, étaient plus amusants. Ils étaient plus drôles, comprenaient les expériences de la jeune femme, et on pouvait vraiment avoir des conversations passionnantes sur les races de chevaux ou les derniers potins du marché noir. Le fait qu’Alizarine ait un faible pour les aventuriers mal rasés et bien musclés, eh bien, c’était un petit bonus.

L’inconnu avait également des yeux bleus, remarqua la Pie Voleuse tandis que celui-ci lui tendait la main avec un sourire amusé. Et de près, il était encore plus engageant que de loin.

– Capitaine Felix Luïwen, se présenta-t-il.

Ce nom lui était inconnu, au moins il ne s’agissait pas d’un criminel… Alizarine serra la main offerte en lui retournant son sourire :

– Alizarine Rethelson.

Son nom n’était pas très connu. Le patronyme de Rethelson était assez passe-partout, et si le prénom d’Alizarine retenait un peu l’attention… Il n’était pas trop associé au surnom de la chasseuse de prime. C’était quand elle se présentait comme la Pie Voleuse qu’il fallait s’inquiéter.

– Après ce que viennent de vous faire vivre mes hommes, la moindre des choses est de vous payer un verre, poursuivit le Navigateur avec chaleur. Vous vous joindrez à nous ?

C’était une invitation qu’elle ne pouvait pas refuser. Après tout, ça se conformait exactement à son plan de soirée ! Elle arqua un sourcil amusé :

– Avec plaisir, capitaine. Danser donne soif !

– Exactement ! clama le plus jeune des marins, avant de trébuchet en essayant d’attraper la bouteille sur la table, et de s’écrouler à moitié sur les genoux de sa voisine.

Alizarine retint un ricanement peu charitable en rejoignant leur table. Une place lui fut dégagée à côté du capitaine, et la rouquine de tout à l’heure lui passa d’office un verre de rhum.

S’ils pensaient la saouler, ils allaient avoir une sacrée surprise… Le rhum n’était pas la boisson préférée de la jeune femme, mais elle avait quand même une sacrée résistance à l’alcool. Pas de quoi faire rouler sous la table un colosse, mais elle pouvait tenir la distance face à un Thül, quand même !

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    « Alizarine Rethelson. »


Alizarine. C’était un prénom particulièrement original… et intéressant. Tout comme sa propriétaire. De plus près, Fynn pouvait mieux apprécier les traits de la jeune femme. Celle-ci avait défait ses cheveux brun sombre, presque noirs, qui se révélèrent plus longs qu’il ne l’avait d’abord cru. Ils tombaient maintenant en cascade autour d’un visage harmonieux et faisaient ressortir ses yeux bleu vif. Plus encore que son physique qui plaisait d’ores et déjà à l’Aline, Alizarine dégageait une vive assurance qui l’attirait encore davantage. Fynn n’avait jamais vraiment pu conclure que son attirance naturelle pour les têtes fortes était une bonne ou une mauvaise chose pour lui. Mentalement, peut-être pas toujours – Fynn manqua de grimacer en repensant à son ancienne fiancée, Kaïllane d’Aïslem - mais physiquement, c’était gagné à toute les fois.

Il lui offrit un large sourire, inclinant la tête alors qu’il serrait sa main avec autant de force qu’elle dans la sienne.

    « Avec plaisir, capitaine. Danser donne soif ! »


Que la Dame soit louée, si Alizarine aimait l’alcool, sa soirée s’annonçait encore meilleure qu’il n’avait pu l’espérer! Ness, dont les joues étaient rougies par l’alcool, se pencha alors en avant pour saisir une bouteille de Rhum plus loin sur la table.

    « Exactement ! »


Fyn s’esclaffa, faisant saillir à merveille les petites rides aux coins de ses yeux, et haussa les sourcils en penchant la tête de côté.

    « Je n’aurais pas dit mieux, en effet. »


Il écarta un bras devant Alizarine, lui indiquant une chaise que ses hommes avaient – par habitude – libérer à sa droite au bout de la table. Il la laissa prendre place, un sourire amusé flottant sur ses lèvres alors qu’il avisait que Ness avait déjà entrepris de lui mettre un verre de rhum dans les mains, puis s’adressa à l’assemblée.

    « Mes amis, je vous présente demoiselle Alizarine Rethelson. Elle a aimablement accepté de se joindre à nous et je compte sur vous pour lui faire passer une excellente soirée. »


Soan Ezalyn, son Quartier Maitre, leva alors son verre.

    « Levons nos verres! »


Les autres membres de l’équipage l’imitèrent et dirent tous en cœur – ou du moins selon la vitesse de réaction la plus idéale possible selon les différents états d’ébriétés présents - :

    « Saluons le capitaine et remplissons les bouteilles! »


Ezalyn reprit seul :

    « À l’or liquide et solide! Puisse-t-elle toujours couler à flots. À la mer! Puisse-t-elle toujours nous être favorable. Et à la bonne compagnie! Puisse-t-elle être aussi jolie dans tous les ports du monde! »


Soan avait appuyé ses derniers mots d’un signe de tête entendu vers Alizarine, un sourire charmeur et amusé sur les lèvres. Fynn lui offrit une moue à demi agacé et le jeune marin n’en fut que davantage amusé, levant les mains en l’air comme pour s’excuser, alors que tous les autres Alines répondirent en chœur :

    « Aye, aye! »


Fynn se rassit sur sa chaise, attrapant son propre verre pour boire avec les autres à la santé de tout ce qu’avait évoqué son Quartier Maitre. Alors que les conversations reprenaient autour de la table, Fynn se tourna vers Alizarine.

    « Maintenant que vous êtes présentée et que vous avez un verre à la main, vous me ferez un honneur de m’en dire un peu plus sur vous. Quelque chose me dit que vous n’êtes pas du coin, je me trompe? Les locaux que j’ai croisés ne se baladaient pas avec une cape de voyage avec autant de vécu que la vôtre… et encore moins avec un aussi gros couteau d’accroché à la taille. »


Avec son demi-sourire espiègle qui le quittait rarement, il haussa un sourcil dans la direction des armes de la jeune femme, qui ne lui avait pas échappé. C’était généralement l’une des premières choses que Fynn remarquait chez les gens, leurs différents ports d’armes. D’un, c’était un excellent indicatif sur le caractère ou le travail d’une personne. Deuxièmement, c’était franchement très pratique pour savoir qui éviter, de qui se méfier ou vers qui tourner son propre sabre si les choses venaient à dégénérer. Et avec Fynn… les choses dégénéraient la plupart du temps.

D’humeur joueuse et joyeuse, portée par l’enivrement général, Fynn leva une main devant lui, arrêtant Alzarine avant qu’elle n’ait pu répondre à sa question.

    « Attendez, j’ai une meilleure idée. Je vais essayer de deviner qui vous êtes - ho mystérieuse inconnue! - et je bois un verre supplémentaire pour chaque mauvaise réponse. Bien entendu, il en va de même pour vos questions sur mon humble personne. Le premier à finir sa bouteille a perdu. Les bouteilles sont déjà sur mon bras. Intéressée? »


Une lueur de malice brillait au fond de ses yeux bleu sombre. Dégageant une confiance en lui digne d’un aristocrate d’Al-Jeit, mélangé à une impression générale de témérité et de vie à la dure de celui qui a déjà tout vu, Fynn débordait de charme et le savait. Un peu trop même. Son égo était peut-être aussi gros que son bateau, mais si on ne pouvait pas lui reprocher quelque chose, c’était d’avoir du cœur et de savoir-faire passé des soirées tout sauf ennuyante à qui voulait bien l’accompagner.

Qu’Alizarine proteste ou non contre son jeu à boire improvisé, Fynn attrapa les deux bouteilles les plus près de lui sur la table. Il les posa devant eux sur la table, évaluant à l’œil la quantité d’alcool dans les deux verres, prit la première et ajouta une bonne dose à son premier verre, établissant l’équilibre entre les deux niveaux.

    « Je vous laisse une longueur d’avance. »


Il lui offrit un clin d’œil puis but lentement une gorgée de son verre. Pendant quelques instants, il détailla Alizarine, son verre à la main. Au bout d’un petit moment de silence, il finit par demander, son accent du sud faisant rouler les « r » de ses mots de façon plus prononcée qu’aucun Alavirien de cette latitude ne pouvait posséder :

    « Cape de voyage, arme de bonne qualité qu’aucun amateur de peut s’offrir, aucune affiliation apparente à une famille noble ou à un camp particulier de l’Empire… Je dirais escorte de caravane. »


Elle en avait, en tout cas, pleinement le profil. Sur de sa première conclusion, soit qu’elle était voyageuse et pas du coin, il était plutôt confiant sur son affirmation actuelle. Fynn doutait d’ailleurs plutôt rarement de lui-même. Il avait également noté dans la voix de la jeune femme un léger accent du nord, très subtil, mais qui lui avait rappelé les Thül qu’il avait déjà croisés dans ses missions de « commerce » au nord d’Al-Chen. Qu’Alizarine soit Thüle lui semblait improbable - à moins que ses propres talents pour lire les gens se soient envolés avec son navire quelques mois plus tôt - mais elle avait dû en croiser, soit pendant longtemps, soit récemment. Et les Thüls, s’il ne savait qu’une seule chose de ces compagnons de beuverie particulièrement intéressants, c’étaient qu’ils étaient principalement des escortes pour les caravanes de l’Empire.

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Félix esquissa un sourire à la réponse de la mercenaire, probablement ravi de tomber sur une femme qui n’avait pas peur de la picole. Après tout, quoi de mieux qu’une tournée de boisons alcoolisées pour mieux faire connaissance ?

– Je n’aurais pas dit mieux, en effet, fit-il avec amusement.

Il désigna d’un geste du bras une chaise que son équipage avait laissée libre à ses côtés, et Alizarine s’y installa avec assurance, attrapant dans le même temps le verre de rhum que lui tendait la rouquine de tout à l’heure. Quand le capitaine reprit la parole, toute la table se tourna vers lui, et par conséquent, vers elle : d’un geste à moitié ironique, elle leva son verre comme pour leur porter un toast.

– Mes amis, je vous présente demoiselle Alizarine Rethelson. Elle a aimablement accepté de se joindre à nous et je compte sur vous pour lui faire passer une excellente soirée.

– Levons nos verres ! renchérit l’un des marins en joignant le geste à la parole.

Les autres membres de l’équipage l’imitèrent avec un temps de retard, l’un d’eux (un barbu petit et massif) manquant même de renverser ledit verre au passage. C’est avec la même synchronisation lourdement marquée par l’alcool qu’ils lancèrent ce qui semblait être une devine mille fois répétée :

– Saluons le capitaine et remplissons les bouteilles !

– A l’or liquide et solide ! poursuivit, seul à nouveau, le marin qui avait lancé le mouvement. Puisse-t-elle toujours couler à flots. À la mer! Puisse-t-elle toujours nous être favorable. Et à la bonne compagnie! Puisse-t-elle être aussi jolie dans tous les ports du monde!

Cette dernière phrase s’accompagna d’un regard appuyé et d’un sourire charmeur en direction d’Alizarine, qui rit de bon cœur quand le marin battit en retraite devant les gros yeux de son capitaine. La mercenaire s’adossa plus confortablement à sa chaise, amusée et détendue. L’ambiance affable et complice de la petite assemblée lui était familière. C’était la chaleur des repas au feu de camp après une mission d’escorte, les rires après un entraînement, la brûlure amère de l’alcool partagé dans une auberge après une rude journée. Mélange de satisfaction guerrière, de détente insouciante, et d’affection fraternelle.

Les conversations reprirent à la table, accompagnées de rires, de chuchotements, et du tintement des verres qu’on pose ou remplie. Félix Luïwen se pencha vers Alizarine, son éternel sourire au coin des lèvres :

– Maintenant que vous êtes présentée et que vous avez un verre à la main, vous me ferez un honneur de m’en dire un peu plus sur vous. Quelque chose me dit que vous n’êtes pas du coin, je me trompe? Les locaux que j’ai croisés ne se baladaient pas avec une cape de voyage avec autant de vécu que la vôtre… et encore moins avec un aussi gros couteau d’accroché à la taille.

La Pie Voleuse haussa un sourcil amusé. Oui, l’armure de cuir et l’épée était l’une des premières choses qui causaient aux gens de s’écarter de son chemin quand elle était en rogne. Alors que l’épée était superbement ouvragée, patinée par la sueur des heures de pratique et d’exercice mais toujours magnifique, son armure avait quant à elle connu des jours meilleurs. Tâches de sang jamais vraiment parties qui assombrissaient certaines zones, éraflures, réparations.
Quand o croisiat Alizarine, on pensait sale caractère, on pensait mercenaire, ou bien Thül pour le smoins observateurs : on pouvait même juste penser voyageuse, à la limite. Ais personne n’aurait eut l’idée saugrenue d’associer à la jeune femme en armure et au regard perçant le mot novice.

Elle ouvrit la bouche pour confirmer qu’en effet, ce joli couteau ne lui servait pas qu’à tailler des rondelles de saucisson, mais Félix l’arrêta d’un geste et d’une exclamation enjouée :


– Attendez, j’ai une meilleure idée. Je vais essayer de deviner qui vous êtes - ho mystérieuse inconnue! - et je bois un verre supplémentaire pour chaque mauvaise réponse.

Elle contempla l’idée d’un air songeur, une étincelle amusée dansant dans son regard. Jeu d’alcool et mystère, c’était tentant. Ajouter à cela la perspective de mieux connaitre ce séduisant personnage, et Alizarine signait directement. Sa réponse était prête avant même qu’il ait finit de parler. Avait-elle jamais su résister à un défi ?

– Bien entendu, il en va de même pour vos questions sur mon humble personne. Le premier à finir sa bouteille a perdu. Les bouteilles sont déjà sur mon bras. Intéressée ?

Bien qu’ayant déjà tout réfléchi, elle fit mine de soupeser le pour et le contre d’un air faussement pensif, avant d’acquiescer d’un air malicieux :

– C’est d’accord. A vos risques et périls, capitaine.

Aussitôt, Félix attrapa les deux bouteilles les plus proches et rétabli les niveaux de leurs verres, leur donnant une chance de départ égale. Alizarine s’appuya contre son dossier, l’observant avec amusement.

Pour un observateur extérieur qui serait entré dans la taverne à cet instant, ce drôle de couple lui aurait semblé fait l’un pour l’autre. Par leur aspect physique de guerriers, déjà, tous deux bruns, beaux et armés jusqu’aux dents, même s’il fallait admettre que le marin avait prit davantage soin de sa tenue que la chasseuse de prime. Mais c’était surtout leur manière de se tenir, de se mouvoir, qui aurait attiré votre regard. Tous deux avaient les gestes vifs et élégants de ceux habitués à manier une lame,  tous deux dégageaient la même assurance désinvolte et trompeuse qu’un grand fauve ou qu’un serpent.

Et puis, tous deux affichaient clairement leurs intentions envers l’autre, au point que l’aubergiste était en train d’essayer de calculer ses chances pour leur faire occuper l’une de ses chambres à lit double.

– Je vous laisse une longueur d’avance, offrit galamment Félix en levant son verre.

– Tant que vous ne retenez pas cette longueur contre moi lors de votre défaite, plaisanta Alizarine en l’observant avec amusement.

Le capitaine lui fit un clin d’œil, puis but une gorgée de sa boisson, dévisageant la jeune femme d’un air songeur. Alizarine lui rendit son regard, un sourcil haussé, masquant pour l’instant son appréciation pour les traits droits, le teint hâlée et la barge de quelques jours du Navigateur. Elle aurait tout le temps de lui payer des compliments plus tard, et elle avait une réputation de peau de vache à conserver.

Finalement, Félix prit la parole. Il avait un accent du Sud, d’Al-Jeit ou plus bas encore, nota Alizarine. Pas un accent d’Al-Vor, Merwyn soit loué. La Pie Voleuse avait la ferme intention de mettre autant de distance que possible entre elle et tout ce qui était lié à cette fichue ville.

– Cape de voyage, arme de bonne qualité qu’aucun amateur de peut s’offrir, aucune affiliation apparente à une famille noble ou à un camp particulier de l’Empire… Je dirais escorte de caravane.

C’était une conclusion qui se tenait. Armes, vêtements de voyages, armure d’influence Thül mais dépourvue de blason… Cette déduction avait du sens et il n’était pas le premier à faire erreur, mais c’était bien ce dont il s’agissait. Une erreur.

– Perdu, s’amusa-t-elle. Vous n’êtes pas loin, mais c’est raté. A mon tour…

Elle le détailla avec un léger sourire, s’attardant sur ses vêtements de bonne coupe et au soin apporté à sa mise, sa barbe de quelques jours, ses yeux bleus, la largeur de ses épaules, attention Alizarine tu commence à t’éloigner du sujet. Ahem. Ses vêtements, sa voix, son teint hâlé par le soleil, elle pouvait supposer qu’il venait du Sud, vraiment très au Sud… Elle posa ses coudes sur sa table, et déclara

– Vous venez du Sud de l’Empire, le Port Impérial plus vraisemblablement, ou un village environnant. La plupart de votre équipage a la même origine, vous naviguez ensemble depuis des années. Né sur le bateau et élevé dessus, je pense…

Outre l’accent, ils avaient tous cette façon d’agir avec Félix et de lui parler, comme s’il était un membre de leur famille autant qu’un capitaine. Ils devaient le connaitre depuis des décennies.

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    « Perdu. Vous n’êtes pas loin, mais c’est raté. À mon tour… »


Fynn lui offrit une moue faussement contrariée, la lueur d’amusement toujours aussi vive dans ses iris bleu sombre.

    « Presque. Au moins, il y a des conséquences pires que celle-là. »


Il lui leva son verre et envoya le liquide ambré au fond de sa gorge, cul sec. La chaleur se répandit dans sa gorge et ses poumons avec une agréable familiarité. Fynn ne pourrait définitivement jamais avoir assez de cette délicate sensation d’enivrement. Reposant son verre sur la table avec une expiration satisfaite, il le remplit de nouveau, déjà prêt à une nouvelle manche.

Lorsqu’il retourna ses yeux vers Alizarine, celle-ci le détaillait si intensément qu’elle aurait bien pu le déshabiller des yeux. Cette pensée était loin d’être intimidante ou négative… au contraire.

    « Vous venez du Sud de l’Empire, le Port Impérial plus vraisemblablement, ou un village environnant. La plupart de votre équipage à la même origine, vous naviguez ensemble depuis des années. Né sur le bateau et élevé dessus, je pense… »


Fynn haussa les sourcils, hochant la tête avec la mine d’un homme impressionné.

    « Pas mal du tout. Mon équipage me suit depuis de nombreuses années, effectivement, et je suis né sur un navire. Néanmoins, c’est le cas de pratiquement tous les marins que j’ai rencontré dans ma vie. À vrai dire, ce sont les autres, les exceptions. C’était une facile… mais vous vous êtes trompée sur la localisation. Désolé. »


Il lui offrit un sourire énigmatique puis pencha la tête de côté.

    « Je vous la laisse à un demi-verre. »


Fynn était un homme prudent. Ses histoires étaient un filet de mensonges très bien rodé, appris par cœur dans ses moindres détails. Sa couverture était presque parfaite, celle de son navire également. Néanmoins, un Aline reste un homme de risque, et rien ne valait cette sensation d’adrénaline lorsqu’on se tient ainsi que la corde raide de la vérité et du mensonge. Il n’allait certainement pas lui relever ses véritables origines, pas plus que son véritable nom, mais la jeune femme s’était même trompée de localisation par rapport à l’histoire de sa fausse identité. Mentir ne le dérangeait pas plus que le troisième couvre-lit de jeunesse du cousin germain de l’Empereur, mais l’envie lui passait de jouer le vrai jeu, simplement pour l’excitation. Néanmoins, ce n’était pas tout à fait raisonnable. Le raisonnable et lui avaient beau avoir une relation d’amour haine, il n’en restait pas moins qu’il y jouait peut-être son commerce, sa propre tête… et accessoirement une nuit plutôt prometteuse.

Félix Luïwen était un Navigateur né sur le navire de ses parents, celui qu’il possédait maintenant, un peu au nord de l’Arche. S’ils avaient fait beaucoup de commerce sur la rive sud du continent, ses parents étaient originaires d’Al-Chen. La banalité créait la crédibilité. Ho il aurait bien pu s’inventer une histoire digne des légendes, élevées par des tortues de mer ou je ne sais quelle autre fantaisie, mais c’est tout de suite moins crédible et trop tape à l’œil.

Le tape-à-l’œil était réservé à sa véritable personne. Là, il n’avait pas besoin d’inventer quoi que ce soit pour faire redorer le crédit de ses exploits ou du caractère très connu de son nom. Après tout, il était recherché activement dans tout l’Empire, depuis des années, et était reconnu comme le Capitaine Aline insaisissable, celui que personne n’avait réussi à attraper. Beaucoup de gens voulaient sa tête. Trop de gens pour que cela ne soit sain ou très bon pour sa santé. Mais pendant que les chasseurs de primes et les gardes de l’Empire recherchaient Fynn Fearàin, Félix Luïwen, lui, coulait son commencer aussi tranquillement qu’une barque sur un lac. Se payer la tête des Alaviriens était un jeu beaucoup trop facile.

C’était maintenant son tour de jouer et Fynn se lança sur la prise deux du décryptage de cette inconnue.

    « Alors, vous n’êtes pas escorte de caravanes. Mmm… Pourtant, vous avez longtemps côtoyé des Thüls et vivez principalement sur la route. Je suis prêt à parier mon prochain verre que votre arme n’est pas une simple précaution d’autodéfense, mais si votre arme ne sert pas à la défense, elle ne peut en être qu’une d’offensive. »


Il planta son regard dans le sien, une lueur de défi s’y allumant. S’il avait raison sur ce coup, il était potentiellement dans la merde de Siffleur. État qui plutôt que le poussé à vouloir disparaitre subtilement dans la nature, comme la prudence l’aurait souhaité, l’excitait et l’amusait davantage. Et s’il avait raison, elle ne savait à priori de toute façon pas qui il était.

    « Mercenaire. Ou en des mots moins distingués, chasseuse de primes. »

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Félix Luïwen accepta de bon cœur sa défaite, buvant d’une traite son verre avant de le remplir en prévision de la nouvelle manche. Les déductions d’Alizarine lui tirèrent un hochement de tête impressionné, mais malheureusement, il s’empressa de la détromper sur quelques détails :

– Pas mal du tout. Mon équipage me suit depuis de nombreuses années, effectivement, et je suis né sur un navire. Néanmoins, c’est le cas de pratiquement tous les marins que j’ai rencontré dans ma vie. À vrai dire, ce sont les autres, les exceptions. C’était une facile… mais vous vous êtes trompée sur la localisation. Désolé.

Zut, elle était pourtant sûre d’elle quant à cette histoire de ville du Sud. Il avait un accent caractéristique. A moins qu’il ait été principalement élevé là-bas, mais qu’il n’y soit pas né ?

– Je vous la laisse à un demi-verre, concéda Félix, bon joueur.

Alizarine s’exécuta, mûrissant déjà ses prochaines questions grâce à ce qu’elle venait d’apprendre. Pas le Port Impérial, donc : Al-Chen ? Non, il n’avait pas l’accent, pas les manières typiques. Un village du Pollimage alors. C’était quasiment sûr.

Les origines de Félix ne l’intéressaient pas particulièrement : elle se fichait comme d’une guigne de l’endroit ou de la famille dont ses connaissances étaient issues. Elle-même étant mal placée pour juger les gens là-dessus (sa propre famille ne lui évoquait plus rien, et la dernière fois qu’elle avait vu un de ses frères elle lui avait cassé la gueule), c’était même le dernier de ses soucis.
Elle n’était pas non plus une maniaque de l’information qui chercherait à grappiller le maximum d’info à la manière d’une pie collectionnant les objets brillants. Bon, ça lui arrivait, parfois. Généralement en plein nature, sur la piste d’u criminel qu’elle prenait un immense plaisir à poursuivre. C’était la chasse qui la faisait vibrer, le galop de son cheval, l’étude des empreintes dans le sol et des cassures sur les branches des buissons, la sensation de puissance que lui donnait le fait d’être dans le rôle du prédateur.
Non, la pêche aux infos pour le simple plaisir de savoir, ça n’était pas son truc. Alizarine était une chasseuse, pas une pêcheuse. Son truc, c’était l’action : pas la patience ou la manipulation.

Généralement, quand Alizarine tombait sur quelqu’un d’assez mignon et d’intéressant pour partager son lit, elle ne faisait guère une étude approfondie sur son passé. Elle avait déjà été qualifiée de superficielle, et ce n’était sans doute pas complètement faux. Alizarine ne cherchait pas à se trouver un mari, un amant ou même un ami. Ses aventures duraient généralement un seul soir. Parfois, elle faisait durer le plaisir : mais elle n’avait jamais dépassé les deux semaines.
Elle avait un caractère beaucoup trop mauvais pour qu’une relation dure dans le temps, et ça lui convenait parfaitement.

Félix lui semblait sain d’esprit, était agréable à l’œil et plutôt sympathique, et avait a priori un commerce tout à fait honnête. Alizarine aurait été nettement plus réservée si elle l’avait rencontré seul dans une auberge mal famée, tandis que là, la présence de l’équipage était quand même un gage de la réalité de son job de Navigateur. Il rentrait dans les critères de la Pie Voleuse et elle n’avait guère de raison de chercher davantage d’infos.
Mais après tout, comment résister à un défi impliquant de l’alcool ?

– Alors, vous n’êtes pas escorte de caravanes, réfléchit le Navigateur. Mmm… Pourtant, vous avez longtemps côtoyé des Thüls et vivez principalement sur la route.

C’était assez facilement visible à l’armure de cuir d’Alizarine, au style caractéristique, et sa cape de voyage usée. La jeune femme pencha la tête de côté, curieuse de voir si Félix allait parvenir à la bone conclusion, cette fois. En tout cas, il s’en approchait, additionnant les indices :

– Je suis prêt à parier mon prochain verre que votre arme n’est pas une simple précaution d’autodéfense, mais si votre arme ne sert pas à la défense, elle ne peut en être qu’une d’offensive.

L’épée d’Alizarine était plutôt inoubliable. N’importe qui souhaitant une épée pour se défendre en choisissait une banale, pas très chère mais d’aussi bonne qualité que possible. L’épée de la Pie Voleuse était son gagne-pain, sa possession la plus chère. Elle l’avait fait forger exprès, avec un grand soin, choisissant le meilleur forgeron Thül et le meilleur acier. Cette épée ne l’avait pas quitté de toute sa vie d’adulte. C’était devenu une partie d’elle-même. Et ça se voyait : même un profane pouvait remarquer la garde ouvragée en forme de tête de dragon, la garde terne et patinée par l’usage.

– Mercenaire, finit par dire Félix. Ou en des mots moins distingués, chasseuse de primes.

Son regard étincela brièvement, une réaction de défi et d’intérêt qui aurait du être le premier indice, mettre la puce à l’oreille d’Alizarine. Oh, ça n’avait rien de suspect, mais c’était quand même une réaction assez particulière. Quelque chose qui aurait du attirer son attention et la pousser à observer de plus près le Navigateur…
… Mais, à cause de l’alcool, de sa longue route, de sa distraction ou de l’alignement des étoiles, ça lui passa complètement au-dessus de la tête.

Alizarine remarqua l’intérêt de Félix, la façon dont il avait réagit à cette nouvelle information, mais elle n’y prêta pas la moindre attention. Son instinct de chasseuse était complètement mis en veille, tant il était improbable qu’une proie se trouve à la même table qu’elle dans cette auberge. Elle se contenta de hocher la tête avec un sourire :

– Exact, en effet. Toutes mes félicitations.

C’était à son tour de l’interroger et elle prit le temps de réfléchir quelques instants, avant de déclarer avec une certaine assurance :

– Vous n’êtes pas originaire du Port Impérial mais vous avez un accent semblable, je dirais donc que vous avez grandit dans les environs. Si vous n’y êtes pas né, en revanche, pour un Navigateur, l’endroit le plus logique est le Pollimage… Vous êtes donc êtes originaire d’un village le long du fleuve, probablement plus au Sud qu’ici : et vous avez grandit quand votre famille commerçait dans le Sud de l’Empire.

Ça se tenait et elle aurait été bien surprise qu’il en soit autrement. L’idée que Félix Luïwen vienne d’Al-Chen semblait quand même tirée par les cheveux. Satisfaite de son hypothèse, Alizarine interrogea Félix du regard, haussant légèrement un sourcil.

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    « Exact, en effet. Toutes mes félicitations. »


Un sourire satisfait et amusé s’étira sur les lèvres de l’Aline alors qu’il répondait à Alizarine avec un clin d’œil. Fynn était à la fois satisfait d’avoir réussi à trouver la profession de la belle Alavirienne, mais probablement encore plus d’avoir cerné sa nature de chasseuse de prime avant de se décider à se prendre aux jeux des devinettes. Il n’avait aucune idée dans quel genre d’affaires la jeune femme exerçait son métier, mais prudence était de mise. Il ne s’en faisait pourtant pas vraiment.

Premièrement, il était confiant en ses capacités à garder sa couverture. C’était loin d’être la première fois qu’il jonglait avec une situation potentiellement dangereuse. D’ailleurs, quelques jours plus tôt, il avait été prendre le thé, complètement décontracté, avec l’un des plus hauts responsables de la garde de l’Arche pour conclure une simple affaire de bouteilles de whisky de première qualité. S’il était prêt à aller siroter des infusions dans la tanière d’un loup qui aurait pu le dévorer en un clin d’œil pour seulement quelques pièces d’or, la perspective de se retrouver dans la même chambre d’auberge avec une aussi jolie et intéressante jeune femme n’allait certainement pas être réfréné pour si peu. Deuxièmement, il connaissant tous les chasseurs de pirates notoires de par son réseau d’information et Alizarine Rethelson n’en faisait pas partie. Ses activités devaient se concentrer à l’intérieur des terres de Gwendalavir.

Il n’était pourtant pas à exclure qu’elle ait déjà entendu son nom (il n’était pas peu fier d’être l’un des pirates Alines les plus recherchés du continent) et il devrait donc garder un œil sur les membres de son équipage qui avaient bu plus que leurs parts afin qu’ils ne vendent pas la mèche. Ses hommes étaient les seules personnes au monde en qui il mettait sa confiance, mais il n’était pas stupide au point de surestimer la capacité de ces têtes de hareng lorsqu’ils avaient trop bu.

Alizarine réfléchit à son tour quelques instants avant de le relancer à son tour.

    « Vous n’êtes pas originaire du Port Impérial mais vous avez un accent semblable, je dirais donc que vous avez grandi dans les environs. Si vous n’y êtes pas né, en revanche, pour un Navigateur, l’endroit le plus logique est le Pollimage… Vous êtes donc êtes originaire d’un village le long du fleuve, probablement plus au Sud qu’ici : et vous avez grandi quand votre famille commerçait dans le Sud de l’Empire. »


Fynn hocha la tête, un rire amusé dans la voix alors qu’il s’avouait vaincu :

    « Je m’avoue impressionner, bravo. Vous devez être d’une redoutable efficacité dans votre métier! Si jamais j’ai besoin qu’on attrape un escroc qui m’aurait vendu des huitres peu fraiches, je me souviendrais de faire appel à vous. »


Ce n’était certes pas la vérité en ce qui concernait la véritable histoire de Fynn Fearàin, mais en ce qui le concernait, il ne mentait en rien concernant celle de Félix Luïwen. Il réfléchit à son tour quelques instants en silence puis se lança, abordant une question légèrement plus personnelle que la question générale de leurs professions et lieux de naissance.

    « Votre liberté est particulièrement importante pour vous et vous n’êtes pas du genre à posséder de port d’attache. Vous n’êtes donc pas très proche de votre famille et, de même, n’êtes pas dans une relation amoureuse ou conjugale. Je vais même jouer dangereusement et parier que votre cheval est celui qui en sait le plus sur vous. Je comprendrais, si mon navire pouvait parler, il vous en dirait probablement beaucoup plus sur moi-même que je ne saurais le dire. »


Ness, assise à la droite d’Alizarine, se tourna vers eux. La gamine n’en était plus à son premier verre et ses joues étaient rougies, rendant son visage parsemé de taches de rousseur encore plus adorable et s’alliant à merveille avec le roux sombre de sa rebelle chevelure. Son enthousiasme et manque flagrant de gêne naturel semblait décupler et l’excitation dans sa voix était palpable. Elle posa une main sur l’épaule d’Alizarine, comme elle l’aurait fait à une vieille amie, et s’écria, un large sourire sur les lèvres :

    « Ho, ho! Ali! Je peux t’appeler Ali? Ouai, Ali c’est sympa. Il faut absolument que tu entendes la chanson du Capitaine! N’est-ce pas Capitaine? »


Fynn croisant les bras sur sa poitrine.

    « Ness… »


    « Ho allez! Dites-lui, tout le monde, qu’on veut l’entendre de nouveau! »


Des éclats de rire et des acclamations de soutien s’élevèrent autour de la table et Fynn roula des yeux en rejetant sa tête vers l’arrière, comme si on lui avait jeté une pierre sur le front. Chanter ne le dérangeait pas vraiment, mais l’attitude comptait pour beaucoup, les apparences aussi, mais Fynn appréciait particulièrement un peu de théâtralité.

    « Bon, d’accord. Mais, Ness, je te préviens, tu seras de corvée de nettoyage du pont demain matin. »


La jeune femme éclata de rire et poussa un cri de joie, nullement inquiète de la corvée supplémentaire, et leva les deux bras en l’air en signe de victoire. Fynn lança un coup d’œil à Sierra, sa lieutenante, qui le rassura d’un signe de tête avant de tourner vers Ness un regard amusé et protecteur. Sierra était la grande sœur de la jeune vigie et s’occupait d’elle depuis la mort de leurs parents, plusieurs années plus tôt. Fynn n’avait pas l’habitude de s’inquiéter de la consommation d’alcool de ses membres d’équipage, mais Ness était particulière. En plus d’être la plus jeune à bord, il la considérait un peu comme sa petite sœur a lui aussi. Il faisait confiance en Sierra pour garder un œil sur elle et l’amener se coucher si elle montrait des signes de s’effondrer au sol ou en dire trop sur leurs identités à Alizarine.

Ness se pencha vers Alizarine et lui dit :

    « Allez, tu verras, les paroles sont faciles, tu n’auras qu’à répéter après moi! »


Le Capitaine lança un regard amusé où brillait une lueur de défi à la chasseuse de prime puis se leva et se tourna vers l’un de ses matelots, un grand homme au crâne rasé qui jouait du luth depuis le début de la soirée.

    « Jasper, tu connais les accords. »


Fynn se pencha vers l’avant, un plaisir évident sur ses traits, et de sa voix grave et rouée entonna les premières paroles à capella.

    « Que ferons-nous avec un marin ivre?
    Que ferons-nous avec un marin ivre?
    Que ferons-nous avec un marin ivre, tôt le matin ? »


Jasper se lança alors sur son luth et les marins reprirent le chant en chœur en battant tous en même temps le rythme avec leur poing ou leur choppent sur la table.

    « Way ! Hay ! Jusqu’à ce qu’elle se lève.
    Way ! Hay ! Jusqu’à ce qu’elle se lève.
    Way ! Hay ! Jusqu’à ce qu’elle se lève, tôt le matin ! »


Fynn reprit ensuite seul, mais les battements de rythme et le luth de cessèrent pas.

    « Mettez-le dans la chaloupe jusqu'à ce qu'il soit sobre.
    Mettez-le dans la chaloupe jusqu'à ce qu'il soit sobre.
    Mettez-le dans la chaloupe jusqu'à ce qu'il soit sobre, tôt le matin ! »


    « Way ! Hay ! Jusqu’à ce qu’elle se lève.
    Way ! Hay ! Jusqu’à ce qu’elle se lève.
    Way ! Hay ! Jusqu’à ce qu’elle se lève, tôt le matin ! »


    « Mettez-le dans le lit avec la fille du capitaine.
    Mettez-le dans le lit avec la fille du capitaine.
    Mettez-le dans le lit avec la fille du capitaine, tôt le matin »


    « Way ! Hay ! Jusqu’à ce qu’elle se lève.
    Way ! Hay ! Jusqu’à ce qu’elle se lève.
    Way ! Hay ! Jusqu’à ce qu’elle se lève, tôt le matin !
    C’est ce que nous ferons avec un marin ivre !
    C’est ce que nous ferons avec un marin ivre !
    C’est ce que nous ferons avec un marin ivre, tôt le matin !»


La chanson terminée, Fynn s’inclina bien bas devant la tablée qui lançait rires et exclamations de joies pour une énième fois à tue-tête dans l’auberge. Si des gens à l’étage essayaient de dormir, ils allaient certainement vouloir leur dévisser la tête le lendemain matin.


[H.S. : Une petite tentative pour modifier le rythme des questions^^ Tu me diras si ca te convient ou pas!]

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Tout, dans les gestes et la voix de Félix, dénotait son appartenance au Sud de l’Empire. Son teint, son accent, ses attitudes, sa façon d’accentuer certaines voyelles. Pour Alizarine qui vivait plus dans le Nord, ça évoquait de vieux souvenirs, vagues et indistincts, mais dont la certitude ne faisait aucun doute. Elle n’était pas nostalgique, non : mais en regardant le Navigateur et en songeant aux régions ensoleillés au-delà d’Al-Vor, elle songeait distraitement à la beauté des paysages et à l’agréable chaleur du soleil sur sa peau.
Elle y retournerait, un jour. Peut-être. Pourquoi pas ?

Elle s’était toujours dit qu’elle ne remettrait plus les pieds à Al-Vor, après sa dernière visite. L’incompréhension de ses parents, l’indifférence de Devon, la rancune d’Indigo, l’absence d’Aenar et de Jorth… Enfin, bon, il aurait peut-être mieux valu que Jorth ne soit pas là. Quand il y avait un conflit, il se plaçait toujours en victime, espérant calmer le jeu : mais ça réveillait surtout en Alizarine et Indigo (et leur père) l’envie de lui mettre des baffes.
Mais elle y referait peut-être un tour, après tout. Sa notoriété en tant que Pie Voleuse avait sans doute atteint Al-Vor, et sa famille ne serait plus si prompte à dédaigner ce qu’elle faisait.

Et puis, elle et Indigo s’étaient toujours mieux expliqués face à face, généralement en se collant des gnons.

(Oui, Alizarine avait un petit côté brutal, et ça ne venait pas que des Thüls. Et alors ? Essayez de grandir avec quatre frères qui se prennent pour les chefs, pour voir !)

Mais revenons au présent. Alizarine avait apparemment vu juste, avec ses suppositions. Encore heureux ! Parce que mis à part l’Archipel Aline, elle aurait été bien en peine de nommer un autre endroit d’où pouvait venir Félix Luïwen.

– Je m’avoue impressionner, bravo. Vous devez être d’une redoutable efficacité dans votre métier! Si jamais j’ai besoin qu’on attrape un escroc qui m’aurait vendu des huitres peu fraiches, je me souviendrais de faire appel à vous.

Alizarine émit un reniflement amusé. L’ironie, c’était qu’elle avait déjà attrapé un vendeur d’huîtres un jour. Bon, certes, elle l’avait attrapé parce qu’il faisait aussi passer l’or dérobé par un groupe de bandits sévissant pas très loin d’Al-Chen. Mais elle était sûre que ses huitres avaient été complètement ignobles.
De toute façon, les huîtres et Alizarine, ce n’était pas une grande histoire d’amour. Quand elle était petite, elle les glissait dans le pantalon d’Aenar pour le faire hurler.

Ah, quelle folle jeunesse.

C’était au tour de Félix de poser sa question, et il réfléchit quelques instants. Ils avaient abordés les sujets les plus évidents, leur origine et leurs professions respectives. Le reste était plus évident, pouvant se deviner à partir de là. Alizarine savait que Félix considérait son bateau comme sa maison, qu’il était très proche de ses marins : il n’avait sans doute pas de famille l’attendant dans son port d’attache, et ce n’était certainement pas la première fois qu’il profitait de la charmante compagnie croisée dans une auberge. Elle était loin de pouvoir nommé sa boisson préférée (même si c’était sans doute le rhum) ou bien le nom de son premier amour (même si elle aurait parié qu’il s’agissait d’une amie d’enfance, parce que c’était un classique chez les marins), mais bon, Félix n’état pas vraiment entouré de mystère.

Sauf si elle creusait un peu, bien sûr. Tout le monde avait des squelettes dans son placard. Mais ce soir, Alizarine n’était pas là pour creuser, justement !

– Votre liberté est particulièrement importante pour vous et vous n’êtes pas du genre à posséder de port d’attache. Vous n’êtes donc pas très proche de votre famille et, de même, n’êtes pas dans une relation amoureuse ou conjugale. Je vais même jouer dangereusement et parier que votre cheval est celui qui en sait le plus sur vous. Je comprendrais, si mon navire pouvait parler, il vous en dirait probablement beaucoup plus sur moi-même que je ne saurais le dire.

Alizarine sourcilla : c’était bien vu. Peut-être un peu exagéré : Alizarine avait des amis qui la connaissaient bien (tous des Thüls), après tout. Mais c’était vrai qu’elle était une solitaire farouchement indépendante. Il se passait parfois des mois sans qu’elle ne voie ses proches. Quant à sa famille, ça faisait plus de deux ans qu’elle ne leur avait pas parlé, et plus de dix ans qu’elle avait cessé de les considérer comme sa famille…
… Et si ce n’était pas son cheval qui la connaissait le mieux, c’était sans doute sa pie apprivoisée. Ironie.

– Pas mal, admit-elle. Je plaide coupable : je ne suis pas du genre à m’encombrer de liens durables.

Traduction : l’immense majorité de ses relations étaient des coups d’un soir ou des compagnons de beuverie. La liberté engendrait une certaine solitude, après tout. Mais Alizarine était loin de s’en plaindre. Cette vie lui convenait. La liberté, le défi, les combats, la solitude, les villes dangereuses ou bien les immensités sauvages : c’était pour ça qu’elle était née.

La jeune fille rousse qui avait entraîné Alizarine dans la danse un peu plus tôt se tourna soudain vers eux, le visage rougit par l’alcool et les yeux brillants. La chasseuse de prime l’avait vu venir, et ne se raidit donc pas quand la rouquine l’attrapa familièrement par l’épaule. En temps normal, Alizarine n’aimait pas qu’o la touche par surprise : son instinct de guerrière la rendait méfiante. Mais avec un peu d’alcool impliqué et une si bonne compagnie, elle était capable de mettre ses réflexes en veilleuse. Sinon, elle n’aurait jamais pu profiter de la vie !

– Ho, ho ! Ali ! Je peux t’appeler Ali ? Ouais, Ali c’est sympa. Il faut absolument que tu entendes la chanson du Capitaine ! N’est-ce pas Capitaine ?

Alizarine retint un sourire : Ali était le surnom le plus commun qui lui était affublé. Elle était loin de s’en offenser. Il aurait été dur de s’offenser, avec un prénom pareil.
Enfin, sauf si on l’appelait Zaza. Le dernier qui n’y était risqué avait été assommé tout net.

Félix fit mine de protester, croisant les bras sur sa poitrine :

– Ness…

– Ho allez !
insista ladite Ness. Dites-lui, tout le monde, qu’on veut l’entendre de nouveau !

Il y eut des éclats de rires et des exclamations, encouragements et acclamations se mêlant dans un brouhaha joyeux et confus. Félix finit par se rendre, roulant des yeux d’un air dramatique et menaçant Ness d’une corvée au petit matin. Il avait un côté théâtral, ce marin, avec sa façon de jouer de son public, qu’il s’agisse de son équipage ou bien d’Alizarine. C’était loin de déplaire à la jeune femme : elle n’avait pas ce côté dramatique, mais elle comprenait parfaitement l’attrait d’un caractère extravagant, et le plaisir d’être au centre de l’attention.

– Tu vas voir, lui souffla Ness. Les paroles sont faciles, tu n’aura qu’à répéter après moi.

Un des marins, qui jouait distraitement d’un luth depuis le début de la soirée, marqua une pause et attendit le départ de son capitaine, les yeux brillants d’amusement. Un large sourire aux lèvres, Félix se mit alors à chanter :

– Que ferons-nous avec un marin ivre?
Que ferons-nous avec un marin ivre?
Que ferons-nous avec un marin ivre, tôt le matin ?


Il avait une belle voix grave, et un sens du rythme correct. Le marin au luth se mit à jouer une mélodie entraînant, et tout l’équipage se mit à chanter en chœur, battant le rythme en claquant des mains ou en cognant leurs choppes sur la table. Alizarine se joignit à eux à pleine voix :

– Way ! Hay ! Jusqu’à ce qu’elle se lève.
Way ! Hay ! Jusqu’à ce qu’elle se lève.
Way ! Hay ! Jusqu’à ce qu’elle se lève, tôt le matin !


Félix continua à chanter, mais les marins ne cessèrent pas de battre le rythme, visiblement enchantés. Le capitaine chantait les couplets, les marins reprenaient le refrain, le tout dans un vacarme qui emplissait tout l’espace sonore de la taverne. Au bout du deuxième refrain, le reste de l’auberge se joignit plus ou moins à eux, comme toujours quand quelqu’un se mettait à chanter dans une auberge.

Lorsque la chanson fut terminée, un tonnerre d’applaudissement et d’acclamations éméchées saluèrent les chanteurs. Félix salua en s’inclinant, et reprit sa place. Alizarine lui leva son verre, les yeux pétillants d’amusement :

– Bravo, j’ignorai que le chant était un de vos talents cachés !

– Notre capitaine a des taaaas de talents cachés
, chuchota Ness très fort et de manière parfaitement audible.

Alizarine s’empressa de cacher un fou-rire sous une toux factice, tout comme deux marins assis à côté d’eux. Parce que, sérieusement, la rouquine n’était pas une entremetteuse subtile. M’enfin, elle n’allait pas dédaigner la perche si aimablement tendue.

– Vraiment ? fit-elle d’un ton complètement innocent. Raconte !

L’air très enthousiaste et passablement ivre, Ness ouvrit la bouche pour lui raconter la vie du capitaine de A à Z et avec le plus de détails possibles. Mais un des Navigateurs lui colla précipitamment un verre sous le nez, distrayant la rouquine, tout en lançant :

– Dernier verre, Ness, sinon tu ne retrouveras jamais ta chambre !

– J’ai un sens exceschi–, euh exceptionnel de l’orientation !
protesta Ness en le fusillant du regard.

Et l’empressement des marins à essayer de faire taire leur camarade bavarde aurait pu sembler suspect à Alizarine, mais à nouveau, ça lui passa au-dessus de la tête. Elle se contenta d’en rire.

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    « Bravo, j’ignorai que le chant était un de vos talents cachés ! »


Un sourire en coin accroché aux lèvres, Fynn fit une petite courbette vers l’avant pour la remercier. Il allait, bien entendu, lancer une réplique à sa sauce, manquant légèrement d’humilité, mais Ness le devança de peu.

    « Notre capitaine a des taaaas de talents cachés. »


    « Vraiment ? fit-elle d’un ton complètement innocent. Raconte ! »


Fynn éclata de rire et, subtilement, lança un regard accompagné d’un signe de tête vers Ezalyn. Son quartier maitre compris tout de suite la requête de Fynn, s’il ne l’avait pas en plus anticipé, et déboucha aussitôt aux côtés de la jeune Aline rousse avec un verre dans les mains.

    « Dernier verre, Ness, sinon tu ne retrouveras jamais ta chambre ! »


Fynn n’était pas particulièrement inquiet, mais vu l’état de Ness, une bévue était plutôt facile à anticiper. Elle n’allait surement pas lui parler bien franchement de sa réelle identité, néanmoins, échapper un « Capitaine Fearàin » plutôt qu’un « Capitaine Luïwen » pouvait être problématique. Très problématique, tout compte fait, comme ils étaient en présence d’une chasseuse de primes. La piraterie avait beau ne pas être sa spécialité, son nom était largement plus connu que nécessaire, surtout aux vues des récentes mises à prix supplémentaires sur sa jolie tête.

Les autres marins, bien qu’eux aussi en état avancé d’alcool, avait un peu suspendus leurs bruyantes activités pour tendre l’oreille vers les propos de Ness, et plusieurs se joignirent à Ezalyn pour détourner l’attention de la jeune femme de son sujet initial. La manœuvre était beaucoup moins subtile qu’elle n’aurait pu l’être si tous ses hommes avaient été sobres, mais c’était peut-être justement un effet de l’alcool, le manque de subtilité passa comme un charme.

Offusquée, Ness répliqua alors sur un ton outré, mais laborieux, ses joues rosies devenant écarlates :

    « J’ai un sens exceschi–, euh exceptionnel de l’orientation ! »


Fynn joignit son rire à celui d’Alizarine et des autres membres d’équipage, puis rétorqua :

    « Encore heureux, Ness, sinon nous serions tous perdus au fond du grand Océan du Sud depuis des lunes! »


Il se tourna pour refaire face à son invitée d’honneur et précisa :

    « Ness est la meilleure vigie qui m’est été donnée de rencontré. À son âge, elle surpasse nombre de marins vétérans d’autres navires… Mais je dois avouer que suis plutôt heureux que nous ne reprenions pas la route ce soir! »


Il n’exagérait pas. La gamine était douée. Ayant grandi sur le pont d’un navire depuis sa naissance, elle avait la mer dans les veines et un amour du large particulièrement développer, même pour une Aline. Fynn n’avait pas hésité longtemps avant de lui offrir le poste de vigie, malgré son jeune âge. Il n’était pas rare qu’elle fasse l’envie de jeunes aspirants d’autres navires qu’ils croisaient.

    « Parlant de cela, retournons un peu à notre affaire… Je crois que vous ne comptez pas rester longtemps dans les environs et n’êtes que de passage. Je vais aussi me risquer un peu et supposer que votre destination finale est la capitale. »


Il ne se basait pas sur beaucoup d’indices pour cette dernière déduction, sinon qu’Al-Jeit était le principal centre pour les chasseurs de primes. C’était là que les plus gros poissons étaient affichés, où les plus grosses primes étaient offertes, bien entendu. La concentration de nobles sur ce même bout de terre expliquait le tout. Et d’ailleurs, les voyageurs venant du nord avaient presque tous plus ou moins cette destination en tête.

Fynn n’avait jamais mis les pieds à Al-Jeit et n’était pas près de remédier à la question. L’entreprise état bien trop risqué, entre autres pour la raison qui vient d’être citée, mais il n’avait pas non plus envie de se balader sur le plancher des vaches suffisamment longtemps pour aller s’enfermer dans les murailles d’une ville qui n’a même pas vue sur mer!

Si on peut sortir l’Aline de la mer, on ne peut définitivement pas sortir la mer de l’Aline.

Il laissa le temps à son interlocutrice de répondre et poser sa propre question tout en observant du coin de l’œil ses membres d’équipage entrainer tranquillement Ness vers l’autre bout de la table. Lorsqu’il aperçut Sierra attraper sa petite sœur par l’épaule et l’emmener à l’écart du groupe pour la reconduire à sa chambre, il finit de se détendre. Il enchaina ensuite avec une question légèrement plus personnelle et qui pouvait, selon tout expert notable sur la question, être particulièrement glissant. Il commença en s’exclamant :

    « Ho et puis au diable, on n’en est plus au premier verre! J’espère que vous ne m’en voudrez pas pour l’indiscrétion de ma prochaine estimation, mais… vous semblez bien jeune pour avoir une telle assurance et un métier tel que le vôtre. Non non, c’est entièrement un compliment! J’ai vu des vétérans de chasseurs de têtes avec l’assurance d’un goéland et le charme d’une palourde. Vous êtes une espèce rare, Alizarine. »


Il avait dit sa dernière phrase à moitié sur son ton charmeur et à moitié sur celui de la plaisanterie.

    « Vous n’êtes certainement pas dans la trentaine ni dans la jeune vingtaine, si je ne m’abuse. Mmm… 25 ans? »



    [JJ'espère que ca te plaira! Je me suis permis de faire une légère ellipse pour aller plus rapidement vers une deuxième question, question de faire avancer les choses un peu plus rapidement pour me faire pardonner de mon retard^^]

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